Un père soumis, sans une
once d'autorité. Une sœur atteinte de mucoviscidose nécessitant
une attention de tous les instants. Une mère dominante, bigote,
pétrie de valeurs étouffantes... après cela, comment voulez-vous
que Pauline, dix-huit ans, grandisse dans une ambiance saine ?
Une jeune femme dont les premières règles arrivent sur le tard. Le
visage abîmé par une disgracieuse acné. Pas un ami et des
camarades de classe qui se moquent de son physique un brin androgyne.
Pâle, le cheveu gras, des vêtements amples qui cachent une
physionomie qui dans le genre, n'a déjà pas grand chose de féminin.
Pourtant, Pauline s'en fiche. Contrairement au stéréotype qui veut
que le souffre-douleur de son école en prenne plein la gueule,
subisse tout un tas d'affronts sans jamais oser braver le regard des
autres, elle, Pauline, a toujours le bon mot qui met mal à l'aise,
empêche de trop grandes dérives, mais surtout, malheureusement pour
elle, accentue l'écart se creusant de jour en jour entre cette toute nouvelle adulte et les autres.
Dans le confort de la
cellule familiale, là où Pauline devrait se sentir à l'abri, rien
n'y est plus reluisant que partout ailleurs. Sous ses apparences de
famille américaine modèle, il y a une faille dans les rapports
qu'entretiennent Pauline et sa mère. La jeune femme sait-elle déjà
depuis longtemps que sa génitrice tente, mais sans y parvenir,
d'aimer sa propre fille ? Comment expliquer le rapport à
l'amour et à la mort qu'entretient Pauline ? Cette fascination
morbide pour les actes sexuels contre-nature ? Ces cauchemars
récurrents, ces visions morbides qui la séduisent, l'excitent, et
lui servent désormais d'inspiration ?
Le cinéaste américain
Richard Bates Jr. dont il s'agissait ici apparemment du premier
long-métrage (il a signé depuis la réalisation de Suburban
Gothic en 2014 et Trash Fire en 2016) signe une
œuvre qui va bien plus loin que le simple film d'horreur qu'évoquent
certains parmi ceux qui l'ont vu. Un courant, en réalité, auquel on
aurait la précaution d'ajouter le terme de « psychologique »
pour que ne s'y égarent pas, les seuls amateurs de films gore. Car
en effet, Excision n'a que peu de rapports avec la
plupart des films d'épouvante. Une œuvre qui s'emploierait
davantage à nous triturer les méninges que l'estomac même si ce
dernier aspect n'est pas négligé.
Une vision de la féminité
particulièrement osée. Du passage de l'adolescence à l'âge adulte
dans des conditions inconfortables. Une émancipation débouchant sur
un acte que certains prendront pour de la cruauté, certainement,
mais dont les origines sont bien plus profondes. Le besoin de
reconnaissance.
Autour de sa principale
interprètes orbite l'actrice Traci Lords qui malgré le poids des
années demeure toujours aussi séduisante. Même dans le rôle de la
mère castratrice. Un personnage déjà vu mille fois mais dont le
contexte lui confère une fois encore une aura plutôt dérangeante.
Ariel Winter, dans le rôle de Grace. La petite sœur, malade, objet
de toutes les attentions. Antinomie de Pauline tant elle représente
l'image de la petite fille idéale quand sa sœur apparaît sous les
traits d'une jeune femme, souvent, épouvantables. Roger Bart dans
celui de Bob. Le père de famille. Presque le troisième enfant de
cette famille décidément atypique (il faut le voir, tel un gamin,
faire disparaître la glace qu'il a sur le visage en s'essuyant sur
ses vêtements). Quant à la principale interprète, celle sur
laquelle repose en grande partie la valeur de Excision,
c'est l'actrice AnnaLynne McCord qui jusque là avait surtout
participé à des séries télévisées et avait notamment joué dans le
désastreux Jour des Morts-Vivants de Steve « House »
Miner en 2008.
Pour ceux qui connaissent l’œuvre dérangeante du TRÈS regretté
cinéaste polonais Andrzej Żuławski, impossible
de ne pas faire la comparaison entre la jeune actrice et Iwona Petry,
l'héroïne du cauchemardesque Szamanka
que l'ancien compagnon de notre Sophie Marceau nationale réalisa en
1996. Autre parallèle évident : l'approche de Richard Bates
Jr. lui confère cette même impression désespérée que celle que
l'on ressent devant l’œuvre toute entière du génial Todd Solondz
qui depuis des années déjà remue la bienséance en malmenant
l'image idyllique de la famille américaine moyenne.
Tombé
dans une catégorie qui ne lui appartient pourtant pas (il a remporté
le Prix du Public : Meilleur film d'horreur au Samain du cinéma
fantastique de Nice en 2012), Excision,
s'il n'est pas le choc frontal tant attendu, mérite tout de même
toute notre attention. D'abord pour l'interprétation de AnnaLynne
McCord et de Traci Lords qui, toutes deux, sont impeccables, pour
l'esthétisme apporté aux visions cauchemardesques de son héroïne,
et pour les quelques sujets tabous que combat frontalement son
auteur. Pas un chef-d’œuvre donc, mais une surprise relativement
bonne...
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