Keng et Tong sont les
meilleurs amis du monde... et même un peu plus... Le premier est
soldat dans l'armée thaïlandaise tandis que le second vit dans la
campagne auprès de sa mère. Leur existence est ponctuée de longs
moments de détente, entre balades en ville, discothèques, et
séquences d'intimité lors desquels les deux hommes se découvrent
chaque jour un peu plus. Une vie finalement très banale que le
réalisateur thaïlandais Apichatpong Weerasethakul filme avec le
réalisme du documentaire bien que tout ne soit que fiction. Sans
artifices puisque la beauté du pays se suffit à elle-même. Une
contrée sans doute idéale pour ces deux garçons que personne ne
juge. Ni même ceux qui sont les témoins privilégiés de leur
relation. A commencer par le spectateur qui assiste à cet amour
naissant des plus pur, dans un décor entre nature bordant la
civilisation et population fourmillant à l'intérieur des grands
axes de la ville. Tropical Malady hypnotise
et enchante tout d'abord par sa simplicité. Un rythme qui trouvera
sans doute aucun des détracteurs. La promesse d'un choc visuel fait
par une majorité importante de critiques se voit-elle pour autant
confirmée ? Oui et non. Certainement moins lors des errances
urbaines de nos deux personnages principaux interprétés par Banlop
Lomnoi et Sakda Kaewbuadee que lorsque le premier se lance lors du
second acte dans la forêt afin d'y traquer un animal qui fait depuis
peu des ravages parmi les troupeaux de vaches de la région. Tropical
Malady
prend alors une ampleur inédite. Le rythme est toujours le même et
si Keng est désormais seul, également lancé à la recherche de son
ami Tong dont la disparition coïncide avec la présence des cadavres
de vaches récemment retrouvées éventrées, la deuxième partie du
long-métrage crée une certaine rupture vis à vis de la première.
De ce rêve épuré auquel participait le spectateur auprès des deux
jeunes hommes, le film prend une tournure nettement plus dramatique
et cauchemardesque...
Car
il est ici question de légende. Celle d'un chaman possédant la
faculté de prendre l'apparence de divers animaux et dans le cas
présent, en l'occurrence, celle d'un tigre. Keng pénètre une forêt
touffue où le danger semble régner derrière chaque tronc d'arbre.
Des cris menaçants retentissent et une ombre, parfois, se profile
devant le jeune soldat. Lequel ira même jusqu'à ''communiquer''
avec un primate ! Le long-métrage de Apichatpong Weerasethakul
offre un dépaysement total même si l'on est là encore, à la
recherche de cette esthétique éblouissante promise. Car si la
comparaison risque d'en faire sursauter plus d'un, voire de les
indigner dans leur chair de cinéphiles, visuellement, Tropical
Malady
n'est en rien aussi éblouissant que le mitigé Vinyan
du belge Fabrice du Welz, expérience sensitive ô combien marquante
qui pourtant ne fit pas l'unanimité au moment de sa sortie en salle.
La légende entourant ce chaman qui poursuivra le héros jusqu'au
final saisissant n'est pas le fruit de l'imagination du réalisateur,
également scénariste de son propre film. Celle-ci provient à vrai
dire du conte Un
talapoin sorcier
paru en 1890 dans Revue des traditions populaires et écrit par le
français Charles Hardouin. Elle semble également reprendre l'une
des légendes de la mythologie thaïlandaise dans laquelle un moine
sorcier possédant des pouvoirs magiques serait en mesure de se
changer en un tigre très vorace dévorant tout être vivant passant
sur son chemin. Tropical Malady
mue alors en un mélange entre tradition, survival et fantastique. Le
résultat s'avère particulièrement déroutant. L'on pourra alors
trouver la chose imbuvable ou au contraire d'une maîtrise absolue.
Choisissez votre camp...
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