En matière de
« présences maléfiques », il demeure à mon avis
trois dates importantes à retenir. 1973 et le film L'Exorciste
du cinéaste William Friedkin. 1980 et The Changeling de
Peter Medak. Et enfin, 1982 et L'Emprise de Sidney J.
Furie. Parce que chacun à leur manière et sans doute avec beaucoup
plus de talent que leurs concurrents, ces cinéastes ont donné leurs
lettres de noblesse à trois types d'incursions dans le domaine du
paranormal. Le premier à travers la possession démoniaque, le
second et le troisième grâce à leur approche saisissante du
phénomène des poltergeist, le dernier concentrant son intrigue
autour d'un cas particulier d'esprit frappeur, celui de l'incube, un
démon mâle abusant sexuellement d'une femme endormie.
En abordant le sujet, le
cinéaste Sidney J. Furie signait une œuvre emblématique enterrant
tout ce qui avait été produit jusque là dans le genre et laissait
peu de chance aux « suiveurs » de parvenir à un
tel niveau d'intensité dramatique. L'Emprise
est LE chef-d’œuvre du genre. Loin de l'approche grand public du
Poltergeist de Tobe Hooper et Steven Spielberg, son
film demeure encore aujourd'hui comme une œuvre terriblement
angoissante, mais aussi et surtout, incroyablement dérangeante.
Pourquoi ? D'abord parce que l'on y découvre une mère de famille
aux prises avec une entité invisible qui va la violer et la battre à
plusieurs reprises. On pense donc forcément à ces cas de
faits-divers sordides dont sont les victimes de nombreuses femmes à
travers le monde. Et même si le sujet est ici traité d'un point de
vue strictement fantastique et scientifique, l'amalgame semble
inévitable.
Ensuite, il y a cet
aspect médical assez inconfortable, et la méfiance des proches de
la victime qui remettent en cause son état de santé mental qui
mettent mal à l'aise. De plus, le film se basant sur un fait divers
authentique, la charge « historique » du film crée
un poids supplémentaire que le spectateur n'a d'autre choix que de
prendre sur lui. Sidney J. Furie dresse le portrait d'une institution
fonctionnant à deux vitesses. D'un côté la médecine classique,
cartésienne, aussi terre à terre que possible, et incapable de se
« poser » et d'écouter ses patients sans émettre
le moindre doute sur les propos tenus, au mépris de ces derniers.
Mépris se prolongeant envers des collègues étudiant une branche
apparemment beaucoup plus farfelue, mais dont les membres semblent
demeurer les seuls capables d'apprécier les propos tenus par Carla
Moran, la victime, excellemment interprétée par l'actrice Barbara
Hershey.
Le film de Sidney J. Furie prouve également que sans une partition
musicale efficace, un film ne peut aboutir à un tel degré
d'excellence. Entre autres œuvres, le compositeur américain Charles
Bernstein a plus tard été l'auteur de la bande musicale du
classique de l'épouvante signé par Wes Craven, A
Nightmare on Elm Street. Chaque
agression de l’héroïne par l'incube est accompagnée d'un
martellement qui dans un premier saisi d'effroi le spectateur qui ne
s'y attend pas forcément, et devient même au fil de l'intrigue, une
véritable hantise.
Ensuite
viennent les effets-spéciaux. Sobres mais également très
efficaces, ils évitent de plonger le film de Sidney J. Furie dans
une sorte de film de fantômes à la Poltergeist.
Des effets-spéciaux parfois tellement dépouillés et réalistes
que l'on viendrait presque à regretter la matérialisation de
l'entité lorsque celle-ci nous apparaît de manière concrète sous
la forme d'un spectre vert. Heureusement, le film conserve ensuite
une ligne de conduite propre à garder son potentiel de réalisme.
Jusqu'à même sa conclusion, terrible. Enfin, l'interprétation, non
seulement celle de l'actrice Barbara Hershey mais de tous ses
partenaires également demeure un point essentiel qui font de
L'Emprise une réussite à tous points de vue. Un classique
indémodable qui surpasse allégrement tout ce qui a pu être fait
depuis sur la question des « fantômes »
au cinéma...
Absolument d'accord avec cette critique : "The entity" (L'Emprise) est un film remarquable et... oublié dans les listes de films fantastiques les plus réussies. Barbara Hershey est immense dans ce rôle, la mise en scène de Furie est un modèle d'intelligence (même si la fin démonstrative n'est pas du même niveau que tout ce qui précède) et la musique de Bernstein est obsédante à souhait. Un jalon indispensable qui méritait d'être rappelé à la mémoire : merci !
RépondreSupprimer