LES remakes ? Pourquoi ? Le film d'Edouard Molinaro
aurait-il généré tant de passion que plusieurs cinéastes auraient
ressenti le besoin d'en offrir une version personnelle ? Oui...
et non. Car en réalité, les deux spécimens dont il est question
ici ne remettront jamais en cause le statut de comédie culte du
cinéaste français. Pas même la version proposée en 2008 par
l'auteur de la pièce et du scénario originaux, Francis Veber.
Quelle mouche a donc piqué le scénariste et réalisateur de
quelques fleurons du genre telle que la trilogie incarnée par le duo
Pierre Richard-Génard Depardieu (et que je ne vous ferai pas
l'affront de citer les titres) ? Certainement pas un manque
d'imagination lorsque l'on réalise que Veber a signé durant
plusieurs décennies, parmi les scripts les plus originaux en matière
de comédie française. Non, en fait, le 'coup de chaud' du
cinéaste survient après l'immense succès de la pièce reprise en
2005, et dans laquelle on retrouvait justement Patrick Timsit et
Richard Berry dans la peau respective de François Pignon et de Ralf
Milan. Sauf que trois ans plus tard, lorsque le remake sort sur les
écrans, le succès n'est pas au rendez-vous. Un flop pour une œuvre
que son auteur regrette finalement d'avoir réalisé. Et cela se
comprend.
Surtout lorsque l'on suit les nouvelles pérégrinations de ce duo de
personnages hors du commun qui faisait tant d'étincelles en 1973
mais qui trente-cinq ans plus tard semble s'être éteint. Le triste
sort accordé aux personnages et à ses interprètes demeure toujours
incompréhensible de la part de Francis Veber. Comment l'auteur
a-t-il pu laisser tel désastre se produire, tel film sortir sur les
écrans ? En regardant les rushs, le bonhomme a bien dû saisir
que quelque chose clochait ? Nous ne reviendrons pas sur
l'évident talent des deux principaux interprètes (ici notamment
accompagnés par Pascal Elbé dans le rôle du psychiatre et de
Virginie Ledoyen dans celui de Louise, l'épouse de François
Pignon), mais dans le cas présent, le résultat est désastreux. Car
forcément, le public ne pourra s'empêcher de faire la comparaison
entre l’œuvre de Molinaro et celle de Veber. Entre Jacques Brel et
Patrick Timsit, il demeure un gouffre immense dans l'appropriation du
personnage de François Pignon. A aucun moment le second n'apparaît
crédible dans la peau d'un homme prêt à se pendre ou à se jeter
par la fenêtre par amour pour celle qui a choisi de le quitter pour
son amant. Brel campait si bien cet individu collant comme la poisse,
incarnant à la perfection cet état dépressif dans lequel plongent
certains individus et auquel leurs proches tentent d'échapper, que
Timsit fait pâle figure à ses côtés. Trop de scènes le voient
sautiller, cabotiner, sourire même, face à quelques rares (et
ratés) instants durant lesquels il joue très mal son rôle de
bonhomme au bout du rouleau.
Quant à Richard Berry, malgré tout le talent qu'on lui connaît,
face au rouleau-compresseur qu'était Lino Ventura de part son
physique imposant et son regard impénétrable, l'acteur paraît
ridiculement chétif. L'Emmerdeur version 2008 fera
peut-être sourire en de très rares occasions (je pense notamment à
Milan sous amphétamines), mais au regard du poids que représentent
l’œuvre originale et ses charismatiques interprètes, le remake
n'avait pratiquement aucune chance de connaître le même engouement
trente-cinq ans plus tard.
Francis Veber n'est pas le seul à avoir tenté sa chance. Bien avant
lui, loin de chez nous, aux États-Unis, le cinéaste américain
originaire de Pologne Billy Wilder s'est essayé lui aussi au remake
avec ce qui devait demeurer comme son dernier long-métrage en tant
que cinéaste. Connement traduit chez nous sous le titre Victor
la Gaffe, le film Buddy Buddy (signifiant en
réalité Copain Copain) demeure sans doute à ce jour comme l'un des
rares remakes américains de comédies françaises à rester agréable
à regarder. Mais certainement pas plaisant au point de détrôner
l’œuvre d’Édouard Molinaro qui demeure, une fois de plus, la
seule véritable référence sur laquelle l'amateur doit s'attarder.
Loin de la gestuelle qui habituellement creuse le fossé entre
l'humour français davantage basé sur des dialogues brillamment
écrits (je pense ici aux meilleures comédies et certainement pas
aux séries Z franchouillardes) et le comique américain souvent
accès sur le comportement 'physique' de ses personnages,
Buddy Buddy respecte presque trop scrupuleusement le
scénario original pour nous, français, déjà coutumier d'une
histoire déjà évoquée dans l’œuvre originale huit ans
auparavant.
Plus proche de Lino Ventura que Richard Berry, Walter Matthau campe
un Milan convenable, qui dans cette version américaine semble être
très étrangement misogyne. Un trait de caractère qui s'explique
sans doute par le passif du personnage mais qui alors, dans le récit
qui nous est conté ici, n'est d'aucune utilité. Passons. Face à
lui, l'acteur Jack Lemmon avec lequel il tournera pas moins de dix
longs-métrages. C'est sans chauvinisme aucun que d'affirmer une fois
de plus que l'acteur ne parvient pas lui non plus à se hisser à la
hauteur de l'immense Jacques Brel. Non pas que son talent soit remis
en cause, mais certaines des spécificités relatives au personnage
de dépressif qu'incarnait le BELGE (d'où l'absence de
chauvinisme... humpf!) étant passablement effacées, les
contradictions opposant ceux qui désormais à l'écran se nomme non
plus Milan et Pignon mais Trabucco et Victor Clooney sont moins
flagrantes.
En fait, l'un des principaux soucis qui allaient demeurer dans le
remake de 2008, c'est que les situations proposées dans cette
version américaine ne prêtent quasiment jamais à rire. Du moins,
si l'on connaît déjà la version de Molinaro. Il ne sera certes pas
stupide que d'apprécier cette version outre atlantique tout de même
interprétée par de solides acteurs...
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