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vendredi 20 mai 2016

The Lobster de Yórgos Lánthimos (2015)



David est célibataire. Et parce qu'il n'a pas d'épouse ni de compagne, il est arrêté puis emmené à l'Hôtel, un établissement dans lequel sont regroupés les individus n'ayant pas de partenaire. Suivant un rituel, lui et les autres doivent régulièrement se rendre dans une forêt afin d'y chasser ceux qui comme eux sont condamnés à finir transformés en l'animal de leur choix si passé le délai de quarante cinq jours, ils n'ont pas mis la main sur l'âme sœur. Se chassant mutuellement, ils doivent rapporter les corps endormis de ceux qu'ils seront parvenus à capturer à l'aide d'un fusil hypodermique, un trophée étant égal à une rallonge d'un jour.

Afin de se sortir de cette situation délicate, David trompe une jeune femme insensible et froide en lui faisant croire qu'ils sont faits l'un pour l'autre. Mais celle-ci découvrant le pot au roses, David n'a plus qu'une seule solution : fuir l'établissement et se rendre dans la forêt où sont regroupés les membres d'une organisation formée par des Solitaires. Contrairement à ce qui régit l'Hôtel, ici, les sentiments sont mal venus. Si jamais deux des membres des Solitaires sont découverts en train de flirter, un châtiment exemplaire leur est infligé. Mais alors que David esr plutôt bien accueilli par le groupe, il fait la connaissance d'une jeune femme qui comme lui, est atteinte de myopie. Malgré les interdits, une idylle naît entre eux...

Film originaire de Grèce, de Grande-Bretagne, des Pays-Bas, d'Irlande, de France et des États-Unis, The Lobster (en français, Le Homard), n'est pas réellement une œuvre de science-fiction comme annoncée dans la presse mais plus précisément un film d'anticipation se déroulant dans un futur proche, imaginaire et dystopique. En effet, le cinéaste et dramaturge grec Yórgos Lánthimos et le scénariste Efthimis Filippou n'ont pas créé ici un univers utopique, mais plutôt son contraire. Un monde sinistre régit par des lois particulières et aseptisées où les rapports amoureux sont tolérés sous certaines conditions. 
 
Parfois absurde, souvent amusant, quelquefois cru (certains dialogues gratinés semblent s'être échappés d'obscures productions pornographiques), assez sombre dans son ensemble, The Lobster est une petite merveille d'humour noir qui n'a pas laissé le jury du festival de Cannes de 2015 indifférent puisqu'il a remporté le Prix du Jury ainsi que différentes récompenses en Europe et à été plusieurs fois nominé. Tourné dans le comté de Kerry en Irlande, le film de Yórgos Lánthimos propose des décors forestiers stupéfiants de beauté. Entre les exercices dont sont témoins les Solitaires enfermés dans l'Hôtel, les épreuves qui leur sont imposées et le cachet particulier des bois, refuge des rebelles, le contraste n'est pas aussi saisissant qu'on aurait pu l'imaginer. Déjà, le cinéaste grec impose à ses personnages, quel que soit le camp qu'ils ont choisi, des règles strictes qui n'ont en fait aucun mérite comparées à celles de leurs opposants tant les contraintes sont lourdes : la transformation en animal d'un côté, et la condamnation par le « Baiser Rouge » de l'autre (dont les détails nous sont révélés dans le courant du récit). De plus, l'aspect kitsch des pratiques imposées par les partisans du « vivre en harmonie conjugale» se prolongent d'une manière pourtant fort différente à travers les peintures vivantes que représentent ces cartes postales délavées que sont les plans filmés de cette forêt située aux abords d'un lac.

The Lobster apparaît parfois si grotesque (dans le bon sens du terme) que l'on a bien du mal à croire qu'un jour l'homme pourrait arriver à un tel point d'aseptisation. Mais lorsque l'on voit vers quelle direction tend notre monde, on finit par se poser des questions. Il s'agit en réalité d'une allégorie, d'une réflexion sur notre monde, notre mode de vie et sur les tendances à l'individualisme qui font la vie dure à l'altruisme en général. D'un côté, une certaine forme d'isolationnisme non politique, et de l'autre, un mode de restriction émotionnelle qui rappelle parfois l'angoissant récit du très paranoïaque L'Invasion des profanateurs de Philip Kaufman dans lequel les héros sont contraints de n'exprimer aucune émotion et de se fondre dans la masse sans cesse grandissante des envahisseurs,  sous peine d'être confondus.
The Lobster, c'est aussi une belle brochette d'actrices et d'acteurs tels que Colin Farell, Rachel Weisz, Ben Whishaw, Léa Sédoux, John C. Reilly ou encore Olivia Colman (l'excellente série britannique Broadchurch). A voir absolument...

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