Pour la six-centième
édition de Cinémart, j'avais décidé à l'avance de consacrer
l'article à Viva la Muerte de
Fernando Arrabal sans même l'avoir jamais vu
auparavant et donc, sans savoir si j'allais l'aimer ou pas.
Aujourd'hui, pour le sept-centième article, j'ai décidé de
parler d'un film auquel je suis profondément attaché bien que
contrairement à beaucoup d'autres, je ne l'ai vu qu'une fois, il y a
un certain nombre d'années sur la chaîne Arte. Deuxième film de
Ken Russell que j'aborde depuis la création de Cinémart après
Altered States en juillet 2015, The Devils
demeure pour moi son meilleur long-métrage. Du moins, mon préféré
parmi la petite dizaine que j'ai pu voir depuis en plus de quarante
ans. Une œuvre librement inspirée par l'Affaire des
Possédées de Loudun que plusieurs ouvrages littéraires ont
abordé, dont celui d'Aldous Huxley, Les Diables de Loudin,
Ken Russell s'inspirant également de la pièce de l'auteur John
Whiting, Les Diables.
Lorsque l'on connaît
l’œuvre de Ken Russell, on peut s'attendre au pire. Et le pire,
parfois, veut dire le meilleur. Tout comme il peut conserver tout le
sens péjoratif de sa fonction originelle. J'en veux pour preuve son
Repaire du Vers Blanc qui, quoi qu'on en dise, quoi
qu'on en pense, est un désastre cinématographique total. Pour fêter
ce sept-centième article, il fallait donc une œuvre d'exception. Et
je ne crois pas me tromper en affirmant que The Devils est
un authentique chef-d’œuvre. Une œuvre aussi folle que certains
Peter Greenaway (Baby of Macon).
Et aussi majestueusement baroques que certains de ses propres
opéras-rock.
Une
œuvre outrageusement décadente qui au fond, ne fait qu'appliquer à
la lettre certains préceptes érigés par une Histoire du
Catholicisme du seizième et du dix-septième siècle : La
chasse au sorcières. Selon les desiderata du Cardinal de Richelieu,
et sous le couvert du Roi Louis XIII, l’Église et l’État ne
doivent faire plus qu'un, les protestants devant dans un proche
avenir, être chassés de France. The Devils
n'est
pas tant le récit d'une possession mais davantage celui d'un
mensonge dont le principal but est de défaire l'autorité d'un
homme, le très influent Prêtre Urbain Grandier, dont la faute est
sans doute d'avoir désiré au sein de la cité de Loudun, que
puissent s'épanouir toutes formes de religions, y compris justement,
celle du protestantisme. Chargé de détruire les remparts de la
ville dès son arrivée à Loudin, le Baron de Laubardemont se voit
contraint d'y mettre un terme, Urbain Grandier brandissant dans sa
main droite des documents écrits par l'ancien gouverneur de la
ville, et donnant les pleins pouvoirs au prêtre. L'ancien
gouverneur, ami de Louis XIII, ayant encore de l'influence auprès du
roi même après sa mort, il va falloir trouver un subterfuge pour
faire plier Grandier...
Lorsque
l'on a enfin compris cela, tout devient d'une clarté évidente. Et
malgré l'hystérie générale, malgré la confusion, malgré
l'extraordinaire désordre qui règne durant une bonne partie de ce
« film-monstre »,
Ken Russell diffuse un message pernicieux qui va lentement mais
assurément s'insinuer dans l'esprit de tout un peuple.
Intimidations, mensonges, faiblesses, manipulations et lavages de
cerveaux sont au centre d'un The
Devils
proprement hallucinant. Bien que l'on ait saisit le fonctionnement de
chaque individu, le cinéaste britannique force certains traits,
histoire d'ajouter une symbolique démoniaque qui n'en avait pourtant
pas besoin pour que l'on se forge soit-même sa propre opinion. S'il
est un démon dans The Devils,
il arbore le visage de la Peur. Celle qui inflige, et celle qui
reçoit. Il apparaît également sous des traits avilis par les
grimaces et par le maquillage outranciers de certaines actrices (on
pense notamment à l'amante éconduite au début du film). Car ce qui
va trahir Urbain Grandier, ce sont ses faiblesses, les seules qui
vont, fort malheureusement, le conduire sur le bûcher. Grandier,
c'est l'immense acteur londonien Oliver Reed, mort le 2 mai 1999 sur
le tournage de Gladiator
de Ridley Scott. Un charisme digne du personnage qu'il interprète.
Une gueule qui fait chavirer toutes les femmes, surtout celles qui se
sont offertes à Dieu. Et parmi elles, la sœur Jeanne, interprétée
(habitée même dirais-je) par l'actrice elle aussi britannique
Vanessa Redgrave. Un duo extraordinaire qui, sur le papier, ne se
croisera finalement pas avant le procès.
Une parodie inquiétante
qui condamne bien avant que ne soient divulguées des preuves
fabriquées, des témoignages soumis par la Peur. Toujours cette même
peur qui délie même les langues des plus fidèles adorateurs du
prêtre Urbain Grandier. The Devils
est une expérience cinématographique éblouissante. Une violence
outrée. Un contexte religieux d'un poids immense. D'ailleurs, à ce
sujet, il ne faudrait pas oublier l'incroyable performance de
l'acteur londonien Michael Gothard, dans le rôle du père exorciseur
Barre, sorte de gourou rock survitaminé. Lui mais aussi beaucoup
d'autres dont la liste serait trop longue à énumérer. The
Devils
est une œuvre extraordinaire relatant des faits authentiques s'étant
déroulés il y a de cela plusieurs siècles. Déconcertant, mais au
combien fascinant...
Altered States m'avait marqué lorsque j'étais ado. J'y avais repensé deux, trois jours avant que tu n'en écrives en article (mais oublié le titre) et lorsque tu as mis ton article en ligne, je me suis lancé (une VHS loué à la médiathèque du coin). The Devils me tente bien, mais... je crains un peu la grandiloquence pompeuse qui m'a fait détesté son film "Tommy" issu de l'opéra-rock des Who (j'ai parlé sur mon blog de Tommy et Altered States, sans faire le lien entre les deux).
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