À l'issue de la
troisième Guerre Carliste s'étant étendue sur cinq ans, la jeune
Amaia (l'actrice Haizea Carneros dont il s'agit ici de la première
interprétation) essuie un bombardement auquel elle est la seule à
survivre. Croulant sous les ruines du pensionnat qui l'abritait
jusqu'ici, elle est sauvée in-extremis par une femme étrange qui la
soigne de ses blessures d'un ''baiser'' et l'emmène avec elle
rejoindre sa petite communauté formée de femmes et d'hommes qui
tous semblent craindre d'être assaillis par les habitants de la
région. Et c'est en effet ce qui se produit le jour où, enfermés
dans une grange, des individus débarquent torches et fusils à la
main afin de les déloger et de les tuer. Amaia parvient cependant à
s'échapper auprès de sa protectrice mais se retrouve rapidement
isolée dans les bois peu de temps après. S'approchant une nuit
d'orage de la demeure d'un berger et se retrouvant clouée au sol par
un piège qu'il a lui-même installé, celui-ci l'accueille et lui
offre le gîte et le couvert... Le réalisateur espagnol Igor
Legarreta ne fait pas grand mystère bien longtemps de sa jeune
héroïne qui semble être la victime d'un mal qui l'empêche de
s'exposer au soleil. Encore moins lorsque la gamine paraît ne
vouloir se nourrir que de sang frais. Typiquement le sujet que l'on
s'attend à découvrir dans l'évocation de l'un des plus célèbre
mythe du cinéma fantastique : le vampire !
Alors qu'il a remporté
le Prix du public et du meilleur réalisateur à la dernière édition
du Fantasia Film Festival, le second long-métrage du réalisateur
espagnol Igor Legarreta Ilargi Guztiak (Todas las
Lunas) s’imprègne de
l'esprit fangeux de certains écrits mettant en avant ces créatures
de la nuit aux dents longues et pointues. Au-delà de toute autre
considération, ce qui saute d'abord aux yeux du spectateur, c'est la
beauté des images. Le directeur de la photographie Imanol Nabea (qui
participa notamment au tournage du formidable La Piel
que Habito
de Pedro Almodóvar) et le directeur artistique Mikel Serrano œuvrent
pour offrir au film une âme véritable. Un cadre paysan, au sortir
d'une guerre qui se termine en 1876 par la conquête d'Estella,
capitale carliste située au Nord de l'Espagne, le loup s'installe
dans le bergerie. Igor Legarreta nous mijote une ambiance feutrée
uniquement éclairée à la bougie et au feu de cheminée. Une
relation touchante également, entre ses deux principaux personnages
même si l'on craint que l’appétit d'Amiai puisse prendre le
dessus sur sa nouvelle amitié avec Candido, ce berger qu'interprète
l'acteur basque Josean Bengoetxea. Ilargi Guztiak
s'éloigne
du vampirisme urbain qui ponctuellement s'installe dans le paysage
fantastico-horrifique (The Addiction
d'Abel Ferrara et sa proximité avec le SIDA,
les formidables Låt
den Rätte Komma in de
Tomas Alfredson et son remake américain Let Me
In
signé deux ans plus tard par Matt Reeves ou encore le jeune
afro-américain de Tranfiguration
de Michael O'Shea en 2017)...
''Aucun démon n'a peur. Aucun démon n'a ton sourire...''
Le
réalisateur et son scénariste Jon Sagalá plongent leurs ''héros''
à la fin d'une guerre qui derrière elle a laissé de profondes
blessures. Tourné dans des décors naturels basques d'une beauté
renversante symbolisés par les cours d'eau, les forêt où les
vieilles bâtisses elles-mêmes, Igor Legarreta représente le Bien
et le Mal sous des atours particulièrement étonnants. D'un côté,
le lait représente le Bien tandis que le Mal, lui, est évidemment
matérialisé par le sang, liant ainsi celui versé par les victimes
de la guerre et à laquelle certains actes renvoient directement.
Ilargi Guztiak évoque
la ruralité, ses habitants et les légendes qu'ils véhiculent.
Traité à hauteur d'enfant, l'esprit du jeune vampire n'a pas encore
tout à fait eu le temps d'être corrompu et Amaia telle une gamine
de douze ans se repaît des animaux de basse-cour. Bien que le sujet
ne s'y prête pas forcément et que le film ne parviennent pas
toujours à atteindre les cimes du chef-d’œuvre Låt
den Rätte Komma in,
son auteur parvient tout de même à signer une œuvre toute faite de
sensibilité où les ruptures de ton subites créent tout un panel
d'émotions qui se bousculent. Figure ce sentiment d'être ballotté
d'un émoi à un autre, la séquence de la ruche précédant celle où
l'on apprend que Candido a perdu sa fille et depuis vivait reclus
chez lui jusqu'à l'arrivée d'Amaia. Touchant parfois au cœur, la
musique du compositeur et instrumentiste français Pascal Gaigne n'y
est sans doute pas étrangère. Une certitude, une fois découvert,
Ilargi
Guztiak
demeurera sans doute comme l'une des plus belles expériences en
matière de vampirisme sur grand écran...
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