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jeudi 16 décembre 2021

Scènes de chasse en Bavière (Jagdszenen aus Niederbayern) de Peter Fleischmann (1969) - ★★★★★★★★★★

 


 

Derrière un titre qui au mieux ferait passer le premier long-métrage de fiction du réalisateur allemand Peter Fleischmann pour une œuvre bucolique et au pire pour un affront envers les défenseurs des animaux se cache sans doute l'un des films les plus marquants, les plus effrayants et les plus importants du milieu des années soixante en Allemagne. La résurgence du nazisme s'y exprimant implicitement même si l'on est très loin de l'imagerie aryenne déployée prés de trente ans en arrière, le film évoque le retour dans son village d'Abram, un jeune homme qui après avoir séjourné en prison pour avoir osé entretenir une ou plusieurs relations avec des hommes va subir les quolibets et le harcèlement moral de tout un village. À commencer par sa propre mère qui plutôt que de vouloir protéger son fils choisit de se rallier à la cause des villageois auxquels elle se refuse de se confronter. De bout en bout, Scènes de chasse en Bavière (Jagdszenen aus Niederbayern) porte en lui les germes d'une inculture paysanne dans laquelle se sont enfermés les habitants d'un petit village de campagne. Tous les traits de caractère d'hommes et de femmes ne vivant pourtant pas si loin de la civilisation mais qui pourtant s'expriment à travers des coutumes et des mœurs régressifs. Le long-métrage de Peter Fleischmann est inconfortable malgré des débuts joyeux, que l'on croit résulter de la bonne humeur de ses paysans qui travaillent la terre et abattent un cochon entre deux pintes de bière !


Mais cette apparente jovialité cache la mesquinerie et la bassesse de ces individus crasseux qui n'hésitent pas à harceler ce pauvre Abram (l'acteur Martin Sperr), seul face à un village qui va tout entier le pousser à bout. Seul éclat de lumière dans cette fange immorale où la luxure s'exprime au grand jour, la belle Hannelore (Angela Winkler). Une fille facile. Une putain qui s'est donnée à plusieurs reprises aux hommes du village mais qui affirme être enceinte du jeune homme. On croit pénétrer un monde inconnu parcouru de visages étranges et de comportements douteux au point de vouloir les rejeter avant même d'avoir appris à les (re)connaître. Mais l'étranger n'est pas celui que l'on croit. L'inculte est sans doute celui qui ne se sent pas capable d'affronter l'ignominie et préfère laisser sa place à un autre. Œuvre de fiction, Scènes de chasse en Bavière n'en est pas moins d'un très grand réalisme comme le prouve notamment la présence de plusieurs interprètes qui n'iront pas au delà de cette seule expérience cinématographique. Des amateurs. À l'image de Johann Lang qui incarne Ernstl, l'idiot du village. Filmé en noir et blanc, le film de Peter Fleischmann exsude un drôle de poison qui envahi notre organisme (frissons incontrôlables) jusqu'à se faufiler dans notre cerveau (ivresse des sens). Le but est atteint. Pris d'un inexplicable vertige, le spectateur se retrouve impuissant devant des horreurs qui s'expriment moins à travers la violence physique qu'à travers la torture morale infligée au jeune homosexuel. À seulement trente-deux ans, le réalisateur allemand signe une œuvre coup de poing qui n'use d'aucun autre artifice que le cadre austère d'un petit village de campagne et de ses habitants...


D'emblée, le film s'ouvre sur une iconisation des événements à venir même si ceux-ci se révéleront finalement bien moins démonstratifs et physiquement cruels que les peintures qui ornent l'église du village. Tout est déjà dit en l'espace de quelques minutes. De la représentation picturale d'un martyr émasculé figurant le sort auquel pourrait éventuellement prétendre le jeune homosexuel jusqu'au regard salace jeté par les hommes présents à l'église sur la belle et délurée Hannelore. En enfermant ses villageois en un lieu clos et en les éloignant de toute civilisation, Peter Fleischmann les condamne ainsi à l'ignorance et à cultiver leurs propres valeurs morales. Un drame qui confine à l'horreur psychologique. Une épouvante qui ne pioche jamais dans le bestiaire fantastique mais qui se saisit de l'âme (in)humaine pour en dresser un portrait particulièrement sombre. Si l'on est loin du mouvement de foule et de l'esprit de lynchage auxquels on pouvait notamment assister dans le sublime Fury de Fritz lang en 1936, la personnalité des villageois n'a ici rien à envier à celle de ceux qui trente-trois ans plus tôt s'attaquèrent à Joe Wilson qu'interpréta alors l'acteur américain Spencer Tracy. Scènes de chasse en Bavière de Peter Fleischmann n'est rien moins qu'un monument du septième art...

 

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