Seize ans après Festen,
le cinéaste danois Thomas
Vinterberg revient sur l'épineux problème relationnel qui peut
exister entre divers personnages avec Kollektivet.
Cette
fois-ci, le réalisateur abandonne les restrictions techniques
imposée par le « sulfureux »
Dogme95
même si la pratique consistant à filmer ses personnages caméra
portée à l'épaule demeure. Vinterberg abandonne également le
cercle familial pour se diriger vers une communauté constituée
d'amis proches du couple formé par la journaliste de télévision
Anna et par Erik, professeur d'architecture. Autour d'eux, et de
leur fille Freja gravitent bientôt un couple et leur enfant atteint
d'une maladie du cœur, les célibataire Ole et Mona, et l'immigré turc Allon. Mais aussi et
surtout très bientôt Emma, jeune étudiante attirée par son
professeur d'architecture qui n'est autre qu'Erik. Le quinquagénaire
se laisse bientôt séduire par cette jolie jeune femme de
vingt-quatre au point de l'intégrer dans le groupe sur demande
d'Anna qui plutôt que de voir l'homme qu'elle aime s'enfuir, préfère
encore que sa maîtresse dorme sous le même toit qu'elle.
Kollektivet
est
une fable réaliste, drôle mais aussi cruelle sur la condition d'une
femme que les années n'ont pas épargnée. Un constat redoutable
porté par l'admirable composition de l'actrice
Trine Dyrholm qui offre une interprétation toute en justesse du
personnage d'Anna. Un récit s'inscrivant dans un esprit
communautaire très « peace
and love »
que les personnages du film de Thomas Vinterberg tentent de prolonger
au cœur des années soixante-dix. Un cadre recréé pour l'occasion.
Un Danemark version « seventies »,
avec ses cols roulés, ses cheveux longs et son esprit communautaire
où la sexualité est exprimée sans tabous. D'où l'arrivée d'Emma,
la maîtresse. Celle qui va chambouler l'existence paisible d'Anna et
Erik et de leurs colocataires. Un cadre peu ordinaire et des
comportements que d'aucun jugera d'inenvisageable. Comment expliquer
l'accoutumance presque immédiate des membres de la communauté pour
cette jeune femme qui nuit de part sa présence à l'intégrité
physique et morale d'Anna ? Avec une froideur terrible, Thomas
Vinterberg impose un rythme souvent léthargique et assommant, jetant
quelques fulgurances aux moments critiques, retenant ainsi le public
qui espère encore retrouver la rage de Festen.
Les
humeurs passagères et l'attitude de soumission d'Anna, la froideur
d'Erik, l'immobilisme de Freja, et l'acceptation presque immédiate
des autres pour la nouvelle venue, Emma, gênent forcément. Thomas
Vinterberg nous jette à la gueule son récit sans même tenter de
nous émouvoir. Durant une première partie assez ennuyeuse et
forcément académique en comparaison du film qui le rendit célèbre.
Pourtant, la suite va nous prouver le contraire. Le cinéaste
concentre son attention sur son actrice principale. Pour elle, c'est
la dégringolade. Alors qu'on la croyait jusqu'à maintenant capable
de gérer une situation aussi grotesque que tragique, on comprend
mieux les dessous des décisions qu'elle prend lors du repas
d'anniversaire qu'elle partage avec Erik. C'est pour ne pas le perdre
qu'elle dit oui à tout. Qu'elle accepte le pire pour, pourquoi pas,
cultiver cet amour qui au contact d'Emma devient de plus en plus
fragile jusqu'à n'être plus qu'un lointain souvenir.
Thomas
Vinterberg préfère nous laisser prévoir la tournure qu'auraient pu
prendre les événements. Comme si l'issue favorable à laquelle nous
aspirions tous pour Anna devait s'exprimer à travers l'imaginaire
des spectateurs. Chacun se faisant ainsi son propre film sur l'issue
de cette histoire qui ménage quelques moments bouleversants. En
invoquant les années soixante-dix, Thomas Vinterberg n'est
certainement pas passé « à
côté du féminisme et de la politique » comme
a pu bêtement l'affirmer un critique de Télérama. Le danois a
juste voulu nous raconter une histoire simple. Pari réussi...
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