Pour son premier long-métrage, le cinéaste belge Fabrice
Du Welz n'a pas choisi de nous raconter un conte de fée. Plutôt le
calvaire d'un artiste itinérant qui pour gagner du temps sur la
route du sud, décide de prendre un raccourci qui va le mener jusqu'à
l'auberge de Bartel. Un homme se définissant lui-même comme un
ancien artiste et que sa femme a abandonné voici plusieurs années.
Le véhicule de Marc Stevens tombé en panne, l'aubergiste lui promet
de jeter un œil au moteur. Résultat des courses : la
camionnette est devenue inutilisable.
Peu à
peu, l'étau se resserre autour du chanteur. Bartel n'a pas
l'intention de laisser repartir le jeune homme qu'il confond
désormais avec Gloria, son épouse. Séquestré, humilié et vêtu
des vêtements de celle-ci, Marc n'a guère l'occasion de pouvoir
espérer fuir le piège dans lequel il est tombé. Il ne pourra
d'ailleurs pas compter sur l'aide des villageois qui eux-mêmes
observent un comportement très étrange vis à vis du jeune artiste
et de son bourreau. Les jours et les heures passent. L'aubergiste
peut compter sur l'appui de Boris, un adolescent attardé qui passe
son temps à la recherche de sa chienne Bella. Un soir, alors que
tout semble définitivement perdu pour Marc, l'auberge est attaquée
par un meute de villageois surchauffés conduits par un certain
Robert Orthon. C'est peut-être alors l'occasion pour Marc de
s'enfuir...
Éprouvant. Voici ce qui ressort d'abord du
premier long-métrage de Fabrice Du Welz, cinéaste un peu trop
sous-estimé (Vinyan,
Colt 45),
auteur de la meilleure adaptation cinématographique d'un fait divers
sordides dont se rendit responsable le couple de tueurs en série
américains Raymond Fernandez et Martha Beck avec Alléluia,
et dont le dernier film Message from
the King est
sorti sur nos écrans il y a huit jours. Si Calvaire
porte bien son nom, son auteur semble y digérer plusieurs influences
majeures du cinéma d'épouvante et notamment de quelques survivals
plutôt bien sentis. Massacre à la Tronçonneuse
de Tobe Hooper demeurant sans doute l'une des principales sources
d'inspiration de Fabrice Du Welz avec, entre autres, La Traque
de Serge Leroy.
Dès
les premières minutes, le cinéaste belge instaure un climat
trouble, et éminemment dérangeant. Entre cette maison de retraite
qu'il visite chaque année pour y donner un concert de chansons
ringardes au profit de vieillards dont certaines pensionnaires
développent un amour morbide pour cet artiste de quarante ou
cinquante ans plus jeunes qu'elles, et cette route perdue en pleine
campagne et que la brume et l'obscurité enveloppent d'un manteau
particulièrement angoissant, il ne fait aucun doute que le sort du
personnage incarné par le génial Laurent Lucas (auquel Fabrice Du
Welz rendra son honneur en lui faisant cette fois-ci endosser le rôle
de bourreau dans l'extraordinaire Alléluia)
est déjà scellé.
Outre
quelques références, dont une scène de repas qui abouti sur des
gros-plans d'yeux similaires à ceux du classique de Tobe hooper cité
plus haut, Fabrice Du Welz aborde une déviance sexuelle rarement
évoquée dans le septième art : la zoophilie. Car non content
d'être de parfaits demeurés, les villageois dont le chef n'est
autre que le toujours impeccable Philippe Nahon violent en toute
impunité et sous le regard malsain de leurs proches, leur propre
bétail.
De
quoi vous donner le tournis, en imaginant que vous puissiez ne fusse
qu'un instant être à la place du pauvre Marc Stevens dont le pseudo
même et le costume de scène définissent à eux seul l'aspect
dépassé du personnage qu'il incarne durant sa tournée. Face à
lui, un Jacky Berroyer loin du personnage que l'on connaissait dans
les années quatre vingt-dix lors de la diffusion de l'émission
culte Nulle
par Ailleurs.
Le pauvre homme a ici littéralement fondu un fusible. Calvaire
dresse le portrait d'une civilisation retournée à l'état sauvage.
Entre barbarie, rituels ancestraux proprement ignoble, et absence
totale de toute forme de morale. La critique d'une société
engendrant des créatures ressemblant de moins en moins à des hommes
et davantage à des bêtes fauves.
Pour
son premier film, Fabrice Du Welz signe une œuvre coup de poing
terriblement efficace. La première d'une lignée de longs-métrages
forts réussis. A noter la présence au début du film de
l’envoûtante actrice Brigitte Lahaie qui n'en était pas ici à son premier coup d'essai en matière de film d'horreur puisqu'elle tourna jadis auprès du cinéaste français Jean Rollin...
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