Lorsque l'on entre dans
une salle de cinéma, c'est dans la nature humaine de choisir un film
en fonction du nom du réalisateur, des interprètes, ou bien même
de l'histoire. Concernant Les Vieux Fourneaux (inspiré de la bande dessinée franco-belge du même nom de Wilfrid Lupano et Paul Cauuet),
il devient très vite évident que le choix du spectateur s'est tout
d'abord porté sur le noms des acteurs. Et même si le récit tourne
autour de trois vieux compagnons, le spectateur pourra élargir son
champ d'intérêt non pas seulement autour de Pierre Richard, d'Eddy
Mitchell ou de Roland Girault, mais également de Myriam Boyer et de
Henri Guybet. L’œuvre de Christophe Duthuron, dont il s'agit ici
de la première réalisation pour le grand écran, même s'il est
avant tout centré sur ses trois principaux personnages, peut être
vu comme un hommage à une partie de la vieille garde du cinéma
français à une époque où le jeunisme est roi. Lequel sera ici
uniquement incarné par l'actrice Alice Pol qui dans le cadre, se
fond plutôt bien. Ici, il ne faudra chercher d'originalité que dans
la réunion de trois acteurs qui n'avaient jamais joué ensemble. Car
tout commence comme dans bon nombre de longs-métrages.
Un enterrement. Celui de Lucette, épouse d'Antoine. C'est l'occasion
ou jamais pour Mimile et Pierrot de retrouver celui qu'il avaient
perdu de vue depuis des années. L'occasion également de sortir
Mimile de sa maison de retraite et d'écarter pour un moment le
réactionnaire Pierrot de sa routine de délinquant à la petite
semaine s'en prenant au système en bouchant notamment les
serrures des institutions capitalistes !
Malgré l'âge de ses interprètes, Les Vieux Fourneaux est un souffle d'air relativement frais qui ne fait pas l'impasse sur une catégorie des spectateurs en ne visant que les plus jeunes d'entre eux. La preuve que même les anciens ont encore des choses à raconter même s'ils n'ont plus rien à prouver depuis longtemps. A commencer par Pierre Richard qui retrouve le personnage qu'il se façonna durant le courant des années soixante-dix. Celui du Distrait, de Je sais rien, Mais je dirai Tout... un doux rêveur. Un gaffeur. Mais réactionnaire avant tout, n'hésitant jamais à dire ce qu'il pense des institutions, surtout lorsqu'il s'agit des politiques, de l'Armée, ou de l’Église. Le cheveu fou, le regard myope, et cette éternelle capacité à s'agiter comme si les années n'avaient pas de prise sur lui, il mène la danse avec brio, nous replongeant très loin en arrière. Le Pierre Richard que l'on aime et qui s'était peut-être un peu effacé au bénéfice d'une interprétation non moins excellente (le superbe Un Profil pour Deux de Stéphane Robelin).

A ses côtés, Eddy Mitchell. Le chanteur. L'acteur, surtout. Qui
oserait oublier le Nono de Coup de Torchon de Bertrand Tavernier, Albert Grelleau de La Totale de Claude Zidi, Gérard Tilier, de Le Bonheur est dans le Prè d’Étienne Chatiliez, ou encore (oserais-je), Frank du cultissime nanar Frankenstein 90 d'Alain Jessua ? Mais aussi, qui a vraiment envie de se rappeler du navrant L'Oncle Charles, signé lui aussi par Étienne Chatiliez ? Ici, il incarne le personnage de Mimile, un individu que l'on considérerait presque d'anecdotique en comparaison de ses deux compagnons, certains critiques ayant fait l'amalgame entre son interprétation forcément moins volubile que celle de Pierre Richard ou Roland Girault, et la mollesse de son personnage. Une évidence pourtant si l'on considère qu'Eddy Mitchell y incarne un personnage ayant moins bien vieilli que ses deux comparses.
Et puis, en face de ces deux excellents interprètes, Roland Girault.
Le Pierre de Trois Hommes et un Couffin de Coline
Serreau, ou le personnage principal de La Vie dissolue de
Gérard Floque de Georges Lautner pour ne citer que ces seuls
exemples. Un acteur rare. N'apparaissant plus que très
ponctuellement sur grand écran.
Les Vieux Fourneaux n'est pas qu'un prétexte pour
réunir ces trois monolithes du septième art. C'est également
l'occasion pour Christophe Duthuron de nous offrir une comédie
émouvante, et surtout largement plus poétique que celles dont nous
abreuve un cinéma français qui en la matière s’appauvrit
dangereusement depuis quelques années malgré quelques coups
d'éclats (Tout le Monde Debout de et avec Franck
Dubosc, Le retour du Héros de Laurent Tirard tous deux
sortis cette année). Le cinéaste possède cette capacité d'offrir
aux spectateurs, autant d'occasions de rire que de verser des larmes.
Et c'est là, alors, que le scénario entre en jeu. Car ce qui
n'aurait pu être qu'un road movie pour club du troisième âge se
transforme en un conte magnifiquement mis en images (quelques
merveilleux effets visuels accompagnent le sujet), et surtout
interprété par quelques seconds rôles au moins aussi importants
que les trois cités plus haut. Henri Guybet, dans la peau de
Garan-Servier, un drôle de personnage libidineux, sénile, mais ô
combien attachant. Puis celle que l'on regrettera de n'avoir pas vu
plus longtemps à l'écran : l'actrice Myriam Boyer, qui dans le
rôle de Berthe, portera en partie sur ses épaules la douloureuse
responsabilité d'une tragédie qui aura marqué tout un village
avant d'émouvoir une salle de cinéma toute entière... Un petit
bijou de tendresse où le rire et l'émotion se mêlent
merveilleusement bien...
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