Brad Davis n'aura pas
vraiment eu le temps de faire une brillante carrière
cinématographique puisque lorsqu'il meurt en 1991 des suites du sida
alors qu'il se sait depuis un moment déjà séropositif, il aura
surtout accumulé des rôles à la télévision, le grand écran
n'ayant jamais dressé devant lui, le pont d'or qu'il méritait
pourtant sans doute depuis son apparition dans ce qui allait devenir
LE rôle de sa carrière. Pour beaucoup de cinéphiles, Midnight
Express
sonne comme le souvenir d'une expérience cinématographique
douloureuse. Et lorsque l'on sait que le personnage qu'y interprète
Brad Davis a réellement existé, on repense rétrospectivement au
voyage en Enfer vécu par William Hayes, l'homme autour duquel le
réalisateur et scénariste Oliver Stone s'est concentré pour écrire
le script d'un long-métrage qui allait entrer dans la légende du
septième art : Midnight Express
d'Alan Parker. Une œuvre qui allait faire de ce jeune américain, le
héros d'un film alors même qu'à l'origine, William Hayes n'était
pas le plus recommandable des individus puisque victime de ses
propres ambitions de petit dealer, il fut arrêté par les autorités
turques alors qu'il tentait de faire passer de la drogue et ce, pour
la quatrième fois. Et quatre fois, dans les circonstances que l'on
va découvrir, ce sera une fois de trop. Croyant passer à travers la
fouille de la douane turque, bien mal lui en prend puisque les deux
kilos qu'il transporte sont découverts. C'est alors pour William
Hayes, le début de cinq ans d'enfer...
A
l'origine, Richard Gere devait incarner le rôle-titre. C'est en
toute partialité que me vient à l'esprit l'idée que l'on a sans
doute échappé au pire. Lorsque Brad Davis se présente au casting
avec dans l'ombre, un Dennis Quaid séduit par le personnage, le
jeune acteur alors âgé d'une trentaine d'années a débuté sa
carrière huit ans auparavant mais n'a très majoritairement tourné
que pour le petit écran puisque avant Midnight
Express,
il n'apparaîtra au cinéma que dans Eat My Dust
de
Charles B. Griffith sans être cependant crédité au générique.
Alors que les autorités de la capitale turque Ankara refusent
d'accueillir l'équipe de tournage sur leur territoire, c'est à plus
de deux-mille sept-cent kilomètres de distance, sur l'île de Malte,
que se déroulera finalement le tournage du film d'Alan Parker. Un
long-métrage qui en regard du difficile sujet abordé sera pour le
réalisateur, son équipe, mais surtout Brad Davis, une expérience
physique et intellectuelle éprouvante. Des conditions de tournage
délicates. Une chaleur écrasantes. Et des délais de tournage très
courts. Même tourné loin du pays d'origine où se sont déroulés
les faits, la mise en scène, l'interprétation et la mythique bande
originale du compositeur et DJ italien Giorgio Moroder font
illusion...
Quarante-deux
ans après sa sortie, il est toujours intéressant de découvrir
Midnight Express.
Et même si depuis, nombre de cinéastes et de scénaristes ont su
entretenir la dualité humanité/inhumanité en repoussant sans cesse
les limites du dicible, même si l'on doit conserver une totale
réserve quant à l'éventuelle ''romanisation'' de cet épisode
tragique dans la vie d'un homme (les autorités turques remirent en
question la crédibilité de certaines faits), l'expérience demeure
toujours aussi rude. La Turquie, ça n'était déjà pas la France en
ce temps là. Là-bas, pas de téléphone, de télévision ou de
quelconque divertissement. Là-bas, comme va pouvoir l’expérimenter
William Hayes, la prison est un cachot dans le sens le moins noble du
terme. Des cellules grises, crasseuses, humides. Des gardiens
brutaux, ici notamment personnifiés par l'incroyable acteur
américain Paul L. Smith (Rabban de Dune de
David Lynch, le dératiseur de Crimewave de
Joel et Ethan Coen) dans le rôle du gardien-chef tortionnaire et
sadique Hamidou. Midnight Express montre
une certaine corruption de la justice avec à la clé, l'incertitude
d'obtenir gain de cause malgré les largesses financières.
Il
démontre également que la survie tient à des choses aussi simples
et puériles que l'amitié et l'espoir. L'amitié entre le héros et
ses compagnons de cellule Jimmi Booth (l'acteur Randy Quaid) et Max
(formidable John Hurt). L'espoir de recouvrer un jour la liberté.
Espoir, mais aussi désespoir qui mènera le héros à la folie lors
de l'une des séquences les plus mémorables du film. Longtemps
considéré par certains comme bourré de clichés racistes et
xénophobes par des individus que l'on pourrait en contrepartie
considérer de complaisants, nombre de documents ont su démontrer
depuis, que le contenu de Midnight Express
est parfois le reflet de la réalité. Comme on peut s'en douter, le
film fut interdit en Turquie où il fut invisible jusqu'en 1993.
Nominé et récompensé à de nombreuses occasions, le film d'Alan
Parker obtint notamment, les Oscars du meilleur scénario et de la
meilleure musique au festival de 1979 mais ne remporta pas ceux du
meilleur acteur de second rôle pour John Hurt, du meilleur
réalisateur et du meilleur montage...
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