En matière de recyclage,
le cinéma d'horreur bat absolument tous les records. Des vampires
par centaines, des fantômes par milliers et des zombies par millions
sont apparus sur grand écran depuis que le cinéma existe. Des
suites, des préquelles, des plagiats, des remakes et des reboots à
ne plus savoir qu'en faire, à prendre au premier degré, au second
et parfois même au dixième. En Europe, en Asie comme aux
États-Unis, ce sont toujours les mêmes thématiques qui rebattent
deux de nos principaux sens. La vue et l'ouïe se sont depuis
longtemps accommodés à voir s'étaler sur petits et grands écrans
tous types de monstruosités plus ou moins liées à nos peurs
enfantines lorsqu'elles n'ont pas été, à l'origine, inventées par
des personnalités particulièrement inspirées dans les domaines de
l'horreur, de l'épouvante et du fantastique. En 2024, il fallait
sans doute traverser l'Atlantique pour trouver enfin de quoi nourrir
les amateurs du genre à l'aide de mets de qualité supérieure et
non plus de restes plus ou moins faisandés. Direction le Brésil
avec Abraço de Mãe
de Cristian Ponce. Cinéaste qui se fait désirer dans les salles
puisqu'en quinze années de carrière, il s'agit de son premier
long-métrage en solo, dix ans après avoir participé au film
collectif Historias Breves 11: 20 Años.
Pour son premier réel projet en solitaire, le réalisateur et
scénariste brésilien a de grandes ambitions puisqu'il choisi
de s'intéresser à l'une des plus fameuses créatures du bestiaire
fantastique imaginée voilà près d'un siècle par l'écrivain
américain Howard Phillips Lovecraft : le Cthulhu.
Un monstre à tête de pieuvre qui dans l'imaginaire de Cristian
Ponce prend forme après que son héroïne Ana (d'abord interprétée
par Mel Nunes puis à l'âge adulte par Marjorie Estiano) ait vécu
un drame lors de sa toute jeune enfance. En effet, lors d'un incendie
apparemment volontaire causé par sa propre mère, la gamine semble
avoir créé un lien entre le drame et plusieurs symboles dont un
dessin de pieuvre placardé dans sa chambre. Bien des années plus
tard et une fois devenue femme, Ana reprend sa place au sein d'un
service d'urgence de Rio de Janeiro après avoir été placée dans
l'administration suite à son comportement lors d'une précédente
intervention. Nous sommes alors en février 1986 et Abraço
de Mãe
fait référence à des inondations meurtrières qui eurent cours à
peu près à la même l'époque, transformant ainsi l'une des plus
grandes et célèbres villes brésiliennes en terrain boueux.
Ana,
Dias (Val Perre), Roque (Reynaldo Machado) et le chauffeur Mourão
(Rafael Canedo) se rendent dans une maison de retraite tenue par une
certaine Drika (Ángela Rabelo) après qu'un étranger ait téléphoné
au service d'urgence pour prévenir des dangers qu'encourent les
pensionnaires. En effet, des inondations sont prévues et
l'établissement semble ne pas respecter les normes de sécurité et
de salubrité. Alors que Mourão demeure à l'extérieur, ses trois
collègues pénètrent la bâtisse malgré le refus de sa
propriétaire. Accueillis par Ulisses (Thelmo Fernandes), il y règne
une drôle d'atmosphère. Murs attaqués par l'humidité, fuites
nombreuses laissant pénétrer les eaux de pluie, les lieux semblent
effectivement manquer de propreté. En outre, les pensionnaires
semblent apathiques, ne réagissant pas à l'arrivée des secours qui
enjoignent la propriétaire des lieux de préparer le personnel et
les pensionnaires à quitter l'établissement ! En attendant,
Dias et Ana décident d'inspecter les lieux tandis que Roque est
chargé de vérifier les extérieurs de la propriété. Bientôt
séparée de ses deux collègues, Ana va être en proie à des
visions absurdes que le spectateur aura peut-être et même sans
doute le reflex de mettre sur le compte du drame que vécu la jeune
femme dans un lointain passé. Cristian Ponce parvient avec ce tout
premier long-métrage à créer une ambiance véritablement
anxiogène. Entre cette maison de retraite à laquelle l'on n'oserait
même pas confier son animal de compagnie, son personnel et sa
propriétaire au comportement très ambigu et ses ''fantômes'' qui
hantent ses couloirs et ses chambres mal éclairées, la jeune et
fragile Ana a de quoi se faire du soucis. Surtout lorsque semble être
présente une créature proche de celle qui la hante depuis toujours.
Le réalisateur et scénariste brésilien reprend donc celle de la
nouvelle The Call
of Cthulhu
écrite par H.P.Lovecraft puis publiée en 1928 pour nous servir une
œuvre réellement flippante. Un récit et une situation desquels
l'héroïne va avoir bien du mal à s'extraire. D'autant plus que le
cinéaste ajoute un élément fondamental retenant prisonnière Ana :
une jeune adolescente qu'elle ne peut se contraindre d'abandonner.
Ajoutant à cette vieille bâtisse qui prend littéralement l'eau en
raison des inondations qui viennent tout juste d'être déclenchées
une violente tempête, Cristian Ponce convoque l'idée d'une secte
vouant une véritable dévotion pour une créature monstrueuse. L'on
comprend alors que notre équipe de sauvetage est tombée dans un
piège. Il y a bien quelques maladresses (qu'est donc devenu
Mourão?) mais dans l'ensemble, Abraço de Mãe
accompli plutôt bien son travail de terreur. Une œuvre que l'on
rapprochera du stupéfiant The Abandoned
du trop rare réalisateur espagnol Nacho Cerdà tourné voilà deux
décennies en arrière même si la thématique s'en éloigne
beaucoup...
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