Un Sac de Billes,
c'est avant tout un roman écrit à quatre mains, principalement par
Joseph Joffo, lequel se fit aidé par l'écrivain Claude Klotz, plus
connu sous le nom de Patrick Cauvin, son pseudonyme. L'ouvrage,
depuis sa sortie en 1973 est devenu un classique de la littérature
française. Connu à travers le monde, il a été adapté dans
dix-huit langues et a connu une première adaptation
cinématographique deux ans après sa parution sous la houlette du
cinéaste Jacques Doillon. Plus étonnant, le dessinateur Vincent
Bailly et le scénariste Kris en ont proposé une adaptation en bande
dessinée en trois parties respectivement publiées en 2011, 2012 et
2014. Trois ans après la sortie du dernier volume, le cinéaste
québécois Christian Duguay propose une relecture du roman que son
auteur à jugé de fidèle.
Une adaptation que le public semble avoir
majoritairement apprécié contrairement à une partie de la presse
qui s'est empressée de juger que Un Sac de Billes était « desservi par une réalisation laborieuse et convenue », « déjà vu et ennuyeux », « inutile et prévisible », ou encore possédant « moins de sensibilité » que la version proposée par Jacques Doillon quarante-deux ans auparavant. Quant à exprimer le fait que « le film ressemble trop souvent à une compilation de clichés du septième art », avis proféré par un journaliste de La Croix, un quotidien français (lequel manifeste son appartenance à la chrétienté et au christianisme), fondé par la congrégation des assomptionnistes, on imagine alors fort aisément ses membres et partisans répandre de manière régulière et métronomique de tels propos dans ses pages puisque le cinéma possède cette faculté (comme toute forme d'art) de digérer et de mimer ses propres sources d'inspiration.
Des
critiques pas toujours constructives et justifiées assez naïvement
par des individus qui n'ont rien trouver de mieux à moudre que
quelques inefficaces diatribes qui tomberont assez facilement la face
chaque fois que le public aura l'opportunité de découvrir cette
œuvre magistralement mise en scène par Christian Duguay. Je vous
avouerai qu'au premier abord, je n'avais pas très envie de voir ce
film. Je n'étais pourtant pas tombé dans les mêmes travers que
ceux qui pensaient découvrir un énième long-métrage centrant son
intrigue sur la « question
juive »
durant la Seconde Guerre Mondiale. Je n'avais simplement jamais lu le
roman et n'avais pas envie de replonger durant cette période de mon
enfance o avoir lu les grands classiques de la
littérature français « signifiait »
une certaine forme de normalité.
Du casting, je n'avais entendu parler que de Patrick Bruel. Cet
artiste dont j'ai toujours cherché à ignorer la carrière musicale
mais qui m'a toujours ravi au cinéma. Puis en cherchant un peu, je
découvris les présences d'Elsa Zylberstein, de Bernard Campan de
Christian Clavier et d'Etienne Chicot. Je m'inquiétais davantage de celle de l'humoriste
Kev Adams. Si jusqu'à maintenant j'avais toujours estimé qu'il
était incapable de jouer autre chose que son propre rôle, j'ai très
vite changé d'avis. Dans celui de Ferdinand, Christian Duguay lui
offre enfin un rôle à la mesure du talent que le jeune homme
semblait cacher jusqu'à maintenant. Mais plus que ce casting
hétéroclite, le film repose presque entièrement sur les épaules
du duo formé par les jeunes acteurs Dorian Le Clech et Batyste
Fleurial Palmieri qui campent respectivement les rôles de Joseph et
Maurice Joffo. Presque puisqu'au delà de leur extraordinaire
interprétation, le cinéaste québécois est parvenu à recréer un
climat et une ambiance vraiment particuliers grâce aux talents
conjugués de Jimena Esteve, responsable des décors, et de ceux de
Christophe Graillot et Thibault Gabherr, tout deux responsables de la
photographie.
Étrange carrière que celle de Christian Duguay qui a débuté au
cinéma avec deux suites inutiles du classique de David Cronenberg Scanners, avant de donner dans l'action, l'espionnage et la science-fiction. Ensuite, il poursuit avec un biopic consacré au cheval de sauts d'obstacles Jappeloup de Luze et réalise deux ans plus tard en 2015, Belle et Sébastien, l'Aventure Continue, suite de l'adaptation cinématographique de la série éponyme écrite et réalisée par Cécile Aubry dans les années 60. Un Sac de Billes est actuellement son dernier long-métrage.
Ici, pas de camp de concentration et une présence allemande que l'on
sent menaçante mais assez peu représentée en dehors d'une terrible
scène d'interrogatoire. Un Sac de Billes est surtout le témoignage d'un enfant vu à travers son regard (et donc celui de son auteur, Joseph Joffo), parcourant une partie du territoire français occupé avec ce que cela sous-entend à l'époque de danger. Résistance, collaboration, déportation vue de loin par Joseph et son frère Maurice. Leurs parents sont admirablement interprétés par le couple Bruel-Zylberstein qui, avec une grande sensibilité campent un Roman et une Anna Joffo contraints de se séparer durant un temps de leurs enfants pour leur sécurité. L’œuvre s'étend de l'année 1941 durant l'Occupation allemande, jusqu'à la libération progressive du pays, et notamment de Paris, événement mettant un terme au difficile « voyage » entreprit par Joseph et Maurice. Le cadre est époustouflant de beauté. Le tournage s'effectue entre Nice, Avignon, La Brigue et Marseille et le travaille sur la reconstitution de celle époque est bluffante. Un Sac de Billes est magnifiquement mis en lumière et les cadrages souvent judicieux (entre plans serrés, larges et contre-plongées) donnent au film de Christian Duguay un visuel parfois féerique. Quant à l'interprétation, elle est magnifique. Qu'il s'agisse des acteurs et actrices confirmés comme des nouvelles têtes, à l'image, donc, du jeune Dorian Le Clech que l'on espère retrouver bientôt au cinéma. Un drame parfois drôle, mais toujours tendre et émouvant retraçant les pas d'un enfant de dix ans au cœur d'un conflit qui a marqué la France entière...
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