La gémellité au cinéma
est un sujet passionnant qui fut à l'origine d'un nombre important
de longs-métrages dont peu sortirent finalement du lot. Que l'on
évoque l’absurde duo formé par Arnold Schwarzenneger et Danny
DeVito dans Jumeaux
d'Ivan Reitman ou la série B Double Impact
de Sheldon Lettich dans laquelle l'acteur belge Jean-Claude Van Damme
incarnait le double rôle des frères Alex et Chad Wagner,
reconnaissons que les quelques livrées véritablement exaltantes
s'avèrent bien moins connues du grand public. Ou du moins,
abordent-elles le thème sous des apparences beaucoup plus complexes
que le simple phénomène réunissant deux frères ou deux sœurs qui
physiquement s'avèrent en tous points semblables. Comment notamment
oublier la double performance de Jemery Irons dans le sublime
Faux-Semblants de
David Cronenberg en 1988 ? Longtemps avant lui vint au monde
l'une des œuvres les plus extraordinaires et les plus troublantes
sur le sujet de la gémellité sous le titre de L'autre.
Une œuvre aussi ensorcelante que profonde signée en 1972 par le
réalisateur américain Robert Mulligan. Un long-métrage qui trouva
longtemps après un digne successeur avec Goodnight
Mommy des
cinéastes autrichiens Severin Fiala et Veronika Franz. Une œuvre
dans laquelle l'on sentait percer cette approche parfois très froide
typique d'un cinéma duquel émerge notamment l’œuvre toute
entière de leur confrère Michael Haneke. Un long-métrage qui
marquera profondément une partie du public. Celle-là même adhérant
totalement à un autre type de cinéma horrifique que celui se
complaisant uniquement dans les débordements sanglants ou les jump
scares inefficients. Un film sinon parfait, déployant du moins tout
une certaine idée de l'horreur psychologique, montant dans les
étages de l'effroi de manière compulsive et rigoriste. Comme un
long cauchemar dont seuls les deux auteurs connaissaient l'issue et
demeuraient les seuls à décider lorsqu'il prendrait fin :
c'est à dire, lorsque surviendrait le générique de fin. Comment
imaginer qu'un jour quelqu'un oserait émettre l'idée d'un remake de
ce film qui ne souffrait que de très peu de défauts ? Il n'y a
guère que nos voisins d'Outre-Atlantique pour braver l'impossible :
oser reprendre des concepts ayant déjà accueilli en leur sein une
technique de mise en scène qui leur accorde le statut de
chef-d’œuvre inégalables. Et comme on le verra très souvent (à
titre d'exemple, revoyez-donc le chef-d’œuvre de Hideo Nakata Dark
Water
signé en 2002 et son infâme remake réalisé trois ans plus tard
par Walter Salles pour vous en convaincre), reprendre un concept venu
de l'étranger pour s'en faire sien n'est pas chose aisée. Lorsque
celle-ci n'est pas purement et simplement inenvisageable...
C'est
donc à nouveau un réalisateur américain qui à son tour reprend le
scénario d'un film qui ailleurs connut un certain retentissement.
Matt Sobel qui jusqu'à maintenant n'avait tourné qu'un long-métrage
(le drame Take Me to the River
en 2015), deux courts-métrages et deux épisodes de la mini-série
horrifique Brand New Cherry Flavor
s'intéresse donc au sujet mis en scène huit ans auparavant par les
deux autrichiens. Pour celles et ceux qui ne se souviendraient pas du
récit original ou qui auraient fait l'impasse sur le petit
chef-d’œuvre de Severin Fiala et Veronika Franz, petit rappel des
faits : Goodnight Mommy version
2014 mettait en scène les frères jumeaux Elias et Lukas dans leur
maison familiale lors du retour au bercail de leur mère, laquelle
réapparaissait le visage entièrement bandé à la suite d'une
opération de chirurgie faciale. Très vite, les deux garçons
allaient observer chez leur mère un étrange comportement au point
qu'ils finiraient par se demander si sous les bandages allait se
cacher celle qui leur donna la vie ! Matt Sobel et le scénariste
Kyle Warren reprennent le concept d'origine et déploient de manière
nettement plus grossière que leurs homologues autrichiens le terreau
de suspicion qui insidieusement mais irrémédiablement allait
gripper les rapports entre les deux jumeaux et leur mère. Créant
ainsi un climat anxiogène qui malheureusement a bien du mal à
s'installer dans cette nouvelle mouture, bien trop pressée de
plonger ses protagonistes (et par là-même, les spectateurs) dans un
climat de méfiance et de terreur. La mère, interprétée par Naomi
Watts (déjà notamment vue dans un autre remake : Le
cercle
de Gore Verbinski en 2002, adaptation d'un autre classique du
japonais Hideo Nakata) montre un peu trop rapidement des signes de
menace, laissant avec trop d'empressement planer le doute sur son
identité. Si la direction d'acteurs et le scénario semblent vouloir
laisser davantage de place au personnage de la mère, son intégration
nettement plus importante que dans l’œuvre originale nuit
justement au climat d'angoisse que générait son absence d'une
partie des séquences tournée alors. Autre sensation qui manque
cruellement au remake de 2022 : le malaise. Morbide à plus
d'une occasion, l'original avait ce don de laisser le spectateur dans
l'inconfort total tandis que le film de Matt Sobel se montre souvent
d'un classicisme déconcertant. Un huis-clos qui permettra surtout à
celles et ceux qui seraient passés à côté de réévaluer les
indéniables qualités de l’œuvre datant de 2014. Inutile de
préciser qu'à choisir il sera hautement conseillé aux curieux de
(re)découvrir en priorité le long-métrage de Severin Fiala et
Veronika Franz plutôt que ce remake dramatiquement impersonnel... À
noter que Goodnight Mommy
version 2022 vient d'être directement mis à disposition des abonnés
Amazon Prime...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire