Lorsqu'en 1976, le
cinéaste américain John Carpenter se voit offrir l'opportunité de
tourner son second long-métrage, il n'a malheureusement pas les
moyens de ses ambitions. Alors qu'il s'imaginait déjà consacrer un
biopic à Mikel « El Lobo » Lejarza, un membre du service
de renseignement espagnol infiltré au cœur du groupe armé ETA
(Euskadi Ta Askatasuna, pour Pays Basque et Liberté),
il pense ensuite à la réalisation d'une œuvre dans l'esprit de El
Dorado que Howard Hawks tourna en 1966. S'il en abandonne
l'idée, il s'inspirera cependant d'un autre western du réalisateur,
producteur et scénariste américain : Rio Bravo
avec John Wayne et Dean Martin. John Carpenter remplace le shérif
John T. Chance, l'adjoint alcoolique Dude, le vieil homme boiteux
Stumpy, la fille aux plumes et le jeune Colorado Ryan par le
lieutenant Bishop, la secrétaire Leigh, et les truands Wells et
Napoleon Wilson. Quant au récit, si beaucoup d'éléments ont été
supprimés de l’œuvre originale, l'auteur de Halloween préserve
l'état de siège dans lequel tombent ses personnages. Exit le Far
West, bonjour le quartier d'Anderson de Los Angeles.
Y fait régner
la terreur le gang Street
Thunder qui vient justement de voler un stock d'armes à
feu. Alors que plusieurs membres du gang sont morts durant le vol,
les autres promettent de mettre la ville à feu et à sang. C'est
ainsi qu'une gamine est tuée alors que le gang s'en prenait à un
marchand de glace. Le père de la petite s'empare d'un pistolet que
le marchand planquait sous le tableau de bord de son véhicule et
prend en chasse les voyous. Après de longues heures de
course-poursuite, il parvient à tuer celui qui tiré sur sa fille
mais devient désormais la proie des autres. Se réfugiant dans le
commissariat du Central 13, il se retrouve piégé entre les quatre
murs de l'édifice en compagnie du lieutenant Bishop auquel a été
confiée la charge de surveiller le commissariat jusqu'à son
transfert dans un autre quartier. S'engage alors un combat entre les
forces de police et les membres du gang qui réclament justice après
la mort de l'un d'entre eux...
John Carpenter n'y va pas
par quatre chemins : pour assurer la survie des membres de
l'autorité coincés dans le commissariat, il choisi une étonnante
option : faire de deux criminels, ses alliés. Avec les
cent-mille dollars alloués à Assault on Precinct 13,
pour son second long-métrage, John Carpenter s'en sort brillamment.
Si la source d'inspiration principale se fait ressentir, le cinéaste
parvient à se démarquer très nettement de l’œuvre de Howard
Hawks grâce à l'univers qu'il impose. Le sien. Déjà, tout ce qui
fait le charme du cinéma Carpenterien
est là : une ambiance lourde, sombre, dans laquelle joue un
rôle prépondérant, l'obscurité. Le cinéaste a le don d'employer
les décors à bon escient. Pour preuve, le déplacement furtif du
gang se déplaçant de nuit entre les arbres jouxtant le trottoir
faisant face au commissariat. A travers ce simple plan, John
Carpenter crée un climat effrayant. L'impression d'encerclement.
Comme un rapace refermant ses griffes autour de sa proie. Et puis, il
y a cette musique, lancinante, anxiogène, marque de fabrique de
l'auteur de Prince des Ténèbres
et de Christine.
Car c'est déjà le réalisateur lui-même qui met les mains dans le
cambouis. Réalisateur, compositeur, scénariste, mais également
monteur (sous le pseudonyme de John T. Chance qui n'est autre que le
nom du personnage campé par l'acteur John Wayne dans Rio
Bravo).
Un
touche à tout qui nous offre ici un bel exemple de thriller où la
tension veille à ne jamais baisser la garde. Même les instants où
il ne se passe rien est l'occasion de mettre nos nerfs à rude
épreuve. Dans le genre, Assault on Precinct 13
fait figure d’œuvre d'épouvante urbaine. Ici, pas question de
créer un climat de suspicion envers quelle que race que ce soit. Que
l'on soit du côté du Bien ou du Mal, les visages pâles, les blacks
et les chicanos font tous partie du spectacle. Assault
on Precinct 13 a
le bon goût de ne dénigrer personne en la matière et ne se fait
jamais le témoin d'un quelconque moralisme. Tout au plus le film
arbore-t-il le visage de la rédemption à travers le personnage de
Napoleon Wilson, campé par l'acteur Darwin Joston. Le rôle du
lieutenant Etahn Bishop, John Carpenter l'offre à l'acteur noir
Austin Stoker, quant à celui de la secrétaire Leigh, c'est
l'actrice Laurie Zimmer qui l'incarne. A sa sortie en 1976 aux
États-Unis, le film ne rencontre pas le succès escompté. Il est
cependant très apprécié du public anglais. Le film marche très
bien en Italie et ne sortira que deux ans plus tard chez nous, en
France. Assault on Precinct 13 faillit
être classé X par la Motion
Picture Association of America qui
considéra la scène où la jeune fille meurt inappropriée. Grâce à
une savante entourloupe du cinéaste, le film sortit finalement dans
la version pensée par son auteur, incluant donc la scène en
question.
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