Préparez-vous pour un
voyage exquis dans le monde saugrenu de Daniel Kwan et Daniel
Schneidert dont il s'agit ici du tout premier long-métrage. Swiss
Army Man ne ressemble sans doute à rien de connu si ce ne
sont les premières minutes qui auraient pu préfigurer d'une fin
plus tragique pour le héros de Seul au Monde de Robert
Zemeckis. Car effectivement, échoué sur une île déserte, Hank a
décidé d'en finir. Pendu à une corde, il ne lui reste plus qu'à
faire un pas en avant pour échapper au monde de solitude dont il est
désormais prisonnier. Mais c'était sans compter sur l'arrivée
inopinée d'un corps vomi par l'océan. Reposant sur le sable de la
plage, le corps de Manny. Sans doute mort de noyade, son corps
expulse des gaz de décomposition qui éveillent l'attention de Hank
qui maintenant, ne pense plus à mourir, mais à se sortir du
bourbier dans lequel il s'est retrouvé. Un cadavre, Manny ? Pas
tout à fait si l'on tient compte du fait qu'il s'exprime. Hank y
voit sa planche de salut. Son « Homme
Outil-Multifonctions ». Grâce à sa production de gaz de
décomposition, Manny est en mesure d'allumer un feu, de servir de
jet-ski. Il peut à volonté régurgiter de l'eau afin que son nouvel
ami Hank s'en abreuve. Ce dernier, en échange, réapprend à Manny
ce qu'est la vie. Tente de lui faire recouvrer les souvenirs qu'il a
perdu lorsqu'il est mort. Entre les deux jeunes gens, tout est
histoire d'humanité et d'entraide. Parviendront-ils, ensemble à
échapper à leur condition et a remettre un pied dans la
civilisation ?
Swiss Army Man est
une œuvre totalement barrée, parfois hermétique, tout en demeurant
d'une force évocatrice étonnamment puissante. Une histoire d'amitié
trash et décomplexée, et qui frôle parfois la correctionnelle en
évoquant à plusieurs reprises homosexualité et nécrophilie.
L’œuvre de Daniel Kwan et Daniel Schneidert fait preuve non
seulement d'un sens aigu pour ce que l'on pourrait nommer « le
décorum des décharges »,
en recyclant tout ce que l'homme à l'habitude de jeter, mais aussi
d'une incroyable aptitude à 'imposer des réflexions sur l'humanité
et sur le peu de cas que l'on puisse faire de nos morts, ici comparés
aux ordures dispersées dans la nature (lorsqu'elles ne sont pas
simplement enterrées sous des tonnes de terre).
On
pense notamment au cinéma de Michel Gondry. Cette aptitude à
fabriquer du « spectacle »
à l'aide de bouts de ficelles. Le plus saisissant demeurant dans cet
ouvrage construit au beau milieu d'une forêt et figurant le bus que
prenait quotidiennement Hank sans jamais oser approcher la jeune et
jolie jeune femme qui l'empruntait également. Swiss
Army Man se
permet des incartades scatologiques sans jamais tomber dans le
graveleux et le mauvais goût. Même si l'on aurait préféré
entendre moins de pets de la part de Manny. Comme ses érections à
répétition, guidant tel un compas, le duo vers le retour à la
civilisation. L'oeuvre de Daniel Kwan et Daniel Schneidert risque
d'en décontenancer pas mal et pourtant, passer outre serait une
grave erreur. Non seulement parce que le septième art n'en pond même
pas chaque année l'équivalent des doigts d'une seule main, mais
parce qu'il fait partie de ces œuvres qui vous plongent dans un état
de bien-être rarissime.
Et
pas uniquement grâce au duo de cinéastes mais surtout grâce à
Paul Dano (Hank) et Daniel Radcliffe qui interprète un Manny hors du
commun. Un zombie ( ?) tel que l'on n'a pas l'habitude d'en voir
au cinéma. Drôles et bouleversants, servis par une bande musicale qui
colle au mieux à cette expérience franchement hallucinante, les
deux acteurs nous offrent un doux moment de rêve glaçant et
chaleureux à la fois. Une très, très belle surprise à ne surtout
pas manquer...
Alors celui-là, 'faut que je le vois !!! et je n'imaginais pas qu'un film avec Radcliffe me donnerait cette envie !
RépondreSupprimer