Je suis un monstre (I, Monster) de Stephen Weeks
Et si les actes
monstrueux perpétrés par Jack l'éventreur n'étaient que la
conséquence des expériences menées par le Docteur Jekyll ou comme
ici son homologue le Docteur Psychiatre Marlowe ? Car comme nous
le savons tous, chaque homme cache en lui une part sombre que seule
une infime quantité de l'humanité a choisi de laisser s'exprimer.
Première chose à savoir. Si le héros de Je suis un monstre
(I, Monster)
a changé de nom, ça n'est pas tant pour des questions de droits que
par précaution de la part de ses concepteurs qui craignent alors de
faire douter les investisseurs. En effet, le sujet reposant sur
l'ouvrage The
Strange case of Dr Jekyll and Mister Hyde
de Robert Louis Stevenson qui fut déjà maintes fois transposé sur
grand écran, une certaine lassitude aurait pu faire craindre que le
public ne se lasse. Il n'en demeure pas moins que le long-métrage de
Stephen Weeks qui signait là son premier film en 1971 s’attelle à
retranscrire le plus fidèlement possible cette étrange histoire
dans laquelle intervient notamment la théorie du Surmoi
chère
à Freud, là où s'inscrivent des valeurs morales interdisant les
actes immoraux, criminels ou plus simplement répréhensibles.
Produit par la société Amicus
Productions connue
pour être la rivale de la célèbre Hammer
Films
tout en étant considérée inférieure d'un point de vue créatif,
Je suis un monstre n'en
est pourtant sans doute pas moins l'une des meilleures adaptations du
classique littéraire de l'épouvante britannique. Un joyau, à vrai
dire, dans lequel l'on retrouve deux des plus grandes icônes du
cinéma fantastique des années 50, 60 et 70 en Angleterre.
Christopher Lee et Peter Cushing. Les deux hommes se rencontreront à
de nombreuses reprises et notamment sur les tournages du
Cauchemar de Dracula,
Dracula 73
ou sur celui de Dracula vit toujours à Londres
dans
lesquels le premier interprétera le plus célèbre des vampires et
face auquel le second incarnera le rôle du non moins célèbre
chasseur de vampire, le Docteur Abraham Van Helsing. Baignant
dans une atmosphère délétère qui ne lâchera pas son emprise
avant que le générique de fin n'intervienne, Je suis un
monstre
décrit l'éprouvante expérience menée par le Docteur Marlowe,
lequel étudie la possibilité de soigner ses patients à partir d'un
sérum qui permettrait de modifier leur personnalité ainsi que leur
comportement. Testant diverses substances sur des animaux de
laboratoire avant de les expérimenter sur plusieurs patients, le
Docteur Marlowe décide un jour de s'injecter lui-même le
fameux sérum qui le transformera en Monsieur Blake. Un être
cynique, violent et physiquement repoussant que le Docteur Marlowe va
autoriser à prendre sa place à de nombreuses reprises, jusqu'à ce
que le drame survienne : en effet, à force de s'injecter le
sérum dans les veines, le psychiatre finit par ne plus arriver à
contrôler son alter ego obscure. Malgré l'emploi d'un antidote qui
lui permettait jusque là de revenir à sa forme normale, Blake
semble devoir prendre de plus en plus régulièrement les contrôles
physique et mental de son hôte. Au delà de son approche
fantastique, Je suis un monstre aborde
la thématique des drogues, de leur dépendance et des ravages qui
déterminent les modifications physiologiques et comportementales des
individus qui les consomment. D'où une approche relativement
dramatique du personnage du Docteur Marlowe se muant en un être
mesquin, agressif et se dé-sociabilisant, qu'aucun de ses proches ne
reconnaît derrière le visage effrayant de Blake, ce
''maître-chanteur'' supposé qui apparaît authentiquement avoir
pris le dessus sur son hôte. Christopher Lee campe alors une
créature repoussante, pourtant dénué de tout maquillage et que
seul son macabre sourire et une apparence physique volontairement
délabrée parvient à rendre crédible. On appréciera également
cette ville de Londres de la fin du dix-neuvième siècle
reconstituée, avec ses ruelles sombres, insalubres et embrumées,
ses recoins et ses bars sordides, ses prostituées et ses grands
amateurs de mauvais alcools. Sa courte durée (à peine plus de
soixante-quinze minutes) oblige le réalisateur et le scénario de
Milton Subotsky à écourter certains passages du récit en
multipliant les ellipses. Un inconfort minime pour une œuvre parfois
glaçante et se positionnant comme l'une des meilleures adaptations
de l’œuvre de Robert Louis Stevenson...
