Si en France l'on aime à
rappeler sans doute par chauvinisme que le tout premier film de
l'histoire du cinéma fut La Sortie de l'usine Lumière à Lyon
(1895)
de Louis Lumière tandis que certains historiens
préfèrent quant à eux accorder ce titre au Salut de Dickson
de William
Kennedy Laurie Dickson (lequel est antérieur de quatre années),
l'une des héroïnes du dernier long-métrage du réalisateur
afro-américin Jordan Peele, Emerald Haywood (qu'interprète
l'actrice Keke Palmer) nous rappelle cependant que les véritables
origines du cinéma remonteraient jusqu'en 1877. Année qui vit
éclore Étude & analyses du mouvement
du photographe britannique Eadweard Muybridge qui mit ainsi en œuvre
un système composé de divers appareils-photos disposés de telle
manière qu'il pouvait ainsi analyser les mouvements d'un cheval au
galop. Une série de clichés qui mis bout à bout créèrent une
animation constituée de seize images. Un fait authentique que nous
rappelle donc la jeune femme qui elle-même est une lointaine
descendante du cavalier noir qui se trouvait justement sur le dos du
cheval près de cent-quarante cinq ans en arrière. L'homme blanc que
je suis n'a pu d'ailleurs éviter de déceler dans cette proposition,
une certaine idée de reconstruction de l'Histoire (ici,
cinématographique), aussi crédible soit-elle, mais comme
l’idolâtrent les adeptes de la Cancel-Culture.
Maintenant, reste à savoir si Jordan Peele ironise sur le sujet ou
s'il l'évoque au premier degré... Ensuite, sans doute doté d'un
solide sens de l'humour, le réalisateur a nommé son troisième
long-métrage, Nope.
Ce qui en théorie ne veut pas dire grand chose dans nos contrées se
réfère pourtant à l'adverbe de négation Non
que l'on utilise parfois sous d'autres formes, telle
Nan !
Mais il s'avérerait que le Nope du
titre serait en relation directe avec l'acronyme N.O.P.E
qui lui, signifierait Not
Of
Planet
Earth
(Pas de la planète Terre)...
Un
message caché comme le film semble en contenir un certain nombre
pourtant ici relativement inutile si l'on tient compte du fait que
les médias furent arrosés d'un nombre conséquent d'images montrant
justement la présence d'une soucoupe volante ''à l'ancienne'' dans
le ciel d'Agua Dulce en Californie. C'est là que sont justement
installés Emerald et son frère Otis dit OJ (l'acteur britannique
Daniel Kaluuya qui fut déjà la vedette de Get
Out,
le tout premier long-métrage de Jordan Peele). Propriétaires d'un
ranch où ils élèvent des chevaux, ils ont récemment perdu leur
père mort dans d'étranges circonstances. En effet, une pièce de 5
cents tombée du ciel lui a perforé l'orbite droit pour se loger
ensuite dans son cerveau ! L'intrigue se déroule six mois plus
tard et à l'agonie financière qui depuis leur est tombée dessus
s'ajoute l'obligation de vendre des chevaux pour survivre et
maintenir à flot leur petite entreprise... Avec ce troisième
long-métrage, Jordan Peele s'approche dangereusement du style propre
à un autre cinéaste outre-atlantique : M. Night Shyamalan. En
effet, disposant ça et là quelques mystères entourant la présence
d'un appareil volant d'origine extraterrestre, Nope
convoque d'ors et déjà le style très particulier du réalisateur
américain originaire d'Inde. Et sans doute plus précisément celui
de Signes,
œuvre largement sous-estimée par une partie des critique et que ce
dernier réalisa vingt ans auparavant...
Sur
un tempo lent, si lent que l'on a parfois l'impression que le film a
été tourné en High
Frame Rate
pour être projeté en vingt-quatre images par seconde (Oh, ça va !
Je rigole), Jordan Peele rend hommage à certains grands espaces
typiques de l'Ouest américain plus communément appelé Far
West pourtant concentré en un lieu presque unique : le ranch en
question.
