A ce jour, Babycall est le dernier long-métrage du réalisateur, scénariste et producteur norvégien Pål Sletaune. Un fait navrant, d'autant plus que l'auteur de Next Door en 2005 signe sans doute ici son meilleur film. Sept ans donc que le cinéaste n'a plus donné signe de vie sur grand écran. Au cœur de ce long-métrage emprunt d'une profonde noirceur, une Noomi Rapace convaincante, mère d'un gamin de huit, et fuyant un ex-époux violent. C'est pour demeurer à l'abri de ce dernier qu'Anders et sa mère emménagent dans un appartement dont l'adresse est tenue secrète et n'est connue que des services sociaux. Alors que son enfant a toujours dormi avec elle de peur qu'il ne lui arrive du mal, sa mère, Anna, achète un babyphone à Anders afin qu'elle s'assure qu'il ne lui arrive rien maintenant qu'il va pouvoir intégrer sa propre chambre. La jeune femme qui vit dans la terreur de voir débarquer son ex-mari vit pratiquement recluse dans l'appartement que lui ont confié les services sociaux. Le seul écart de conduite qu'Anna s'accorde, c'est lorsqu'elle emmène Anders à l'école. C'est en allant acheter un babyphone dans un magasin d'électronique qu'elle fait la connaissance de Helge, un employé qui la conseille sur l'appareil à acheter. Dès lors, ils sympathisent. Pourtant, malgré cette fragile lumière éclairant l'existence de deux adultes tristement seuls, de curieux événements vont se produire : en effet, dès la première utilisation du babyphone, Anna y entend très clairement un homme s'en prendre à un enfant. Mais alors qu'elle court vers la chambre d'Anders, craignant que son ex-époux ait découvert l'appartement où ils vivent elle et Anders, elle constate cependant que son fils dort calmement...
Voici
donc de quelle manière fort conventionnelle débute Babycall.
Un long-métrage qui, s'il a bien du mal à démarrer, finit par
réserver une multitude d'excellentes surprises. Au delà des
thématiques ultra-rebattues de la violence conjugale, de
l'isolement, de la solitude et de la ghost-story
actuellement très à la mode, Pål Sletaune dirige en réalité une
œuvre bien plus profonde qu'il n'y paraît. Un acte dépressif d'un
peu plus d'une heure trente. Dépressif car terriblement sombre. A
croire qu'autour de son héroïne, rien ne peut aller dans le sens
d'une éclaircie. Même ce nouvel ami qu'incarne une fois encore
Kristofer Joner (qui interprétait déjà le rôle principal dans
Next Door)
n'a pas les allures du héros ordinaire qui égayera l'existence d'une
Noomi Rapace incroyablement convaincante.
Pål
Sletaune signe une œuvre remarquable en ce sens où l'on ne sait
jamais vraiment si ce à quoi l'on assiste revêt la réalité ou si
certains événements ne sont que le fruit de l'imagination d'une
mère terriblement attachée à son enfant. Babycall
est le combat permanent d'une mère à laquelle la garde de son
enfant ne semble pas avoir été définitivement confiée. A trop
vouloir le protéger, Anna finit par faire parler d'elle. Tout ce
qu'elle veut éviter en somme. Pire, on retrouve dans l'intrigue à
l'origine du scénario écrit par Pål Sletaune lui-même, le même
type d'individu ignoble que le Nils
Bjurman
(Peter Andersson) de la trilogie suédoise Millénium.
Et puis, il y a le personnage qu'interprète l'excellent Kristoffer
Joner, et auquel le cinéaste aurait pu consacrer un peu plus de son
temps. Quitte à rallonger l'expérience de quelques dizaines de
minutes. Le cinéaste trouve pourtant le temps, dans ces quatre-vingt
douze minutes que dure le film, de lui consacrer quelques menus
passages. Comme cette terrible scène le voyant accompagner sa mère,
hospitalisée, alors qu'elle est en train de rendre son dernier souffle...
Babycall
se
révèle au final plutôt touchant. Dans le portrait de cette mère
surprotégeant son enfant, et de cet homme sacrifiant sa vie pour sa
mère. Jamais larmoyant, le film de Pål Sletaune réserve de plus
d'authentiques instants de tension et quelques passages dans le
domaine du fantastique plutôt bien menés. On notera la très belle partition musicale du compositeur espagnol Fernando Velázquez. Pour toutes ces raisons, on comprendra que
le film ait reçu le grand prix au Festival de Gérarmer en 2012 et
que Noomi Rapace ait reçu celui de la meilleure actrice au Festival
International du film de Rome en 2011... Presque un huit étoiles...
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