En 1980, Maniac fait l'effet d'une bombe dans le genre encore très underground du cinéma d'épouvante. Le succès auprès des amateurs du genre ne s'est, depuis, jamais démenti. William Lustig qui s'est jusqu'à maintenant contenté de produire des bandes pornographiques se lance dans un projet dont l'aspect final ne l'éloigne pourtant pas de ses premières amours. Car si le Maniac de 1980 n'offre aucun plan de sexe rapproché, le portrait que fait le cinéaste de son psychopathe demeure encore aujourd'hui comme l'un des plus dérangeants. Un voyage dans l'esprit tourmenté d'un quadragénaire fou amoureux de sa maman, la même qui punissait son rejeton à coups de brûlures de cigarettes. Le film s'auréolait d'une ambiance morbide spectaculaire et des plus flippante. Alors que Lustig filmait son tueur au plus près (l'impressionnant Joe Spinell), Franck Khalfoun place sa caméra entre les mains vengeresses de son meurtrier. Un parti-pris subjectif qui pourra déboussoler mais qui dans le fond, permet au remake de se distinguer de son aîné. En 1980, Lustig choisit les rues crasseuses de New-York où prostituées et couples adultères s'ébattent, créant ainsi un terrain de chasse idéal pour le prédateur en quête de sensations morbides. Le grain de la pellicule vient renforcer l'impression de malaise permanent qui transpire à chaque plan. En 2012, l'image est propre, nette et sans bavures, hormis les parasites qui viennent fausser la perception visuelle du héros (alors en pleine crise de démence) et par là même celle du spectateur.
Une appréhension naît chez le fan de la première heure bien avant la sortie du film lorsque l'identité de l'acteur interprétant le Franck Zito du remake est annoncée. Comment Elijah Wood va-t-il pouvoir se mesurer à l'extraordinaire et libidineux Joe Spinell quand le souvenir de son rôle dans Le Seigneur Des Anneaux reste à ce jour dans l'esprit de tous ? Spinell avait l'avantage de n'avoir pas d'efforts à fournir pour donner le frisson. Son visage grêlé, son imposante stature et son charisme naturel suffisaient à eux seuls à donner un cachet particulier à son personnage. Un doute subsiste. Wood est beaucoup plus jeune, arbore le visage de l'innocence et paraît bien frêle à côté des victimes délurées dont il fait son tableau de chasse. C'est pourtant ces détails qui rendent son personnage si troublant. Celui qu'on imagine plutôt côtoyer les boites de nuit va se révéler un prédateur admirable devant la caméra de Khalfoun, le subjectif renforçant cet aspect. Lustig ne lâche jamais son personnage, sa caméra le suivant elle-même comme une prédatrice.
D'un point de vue scénaristique, les deux films sont semblables. Chacun des tueurs est traumatisé par une enfance difficile. Mais si en 1980 celle-ci n'est que suggérée, en 2012 les plans montrant les néfastes conséquences du comportement de la mère de Franck nous sont exposés de manière métronomique tout au long de l’œuvre. Dès les premières minutes, on savait que le film de William Lutig serait bien différent des
Vendredi 13 et autres Halloween. Celui de Khalfoun a le mérite d'éviter cet aspect insidieux qui vérole la majorité des productions actuelles. Des œuvres que pas même l'image poisseuse et les hectolitres de sang ne parviennent à hisser au niveau de celles dont elles semblent s'inspirer. Le Maniac de 2012 est un film adulte qui ne vise pas uniquement les adolescents boutonneux, mais aussi les fans de la première heure qui sont depuis plus de trente ans à la recherche de frissons similaires et qui, il faut bien l'avouer, sont quelque peu restés sur leur faim.
En 1980, les effets numériques n'existent pas encore et il ne peut encore germer dans l'esprit du cinéaste une telle hypothèse. C'est ainsi qu'il fait appel à Tom Savini. LE spécialiste des effets gore à base de latex. Le bonhomme s'en donne à cœur joie. Le film n'est en effet pas avare en plans gore et le travail accompli sur ces derniers demeure encore aujourd'hui une référence inaltérable. Aujourd'hui, et alors que les effets-spéciaux ont fait un bond spectaculaire, Khalfoun a réussit un mariage subtil entre maquillage et numérique. Tant et si bien que l'on a beau scruter le moindre détail, on ne devine jamais quand l'un prend le dessus sur l'autre.
Concernant la bande-son, et même s'il nous arrive d'être agréablement surpris par le travail accompli par Rob sur le film de 2012, elle n'arrive cependant pas à faire de l'ombre à la traumatisante partition de Jay Chattaway sur celui de William Lustig. Entre nappes synthétiques et piano désaccordé, elle foutait à elle-seule une trouille bleue. On vantera tout de même l'approche très eighties de Rob qui injecte des thèmes se rapprochant de l'esprit des années quatre-vingt.
Maniac 2012 - Le petit plus :
D'un point de vue strictement personnel, la relation entre le Franck Zito interprété par Joe Spinell et Anna (Caroline Munroe) en 1980 tombait comme un cheveu dans la soupe. Elle permettait sans doute au cinéaste de donner à son héros un peu d'humanité mais brisait la sensation d'étouffement qui emprisonnait les spectateurs. Un bol d'air frais sans doute essentiel aux yeux de William Lustig mais qui ouvrait la porte à une seconde partie beaucoup moins nauséeuse. Le parti-pris de Khalfoun de réitérer l'expérience à cependant un impact bien différent. La première demi-heure du film est lourde et sans saveur. On regrette presque déjà d'avoir jeté un œil sur le remake. Mais quand naît l’ambiguë relation entre Anna et Franck, on est forcément touchés par l'émotion que dégage les scènes qui les lient. Une belle rencontre dans la psyché désordonnée d'un tueur fou qui ressemble pour de TRES courts instants à un être tout à fait normal.
Maniac 2012 - Le petit moins :
La fameuse scène dans le métro restera sans doute celle la plus marquante de l’œuvre de William Lustig. Un véritable cauchemar imprimé sur pellicule, et qui donne à partager ce que doit probablement vivre la proie d'un tueur en série. Une chasse aux confins de la détresse et de la solitude pour une jeune femme aux abois qui trouve refuge dans les toilettes crasseuses d'une station de métro. Un piège dans lequel elle tombe volontairement et qui, bien sûr, se referme sur elle. L'angoisse est terrible. L'attente aussi. Tout (et rien) nous prépare à ce qui va advenir de la jeune femme et pourtant, comme elle, on cesse de respirer dans l'espoir de voir naître une issue heureuse.
Kahlfoun décide de donner sa vision de cette scène emblématique. Sauf qu'il décide de livrer sa victime au tueur dans un lieu beaucoup moins exigu. Ce qui atténue quelque peu l'impact de cette scène. Dans le film de 1980, les murs des toilettes sont aveugles. Seuls quelques tags sont témoins de ce qu'il va advenir de la jeune femme. En 2012, c'est au milieu d'un parking que se joue le drame. Des dizaines de voitures, un immeuble à proximité et le choix de tourner le plan en un lieu non confiné rendent possible une fin optimiste. La scène, tournée, en vue subjective écarte alors tout suspense (Où est le tueur? A-t-il abandonné sa proie ?).
Maniac 2012 demeure donc un très bel hommage au film de William Lustig. Mais au risque de paraître vieux jeu, il faut reconnaître que le film de Franck Khalfoun est loin de distiller la peur et le malaise auxquels on s'attendait. Au regard de la majorité des films d'horreur qui sortent depuis quelques années, le remake reste cependant très efficace.
Très bon !!! Réalisation particulièrement soignée et esthétique.
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