Premier film éthiopien à
franchir la frontière de mon salon, Crumbs est le
genre de long-métrage a ne pas laisser indemne. Un dépucelage d'à
peine soixante-dix minutes sous couvert d'une expérience filmique
d'une rare intensité. Ce qu'il faut comprendre par cette expression,
c'est que d'intensité, l’œuvre de Miguel Lalanso n'en est pourvue
que de rares portions. Quelques fantastiques gros plans sur des
terres arides où ne semblent pulser que les prémices d'une
existence à venir (les minuscules geysers insufflant la vie à une
terre asséchée depuis une apocalypse ayant effacé de la surface de
la planète, la presque totalité de l'humanité). Un personnage,
héros du récit, atypique, difforme, affublé d'une bosse dans le
dos, visage (très) enfoncé, disparaissant presque entre deux
épaules malingres. Un « black » du coin, s'exprimant
dans l'une des cent langues parlées en Éthiopie (ne me demandez pas
laquelle). Une épouse, un voleur, un brocanteur, un vieillard
sénile, et un père Noël aussi noir que l'ébène et vivant dans
une étrange pièce dont l'un des orifices mural donne sur une salle
de bowling désaffectée. Si ces quelques détails vous mettent l'eau
à la bouche, alors suivez-moi. Si au contraire, vous avez déjà
perdu le fil de l'histoire, veuillez quitter la salle en laissant
propre votre siège car la suite n'épargnera pas davantage votre
petite cervelle aux idées préconçues.
Remontons le fil du
récit jusqu'à sa genèse et revenons sur un point qui manquait de
précision : Crumbs
n'est pas qu'éthiopien. D'ailleurs, le nom du réalisateur chante à
nos oreilles comme celui d'un homme du sud-ouest de l'Europe. Ce
qu'il est puisque Miguel Llanso est espagnol et qu'il s'agit ici de
son tout premier long-métrage. Une œuvre espagnole, éthiopienne,
et, finlandaise. Ne me demandez pas à quel titre la Finlande est
venue foutre son nez dans cette histoire, je n'en sais pas davantage
que vous. Tout ce que je peux dire, ou écrire, au sujet de Crumbs,
c'est que cet étonnant projet international ne ressemble sans doute
à rien de ce que vous avez vu jusqu'à maintenant, comme il ne
ressemble à rien de ce que j'ai découvert jusqu'à aujourd'hui. Une
minuscule touche de Werner Herzog histoire de coller au film une
petite référence même si cela ne saute pas aux yeux, mais à part
ça, l'oeuvre de l'espagnol transpire l'originalité à cent pour
cent.
Ce
qui aurait pu jouer en sa faveur, d'ailleurs. S'il n'apparaissait
finalement pas aussi... chiant ! Parce que même en prenant bien
soin de se préparer à un spectacle hors du commun, qui sort des
sentiers battus pour nous trimballer dans des paysages parfois
époustouflants de beauté (le caractère de ceux-ci n'étant
malheureusement pas suffisamment mis en valeur), Crumbs
est
une énorme déception. Le récit est confus, certes. D'une œuvre
estampillée par certains de « film
expérimental »,
on ne pouvait raisonnablement pas s'attendre à autre chose. Mais de
là à proposer un film dont la lenteur confine à l'ennui, la
désillusion est cruelle et le constat définitif. Miguel Llanso a
raté le coche. Bien que les idées délirantes qui émaillent Crumbs
promettaient monts et merveilles (le héros bossu lancé à la
recherche du Père Noël, les objets de consommation courante de
notre ère revêtant ici une valeur inestimable (au hasard la figurine
de l'une des tortues ninjas, une épée en plastique ou l'un des
albums de Michael Jackson)), et plus fou encore dans un cadre aussi
inattendu que l’Éthiopie, un vaisseau lévitant dans le ciel.
Non,
décidément Crumbs ne
fonctionne pas. Et même si la présence des interprètes que sont
Selam Tesfayie, Quino Piñero, Mengistu Berhanu et surtout Daniel
Tadesse est attendrissante de part cette tentative d'ajouter une
pierre à l'édifice du cinéma de science-fiction, le film cause
trop de soupirs pour vraiment se démarquer du reste de la
production. Ce qu'il ne tente d'ailleurs très certainement pas de
faire. Reste que le film de Miguel Llanso possède une véritable
identité. Cela suffit-il ? Non, définitivement, non...
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