Après avoir vécu dix
ans à Gagny dans la cité HLM ''Les Dahlias'' et autant d'années
supplémentaires dans la résidence ''Le Bois Madame'' à Chelles,
c'est à L'Estaque que je suis venu m'installer voilà vingt-huit
ans, en août 1995. De mon passé, j'ai conservé d'excellents
souvenirs. À Gagny, à l'époque, pas de Dealers à l'entrée des
immeubles mais des français, des arabes et des noirs qui
partageaient tous le même goût de l'affrontement façon Cow-boys et
Indiens avec pistolets et arcs de fabrication artisanale. Rien que de
très harmonieux entre communautés qui ne s'étaient pas encore
divisées. C'était les années soixante-dix et nous étions heureux.
À Chelles, le topo fut identique même si l'adolescence fut un peu
plus délicate à aborder. J'avais alors laissé de côté mon
engouement pour la reconstitution d'inoffensives batailles typiques
de l'ouest américain pour la pêche aux têtards et la construction
de cabanes dans les arbres. Mais déjà l'on voyait poindre une
certaine distinction entre ceux qui vivaient en résidence privée et
ceux de la cité HLM ''Noue Brossard'' que séparait comme un
exemple de culture et d'instruction l'école primaire ''Les Aulnes''.
Pourquoi cette anecdote ? Parce que l'intrigue des Misérables
de Ladj Ly se situe à Montfermeil. Et que Montfermeil était à
égale distance des deux villes de cœur de mon enfance et de mon
adolescence. Un patelin où je ne mis cependant jamais les pieds mais
dont je me souviens qu'il jouissait déjà, à l'époque, d'une
triste réputation... Bien des années ont passé et découvrir en
salle ce que les médias relèguent inlassablement depuis des années
n'étant pas ma tasse de thé, ce n'est que quatre ans après sa
sortie en salle que je me décide enfin à jeter un œil à ce
premier film d'un auteur aujourd'hui âgé de quarante-cinq ans qui,
dernièrement, a fait parler de lui en tenant des propos infamant
envers la police.
Ladj
Ly aurait effectivement affirmé que ''La
police a le feu vert pour tuer les noirs et les arabes des
banlieues''.
Autant dire que je ne partage absolument pas ce ''point de vue'' qui
semble surtout arriver à point nommé au moment où doit justement
sortir son nouveau long-métrage intitulé Bâtiment
5 !
Faire sa pub au détriment d'autres personnes est en soit une
pratique que j'abhorre. Mais lorsque l'on s'en prend à une
institution, certes imparfaite mais théoriquement nécessaire au bon
maintien de l'ordre, je vois rouge. Mes mains deviennent moites, mon
cœur s'emballe et je perd le contrôle de certaines fonctions
primordiales. Ma parole se fait plus dure et mon esprit se laisse à
quelques éruptions verbeuses et peu ordonnées ! Pour en
revenir à ces Misérables
qui n'ont peu ou prou rien de comparable avec le roman éponyme de
Victor Hugo (en dehors de cette même zone géographique où il créa
son œuvre légendaire), l'intrigue se déroule dans le délicat
contexte d'une cité de la banlieue parisienne. Montfermeil, donc.
Dans la grande tradition des drames sociaux hexagonaux qui échouent
dans les salles de notre territoire, Les
misérables
convie des interprètes qui dans une grande majorité n'ont jamais
étudié le cinéma ou le théâtre. Le nom ou le visage de chacun
d'entre eux ne parlera donc qu'à ceux qui les côtoient au quotidien
et moins aux cinéphiles. Leurs armes, ces gens là les ont fait dans
leur vie de tous les jours. Tout n'étant qu'histoire de goût,
certains spectateurs se référeront aux idoles du cinéma tandis que
les autres salueront le vérisme de la situation. D'emblée, le film
montre que le visage de notre pays a bien changé même si certains
politiques démagogues à la recherche de la moindre voix et si
beaucoup de journalistes ivres d'audimat continuent à nier les
faits. Mais d'où sortent donc ces jeunes issus de l'immigration
portant fièrement le drapeau français comme apparat en entonnant
la Marseillaise sans qu'aucun sifflet ne vienne perturber le chant de
notre hymne national ?
''Reconquête !''
et le ''Rassemblement National'' nous airaient-ils menti ?
Cnews
véhiculerait-il un message mensonger afin d’accréditer la haine
du musulman, de l'arabe et du noir pour notre pays et ses valeurs ?
Dans le confort de mon appartement, j'hésite à élever la voix pour
me prononcer. Qui suis-je pour évaluer ce qui tient du réel et de
la fiction ? Le foot, oui, est rassembleur, le temps d'une
compétition. Ladj Ly filme en grande partie sa communauté et il en
a bien le droit. Souvenons-nous qu'à une époque reculée, au cinéma
et dans la littérature, l'homme noir, le ''Black'', n'était traité
que sous l'angle du petit délinquant et plus loin encore, comme le
simple employé de maison, le domestique dont les propriétaires
étaient tous blancs. Cages d'escaliers dégradées et aires de jeux
dignes des pires bidonvilles tel est le cadre de vie des habitants du
quartier où se déroule le récit. Une ville dans la ville où les
''commerces'' illégaux prolifèrent (vente de produits contrefaits)
et où les imams encadrent les plus jeunes. Où les tensions vont
naître à partir d'un fait-divers (le vol d'un lionceau appartenant
à des gitans) lors duquel le jeune Issa (Issa Perica) sera gravement
touché par un tir de flash-Ball de la part d'un policier. Et la
police dans tout ça ?... Humpf ! Que dire ? Elle
semble être ici très représentative des différents courants de
pensée. Il y a le flic raciste et violent incarné par Alexis
Manenti, le flic noir posant les bases d'un sous-texte de type
''trahison'' véhiculée par certains membres de sa communauté
(l'acteur Djebril Zonga), ainsi que la nouvelle recrue Stéphane Ruiz
(Damien Bonnard) qui par la pureté de son engagement assiste effaré
aux méthodes de ses deux collègues. L'autre bord n'est ni meilleur
ni plus mauvais. Les imams sont positivement représentés ainsi que
la majeure partie des jeunes qui pensent d'abord à jouer au foot ou
à faire des glissades dans des dépotoirs. Les
misérables
emporte avec lui son cortège de fardeaux et d'images reçues. Le
film emporta une somme conséquente de prix dans divers festivals
dont celui de Cannes et la cérémonie des Césars. Ce qui d'une certaine manière peut surprendre
puisque le long-métrage n'est qu'un état des lieux qui n'apporte
aucune solution et ne fait que renvoyer sous l'angle de la fiction
des faits dont on entend parler tous les jours. Si la mise en scène
et l'interprétation générale sont convaincantes, Les
misérables
reste cependant d'une grande banalité et s'avère au final
relativement anodin.
Sauf que la République, dont on nous rabâche sans cesse les "valeurs" (?), ne reconnait aucune communauté (autre que celle nationale), justement...
RépondreSupprimerPour ma part, c'est "ni racailles, ni flicaille", cette dernière s'assimilant de plus en plus, avec ce gouvernement aux abois, à une milice du pouvoir.