Kathleen Conklin est un
soir, victime d'une agression. Mordue à la gorge par une inconnue,
la jeune étudiante en philosophie commence à développer une
véritable obsession pour le sang. Le soir venu, elle arpente les
rues de New-York à la recherche de proies qu'elle vide de leur
sang...
C'est ainsi que démarre
ce onzième long-métrage du cinéaste américain Abel ferrara,
peut-être le dernier grand film d'un cinéaste qui n'a eu de cesse
de filmer les bas-fonds de sa ville natale, ainsi que ceux de l'âme
humaine. De son premier « shock » Driller
Killer (son second long-métrage en fait puisque Ferrara
débuta sa carrière dans le porno avec Nine Lives of a Wet Pussy en
1976 sous le pseudonyme Jimmi Biy L.), en passant par Fear City,
MS.45, et jusqu'à son chef-d’œuvre Bad Lieutenant,
il décrit la violence quotidienne de quartiers aux mains des
dealers, des gangsters, des prostituées et des flics corrompus.
The Addiction est sa
seconde incartade dans le domaine du fantastique après le décevant
remake de L'Invasion des Profanateurs de Sépultures,
Body Snatcher. En fait de film fantastique, le sujet
s'articule surtout autour d'un mal qui à cette époque, et depuis
des années déjà, à fait de part le monde, des millions de
victimes : le SIDA. Et à travers lui, le phénomène de
transmission. Mais pas seulement puisque à travers cette histoire
peu banale qui emprunte au mythe du vampire tel qu'on le conçoit
dans sa plus « noble » expression, il s'agit surtout de
remettre au goût du jour le sujet en lui imposant une unité de lieu
et de temps contemporains. Une ville de New-York crasseuse dont les
rues sont le repaire des maquereaux, des prostituées et des voyous
en tous genres. Les quartiers du Bronx sont mis à contribution et
Abel Ferrara fait tout pour donner une image négative, dangereuse
d'une ville qu'il connaît bien puisqu'il y est né.
The Addiction
reflète également un autre mal qui touche bon nombre d'individus
puisqu'au delà de la maladie (le sujet est bien traité sous cette
forme), il évoque la dépendance liée aux drogues. Le personnage de
Kathleen Conklin étant sous l'emprise de cette attirance pour le
sang qu'il lui faut à tout prix trouver pour pouvoir satisfaire son
besoin en hémoglobine. Sa rencontre avec le personnage de Peina
(l'acteur Christopher Walken) appuyant davantage encore le propos à
travers l'imagerie liée à la tentative de désintoxication. Le film
d'Abel Ferrara demeure loin de l'imagerie poétique du vampirisme.
Son œuvre est crépusculaire (l'incroyable scène d'agression, les
deux interprètes féminines étant plongées dans un clair-obscur
saisissant), morbide, urbaine et réaliste. En assumant la filiation
entre la maladie de son personnage et le SIDA, le cinéaste américain
crée un malaise certain. En filmant son œuvre en noir et blanc, il
appuie l'aspect esthétique et vicié du sang qui déborde des lèvres
de son héroïne.
Une Lily Taylor presque insignifiante qui peu à peu, se saisit d'une force morale
inquiétante tout en conservant un aspect maladif des plus effrayant.
Abel Ferrara réutilise certains codes du vampirisme tout en les
remettant au goût du jour. Le vampire des années quatre-vingt dix
n'est plus aussi sensible au soleil que par le passé. S'il lui est
difficile de s'y plonger totalement (il se doit de protéger ses yeux
à l'aide d'une paire de lunette de soleil), il ne risque plus de
prendre feu. Quant aux miroirs, ils continuent à refléter l'image
de ces derniers, sauf qu'il devient difficile de les y déceler
puisque ces créatures nocturnes préfèrent les recouvrir d'un linge
pour ne plus s'y voir reflétés. The Addiction
contient en outre un contenu philosophique, théologique (Ferrara ne
peut envisager aucun de ses films sans aborder ne serait-ce qu'un
instant le sujet de Dieu) et intellectuel, ainsi que de nombreuses
références à Nietzsche, Feuerbach ou encore Descartes. La musique
de Joe Delia apporte un plus indéniable, tout comme l'imagerie nazie
projetée à longueur de bobine comme sujet d'une obsession. Le
scénariste Nicholas Saint John offre une fois de plus à son
cinéaste fétiche un sujet en or qu'Abel Ferrara aura réussi à
sublimer. L'un des meilleurs films de vampires de toute l'histoire du
septième art...
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