Alors que s'apprête à voir le jour le Nosferatu
de Robert Eggers, énième itération cinématographique d'un mythe
non officiellement emprunté à celui du Dracula
de Bram Stoker pour de simples questions de droits par le réalisateur
allemand Friedrich Wilhelm Murnau et par le producteur et architecte
Albin Grau, en France, l'une des meilleures surprises de ces
dernières années à quant à elle été récemment et tout à fait
réglementairement inspirée d'une tout autre œuvre littéraire.
Celle du romancier, poète et dramaturge russe Alexis
Konstantinovitch Tolstoï, frère du célèbre écrivain Léon
Tolstoï. Apparue après son décès, la nouvelle La
Famille du Vourdalak : Fragments inédits des Mémoires d'un inconnu
est donc à l'origine de l'adaptation sur grand écran du premier
long-métrage du réalisateur français Adrien Beau qui jusque là
était demeuré l'auteur de deux courts-métrages tout deux réalisés
en 2011 et intitulés La petite sirène
et Les condiments irréguliers.
Mais pour quelles raisons évoquer Dracula ou son pendant germanique
Nosferatu dans cet article consacré au Vourdalak
d'Adrien Beau ? Parce qu'il s'agit là également de traiter du
vampirisme. Au départ, l'on découvre sur une route de campagne le
Marquis Jacques Antoine Saturnin d'Urfé (l'acteur suisse Kacey
Mottet Klein) démuni de ses bagages après qu'il eut été victime
d'une attaque de diligence par des brigands d'origine turque. Ces
mêmes bandits que le père de ceux qui vont bientôt l’accueillir
plus ou moins froidement dans leur auberge est parti chasser avec
d'autres habitants de la région. Un certain Gorcha qui restera
durant un temps, très mystérieux. Car jusqu'au retour du
propriétaire de l'établissement où il viendra s'abriter, le
Marquis ne fera la rencontre que de sa progéniture constituée de
l'envoûtante Sdenka (Ariane Labed), de son frère cadet Piotr
(Vassili Schneider), de l'aîné Jegor (Grégoire Colin) ainsi que de
l'épouse Anja et Vlad le fils du couple (Claire Duburcq et Gabriel
Pavie). Quant à Gorcha, le paternel, le réalisateur et scénariste
Adrien Beau l'incarne lui-même. Ou tout au plus lui offre-t-il le
don de parler puisque comme nous le découvrirons plus tard, ce
personnage fort inquiétant n'est pas interprété par un acteur mais
par une marionnette à échelle humaine conçue par Franck
Limon-Duparcmeur. Dans et autour d'une auberge à l'architecture
extérieure relativement séduisante mais dont les intérieurs
s'avèrent nettement plus sinistres, c'est l'attente.
''On''
a promis au Marquis que Gorcha lui offrirait un cheval afin qu'il
poursuive son chemin mais en attendant le retour du maître des
lieux, le jeune notable essaie de nouer un contact avec Anja avant de
se rapprocher de la sensuelle et mystérieuse Sdenka. L'intrigue se
déroulant au dix-huitième siècle, les costumes s'imposent. Et
notamment celui que porte le Marquis Jacques Antoine Saturnin
d'Urfé, visage poudré, chapeau tricorne vissé sur le crâne. Un
nanti qui semble s'effrayer de tout, sursaute au moindre bruit ou
suffoque très (trop?) longuement à l'idée d'avoir pu tomber d'une
falaise. La rencontre entre cet homme de la grande bourgeoisie et une
famille aux conditions de vie modestes donne lieu à des situations
tout d'abord pittoresques.jusqu'à ce que l'effroi et le fantastique
ne s'invitent au cœur d'un récit qui jusque là faisait la part
belle à un certain hermétisme artistique puisqu'en effet, les
dialogues de Le Vourdalak
sont prononcés de manière fort théâtrale. Une approche qui
conditionne plus ou moins le spectateur tout en prenant le risque de
le voir totalement s'écarter d'un sujet au demeurant fort
passionnant. L’œuvre sort des sentiers battus et aborde son sujet
historico-fantastico-romanesque en employant des techniques très
particulières comme l'usage de la voix-off et du ''marionnettisme''.
Créateur de l'atelier Pumcoco,
le sculpteur spécialisé dans les effets-spéciaux Franck
Limon-Duparcmeur donne ainsi naissance à un vampire dont les
''ficelles'' sont certes ''visibles'' à l'image mais dont le
ténébreux charisme n'a rien à envier à celui des deux plus
célèbres mythes littéraires et cinématographiques du vampirisme,
Dracula et Nosferatu. Emprunt d'une certaine poésie mais frayant
aussi parfois avec le burlesque, Le Vourdalak
offre également quelques purs moments de terreur que le spectateur
traitera peut-être malheureusement avec distanciation. L'élégance
de la mise en scène et de l'interprétation liée à une certaine
absurdité n'enlève heureusement rien au charme de cet exemple rare
de cinéma horrifique hexagonal dont les qualités, nombreuses,
pallient sans trop de difficultés aux quelques choix plus que
discutables qui auraient pu le renvoyer à la case ''nanar''...
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