En adaptant au cinéma le
roman éponyme de Fredric Brown, le cinéaste français Jean-Pierre
Mocky, s'il ne revient pas en très grande forme, parvient tout de
même à réaliser une œuvre relativement acceptable. Ce film, c'est
La Bête de Miséricorde
dont il a écrit le scénario en compagnie d'André Ruellan. Pour
remettre un peu d'ordre dans ce récit quelque peu alambiqué du fait
d'une mise en scène souffrant de nombreux problèmes, disons que
l'histoire s'articule autour de Jean Mardet, veuf depuis que sa femme
est morte dans un grave accident de voiture. Disons plutôt des mains
de son époux puisque ne supportant pas de l'entendre agoniser, il
lui donne le coup de grâce en lui écrasant une pierre sur le sommet
du crâne. Pour un individu éperdument amoureux de sa femme et
anéanti de la découvrir en grande souffrance, sa manière de la
libérer est difficile à concevoir. Mais bon, bref.
Dix
ans plus tard,, Mardet tue au nom du Seigneur auquel il est
entièrement voué. Mais pas n'importe qui. Ceux qui comme lui, dix
ans plus tôt, souffrent. Qu'il s'agisse d'un clochard, ou bien d'un
homme qui a perdu toute sa famille dans une noyade, tous y passent.
Ce dernier justement, Mardet l'a tué mais n'a pas tenté de
camoufler le corps. Plus absurde encore, il a téléphoné à la
police afin de la prévenir de la présence du cadavre dans son
jardin. Moreau et Castan sont les deux inspecteurs chargés de
l'enquête. Le premier est très vite convaincu de la culpabilité
quand le second, lui, préfère émettre des réserves...
Je
n'en dirai pas davantage pour ne pas dévoiler la totalité du
contenu de ce récit qui aurait pu, et aurait même dû donner
naissance à un bon polar à la française. Mais Jean-Pierre Mocky
s'étant chargé de la réalisation et du personnage de Jean Mardet,
on se doute bien que son adaptation ne va pas atteindre des sommets
en matière de mise en scène et d'interprétation. Il demeure
pourtant dans son cinéma, quelque chose d' éminemment
touchant. Un détail par-ci, par-là qui nous fait aimer ce
personnage unique (ou presque) dans le paysage cinématographique
français. On s'indignerait presque que personne ne veuille
distribuer ses films. Car en effet, comme pour beaucoup de ses
œuvres, La Bête de Miséricorde n'est
sorti en France le 17 octobre 2001 que dans une seule et unique
salle, la sienne. Celle de Jean-Pierre Mocky, le BRADY. Il est
demeuré vingt-six semaines en exclusivité. La première, il a
totalisé 608 entrées. Et à la fin, il n'en aura finalement récolté
que 6207. C'est peu, et en même temps, pas très étonnant.
Parce
que Jean-Pierre Mocky a eu beau tourner avec certains de nos plus
grands acteurs (Francis Blanche, Bourvil, Jean Poiret, Fernandel,
Michel Serrault, Jacques Dufilho, Michael Lonsdale, etc...) et même
des personnalités « travaillant »
dans d'autres secteurs artistiques (Charles Aznavour, Eddy Mitchell,
etc...), son cinéma arbore un visage assez particulier. Lui qui a
pour habitude d'employer des « gueules
cassées »
fait également régulièrement appel à de véritables amateurs.
C'est le cas ici. Ce qui ne l'a pas empêché d'offrir deux des
principaux rôles à Jacky Berroyer et Bernard Menez. Si le premier
s'en sort avec les honneurs, le seconds est terriblement mauvais.
C'est à se demander de quelle manière Bernard Menez est parvenu à
se bâtir une filmographie d'environ cent films. Se reprenant à
plusieurs reprises, on se demande dans quelle mesure il a appris son
texte et quelle est la part d'improvisation des interprètes.
D'ailleurs, lorsque gît le cadavre de Moreau à la fin du film (oui,
je sais, je spoile), on se dit que Bernard Menez est meilleur
lorsqu'il se tait que lorsqu'il tente vainement de donner du corps à
son personnage d'inspecteur de police.
A
part cela, La Bête de Miséricorde se
situe au niveau qualitatif, au beau milieu de la filmographie de son
auteur. Ni parmi ses meilleurs longs-métrages, mais heureusement,
pas non plus parmi ce qu'il a réalisé de plus mauvais. L'honneur
est donc relativement sauf. Ouf !
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