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samedi 27 octobre 2018

Apostle de Gareth Evans (2018) - ★★★★★★★★☆☆



Lorsque habituellement je découvre apposé à la date de sortie d'un film le nom de la plate-forme Netflix, il m'arrive d'avoir parfois deux types de réactions : soit je pense à ces quelques navrants long-métrages qu'il m'est arrivé de suivre avec plus ou moins d'intérêt, soit je me remémore l'agréable surprise d'avoir découvert une œuvre qui n'a pas eu les honneurs d'une sortie sur grand écran. Apostle (traduit chez nous sous le titre un peu naze, Le Bon Apôtre) m'a fait l'effet d'une gifle que l'on m'aurait administré sans même que je m'y attende. Toujours à cause d'un titre français un peu ronflant et ne laissant à aucun moment envisager le contenu du dernier film de Gareth 'The Raid' Evans, maître es combats au corps à corps, Apostle, aussi inenvisageable que cela puisse paraître pour une partie du public qui ne jure sans doute que pour les films d'horreur adoubés par la presse spécialisée ( A Quiet Place, meilleur film d'horreur de l'année ? Laissez-moi rire), est sans doute la perle que les plus âgés d'entre nous qui refusèrent de se laisser initier par les sagas Saw, Hostel et compagnie vont adorer...
J'ai laissé retomber le soufflet quelques heures. Mais pas trop non plus. Juste pour être certain de ne point écrire avec l'engouement précipité du bonhomme qui vient d'assister à une œuvre dantesque deux plus de deux heures. Situé en un temps reculé, sur une île lointaine, Apostle possède tout ce qu'il faut pour construire une œuvre solide qui rappellera aux plus anciens de formidables expériences cinématographiques ne se laissant pas avoir par les quelques exemples cités juste au dessus et qui ne se révèlent au final que de la poudre aux yeux. Gareth' Evans l'a sans doute bien compris. Lui qui auparavant plongeait ses personnages directement dans l'action sans même envisager d'écrire plus de deux ou trois lignes de script a choisi cette fois-ci d'instaurer une véritable trame au cœur d'une île sur laquelle vont se jouer des intrigues multiples. Le cinéaste aurait tout aussi bien pu choisir notre époque, et signer ainsi une œuvre sans âme véritable. Avec Apostle il choisit tout d'abord d'installer son intrigue dans un contexte religieux fanatique. Une secte vouée à un Dieu dont le cinéaste semble tout d'abord vouloir cacher l'existence pour mieux nous happer dans cette folie (in)humaine qui va peu à peu prendre de plus en plus de place au fil de l'histoire. Un récit qui d'ailleurs laisse de manière fort discrète envisager la présence d'éléments fantastiques.

Incarné par un (anti)héros ayant perdu la foi, sauf envers l’absinthe qu'il consomme comme pour apaiser la douleur des stigmates qu'il prote gravés dans le dos, Apostle, c'est d'abord un film à l'atmosphère unique. Tourné dans le sud du Pays de Galles à Neath Port Talbot, le film instaure un climat dépressif immédiat. De nombreuses scènes nocturnes mêlées à des décors construits sur un terrain boueux, il arrive parfois à Gareth Evans de promener sa caméra jusque dans les entrailles de la Terre où niche une monstruosité. Du moins, l'une de celles dont le scénario multiplie les apparences. Le cinéaste convoque le Fred Abberline des frères Hughes (From Hell) dans un contexte hystérique proprement hallucinant faisant parfois référence au chef-d’œuvre de Ken Russell (The Devils). A bien y regarder, les références s'étendent bien au delà de ces deux exemples puisqu'en fouillant au plus profond de nos mémoires de cinéphiles, ne retrouvons-nous pas quelque part un soupçon du court-métrage The Grandmother que réalisa David Lynch au tout début des années soixante-dix à travers la bête qui sommeille sous des champs de blé fertiles ?

Œuvre policière, fantastique, flirtant parfois avec le torture-porn durant des scènes inquisitrices parfois insoutenables, Apostle joue non seulement avec les nerfs du spectateur mais également avec les limites qu'il est capables d'endurer en matière de scènes d'horreur. Sans doute pas aussi épouvantable que certaines séquences proprement gerbantes de La Passion du Christ de Mel Gibson, l'hystérie, contrairement au film de Ken Russell cité plus haut y est contenue. Comme hypnotisés et incapables de faire la part entre le bien et le mal, les adeptes de cette secte dévouée au prophète Malcom (génial Michael Sheen), lequel a survécu en compagnie de deux amis à un naufrage il y a des années de cela, acceptent le sort des leurs sans même percer la psychopathie de l'un d'entre eux. Des moutons !
Grandiloquents diront certains. Outrageusement Z osèrent d'autres. Une pépite, en réalité. Peut-être l'un des rares films jonglant avec intelligence entre divers genres : policier, horreur, fantastique, drame, ne laissant jamais (ou presque) la voie au ridicule. On pourrait même envisager Apostle comme une œuvre à la gloire du Bien et du Mal: entre un antihéros sans plus d'autre fois que la drogue mais conservant l'espoir de revoir sa sœur retenue prisonnière. Un prophète que le cinéaste hésite à rendre tout noir, ou tout blanc (à ce sujet, on ne saura jamais vraiment si l'enlèvement de la sœur du héros et la demande de rançon ne furent uniquement qu'à but lucratif), un Quinn (impressionnant Mark Lewis Jones) en sociopathe redoutablement inquiétant, et une déesse rebutante mais peut-être pas si nocive que cela... Les ambivalences et les contradictions se donnent la réplique dans un contexte brut de décoffrage en matière de morale et d'applications des lois religieuses instaurées par la communauté.

Visuel austère de toute beauté, donc. Interprétation habitée. Ambiance lourdement chargée. Séquences dantesques avec ce petit quelque chose qui rappellera parfois l'excellente adaptation cinématographique du jeu vidéo éponyme Silent Hill par le réalisateur Christopher Gans. Gratuit pourront s'inquiéter les plus frileux cachant derrière cette observation la peur de l'inconnu qui se cache aux tréfonds de l'âme humaine. Oubliez un moment l'hyper surévalué A Ghost Story, et le bon mais jamais vraiment flippant A Quiet Place, deux exemples de longs-métrages qui ne méritent certainement pas l'engouement dont a fait preuve une certaine presse avide de citer son comptant de références annuelles. Oubliez également The Poughkeepsie Tapes, dont la légende surpasse très, très, très largement ses qualités d’œuvre horrifiques (en bref, il s'agit d'une belle merde!!!). Retenez plutôt ces trois mots : Le Bon Apôtre. Sans doute possible l'une des œuvres commerciales les plus 'nihiliste-ment' intelligentes de l'année. A noter que Gareth Evans a opté pour la participation de Aria Prayogi et Fajar Yuskemal Tamin à la composition de la bande musicale après leur avoir confié celles de Raid 1 & 2. résultat, une ambiance pesante faites de violons stridents et d'incantations fascinantes... Un Choc !!!

1 commentaire:

  1. Je n'ai pas l'habitude de m'étendre sur les forums, ni en remerciements (c'est peut-être un tort...) ni en commentaires. J'en profite donc pour vous remercier une fois pour toutes d'exister :) Je lis avec beaucoup d'attention et profite souvent de votre avis éclairé. J'aime beaucoup Gareth Evans. Si j'ai aimé la froideur des "Raid", j'ai trouvé le "Merantau" empreint d'une certaine poésie, fait rarissime dans les films d'arts martiaux. Après la lecture de votre article, je vais sûrement me jeter sur cet Apostle...
    Mechanix

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