Alors que l'on aurait pu
légitimement penser qu'après la saga Ringu d'Hideo
Nakata, ou bien son extraordinaire Honogurai Mizu no Soko
Kara,
qu'après celle initiée par Takashi Shimizu dès 2000 sous le titre
Ju-On
ou après Janghwa, Hongryeon
de
Kim Jee-woon, le tour d'horizon des films de fantômes japonais était
définitivement arrivé à terme, l'année 2005 allait prouver que le
genre pouvait encore engendrer une histoire aussi solide qu'originale
malgré un genre souvent investi par la J-Horror
et auquel le cinéma américain s'était lui-même attaqué dès
l'année 2002 avec le remake de Ringu
réalisé par le cinéaste Gore Verbinski sous le titre The
Ring.
Même si évoquer tel ou tel long-métrage comme porte-drapeau d'un
cinéma japonais entièrement dévolu aux esprits chevelus, comment
ne pas reconnaître qu'à travers Rinne,
Takashi Shimizu a sans doute accouché d'un quasi chef-d’œuvre en
la matière, renouvelant avec un culot extraordinaire, le thème de
la réincarnation tout d'abord, mais aussi ensuite, celui des
revenants plus communément évoqués sous le nom de morts-vivants ?
Nombreuses
sont donc les histoires de fantômes japonais et parmi elles,
plusieurs classiques ont vu le jour. Revenir au beau milieu des
années 2000 alors que les États-Unis ont débarqué avec leurs mains
sales afin d'enfoncer le clou et vainement montrer à la face du
monde qu'ils sont meilleurs que les japonais dans ce domaine, Takashi
Shimizu ose le pari insensé de démontrer qu'il demeure l'un des
indétrônables rois du genre avec une fois encore, cette même
thématique qui a rendu son classique Ju-On
célèbre dans le monde. Mais plutôt que de bêtement répéter la
même histoire, le cinéaste choisi d'inscrire son récit sous la
forme d'une mise en abîme du cinéma. L'héroïne Nagisa Sugiura,
formidablement interprétée par l'actrice Yûka, incarne la vedette
d'un film en devenir dont l'intrigue tourne autour d'un massacre
ayant été réellement perpétré dans un hôtel il y a des années
et depuis abandonné. Hasard ou destin gravé dans le marbre, la
jeune femme est depuis toute petite victime de cauchemars dans
lesquels elle se voit pénétrer un hôtel qui n'est autre que celui
où eu lieu le dit massacre. Un édifice dans lequel elle n'a
cependant jamais mis les pieds. Mieux : elle se voit offrir le
rôle principal de la dernière victime d'un homme qui avant de se
suicider laissa derrière lui plus d'une dizaine de cadavres...
C'est
sur ce postulat de départ que Takashi Shimizu imagine et met en
place un récit d'une maîtrise absolue se situant sur plusieurs
plans. D'abord temporels puisque l'héroïne vogue entre passé et
présent, ces deux plans finissant même par s'entremêler. Le
réalisateur mêle également réalité et fiction tout en se jouant
de ces deux aspects de l'intrigue en les nouant de manière à ce que
le spectateur ne sache plus trop où se situe la frontière entre
l'une et l'autre. Aidé par de discrets et formidables
effets-spéciaux, Rinne
est une véritable plongée dans un abîme de consciences altérées
par l'éventualité d'une existence passée sous d'autres traits en
une époque trouble et révolue. Si le film de Takashi Shimizu
souffre de quelques longueurs durant un premier temps, le cinéaste
parvient à ''accrocher'' le spectateur grâce à l'incroyable
alchimie qui s'opère entre les personnages venus du passé et ceux du
présent. D'ailleurs, le spectateur connaissant par cœur Ju-On
remarquera les similitudes quant à la mise en place d'une conclusion
aussi évocatrice et bouleversante que celle de ce véritable
classique de la J-Horror.
Chaque pas allant dans le sens de la vérité donne lieu à des
visions cauchemardesques ahurissantes redéfinissant la thématique
même du retour à la vie. L'actrice Yûka est littéralement habitée
par son personnage. Une Nagisa Sugiura se mouvant dans deux mondes
distincts mais passant de l'un à l'autre par l'entremise
d'effets-visuels remarquables. Et que dire de la partition musicale
du compositeur japonais Kenji Kawai, vénéneuse, et qui hante chaque
couloir de cet hôtel presque digne de trôner aux côtés d'un
certain ''Overlook''... ?
Si ce n'était certaines longueurs, Rinne
pourrait sans conteste prétendre au titre de chef-d’œuvre. En
tout état de cause, le film de Takashi Shimizu demeure l'un des
meilleurs du genre... A découvrir d'urgence...
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