Pas de colts, d'éperons, d'indiens ou de duels au pistolet mais une
ville reconstituée sous forme de parc d'attraction aux commandes
duquel l'on retrouve l'acteur américano-sud-coréen Steven Yeun
(Mayhem,
la série The Walking Dead)
dans le rôle de Ricky Park. Et puis, il y a ces images
cauchemardesques d'un tournage de Sitcom
qui tourne mal. Images qui hantent justement ce personnage et qui
semblent avoir été inspirées au réalisateur par un cauchemar
terrifiant dont il fut lui-même victime. Oui mais voilà :
résumer cette séquence à la seule évocation d'un rêve qui tourna
mal serait bien trop évident. Surtout dans ce cinéma qui fait
figure de Blaxploitation
contemporaine et qui met au premier plan des interprètes d'origine
afro-américaine. Par extension et de part ses origines
sud-coréennes, le personnage interprété Steven Yeun sera
d'ailleurs le seul ''américain aux origines étrangères'' qui
survivra à cette éprouvante séquence tandis que les blancs, eux,
seront scrupuleusement massacrés par un singe, personnage central de
la dite Sitcom.
À moins que le réalisateur n'y évoque le traitement infligé à
ces animaux exhibés dans les cirques et autres manifestations
(télévisuelles ou non) et qui finissent par littéralement ''perdre
la tête'' avant de se venger sur ceux qui les ont retiré de leur
milieu naturel pour les exploiter. Mais je m'égare... Après un Get
Out
d'excellente facture et un Us
particulièrement décevant, Jordan Peele réapparaissait donc en
2022 avec un troisième long-métrage ambitieux et prometteur.
Attirant forcément les amateurs d'invasions extraterrestres en
particulier et de science-fiction en général, le film s'éloigne
des canons récents du genre. Ici, le spectaculaire est remisé au
fond du placard et le réalisateur use de ficelles ''primitives''
pourtant convaincantes : des silhouettes se fondant par exemple
dans le décor et dans l'obscurité, filmées sans l'emploi du
moindre contre-champ. Le spectateur y observera alors tout comme
Daniel Kaluuya, des créatures qu'il identifiera immédiatement comme
menaçantes et d'origine extra terrestres. Où lorsque entrent en
action les pouvoirs de suggestion de l'image et... du son !
Entre
théories officielles et multiplications de pistes n'arrivant jamais
jusqu'à leur conclusion, avec un peu d'exercice, il est facile
d'exploiter ses propres facultés d'analyse et d'étudier telle ou
telle séquence afin d'y trouver ça et là des concepts qui ne sont
pourtant pas forcément sortis de la tête du réalisateur. Bah
tiens ! Allez, je mets la main à la pâte (sur le ton de
l'humour, évidemment). Imaginez, ce vaisseau, immense structure
plane, sans ailes et Ô malheur, sans système d'occultation (un
comble pour une technologie avancée contrainte de jouer à
cache-cache derrière les nuages) se nourrissant de tout ce qui lui
passe sous la main... Enfin, de main, nous évoquerons davantage
cette bouche/anus qui s'ouvre au moment de passer à table. Et bien,
je me suis fais la réflexion que l'engin ressemblait quand même
vachement à un sombrero vu d'en dessous. Et puisque chacun a droit à
son hypothèse, ben j'me suis surpris à penser que Jordan Peele
évoquait quelque part la politique migratoire entre le Mexique et
les États-Unis !!! Ouais, la réflexion est sans doute stupide
mais l'est-elle davantage que la tournure que prennent les
événements ? C'est à se demander si le réalisateur n'a pas
volontairement sabordé un projet qui a l'origine se montrait
sacrément ambitieux. Virant sans doute involontairement à la
comédie, le dernier acte est d'un grotesque rarement atteint sur un
écran de cinéma. On ne sait plus alors ce qui relève du premier ou
du second degré. Nope
semble malheureusement confirmer que Jordan Peele n'est sans doute
l'auteur que d'un seul film. Un réalisateur à l'origine prometteur
mais qui par la suite n'a pas été à la hauteur des attentes de son
public. Reste ici, quelques plans remarquables et une photographie
parfois stupéfiante. Pour le reste...
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