Le mystère de la bête humaine (The Beast must die)
Changement radical de décor avec Le mystère de la bête
humaine de Paul Annett. De décor mais aussi de qualité
puisque malgré le contexte dans lequel se déroule le récit (la
luxueuse demeure d'un riche propriétaire), le film semble avoir
l'air fauché comme les blés. Partant cependant d'une idée on ne
peut plus originale, ce long-métrage dont on reconnaîtra parmi les
interprètes l'acteur Peter Cushing est probablement l'un des plus
improbables qu'ait pu produire la Amicus. Dire que le film est
une purge est un euphémisme. Surfant sur la vague des Whodunit
chers à Agatha Christie, Le mystère de la bête humaine
semble également vouloir s'offrir une place bien au chaud parmi les
légendes de la Blaxploitation en offrant le rôle principal à
l'acteur américano-bahaméen Calvin Lockhart bien que le personnage
de Tom Newcliffe devait à l'origine être interprété par Robert
Quarry. Un choix qui plus que de donner l'impression que les
personnages naviguent effectivement au cœur de ce formidable courant
ayant revalorisé l'image des afro-américains dans le cinéma des
années soixante-dix, offre un ton vraiment étrange. Surtout pour
l'époque. Un black au milieu d'une troupe de personnages tous plus
blancs les uns que les autres et parmi lesquels le bonhomme soupçonne
l'existence d'un loup-garou ! Le concept du Whodunit
étant ce qu'il est, on devine alors que le principe sera autant pour
le spectateur que pour Tom Newcliffe de découvrir qui parmi ses
convives est celui qui se cache derrière la bête humaine du titre.
Malheureusement pour lui, le scénariste Michael Winder n'étant pas
Agatha Christie, le résultat à l'écran est désastreux.
Une
piteuse version des Chasses du comte Zaroff et de tous
ses succédanés dans laquelle l'on s'éloigne donc de l'époque et
de l'ambiance fiévreuse de Je suis un monstre pour des
années soixante-dix où l'on reconnaît bien là quelques symboles
de cette période notamment à travers les rouflaquettes, les
coiffures afro, les pattes d'éléphant ou encore les pulls en
acryliques et à cols roulés très près du corps ! On comprend
très rapidement que l'expérience va s'avérer rude à contempler
jusqu'au bout. D'emblée l'on assiste à la chasse d'un homme noir
par des soldats commandés à distance par un certain Pavel (l'acteur
Anton Diffring) avant de comprendre que tout n'était qu'une épreuve
visant à démontrer les moyens mis en jeu pour une future chasse au
loup-garou. C'est lourd, long et si peu passionnant que l'envie,
déjà, de mettre fin au calvaire se fait ressentir. Mais bon, comme
on est un brave gars et que l'on veut bien donner sa chance à Paul
Annett, on va aller jusqu'au bout... Mauvais mais aussi parfois
touchant de naïveté dans sa manière de vouloir proposer une
alternative fantastique des Dix petits nègres ou de
tout autre Whodunit du genre, Le mystère de la bête
humaine souffre d'être redondant. Des séquences de chasse
nocturnes sans grand intérêt. Des soupçons qui reposent un peu
trop aisément sur le plus crédible des suspects. Une révélation
qui n'étonnera pas grand monde et des effets-spéciaux inexistants
puisqu'en lieu et place d'un loup-garou nous avons droit à un
authentique loup... tout court ! Post-synchronisation
désastreuse, jeux d'acteurs pathétique, scénario et mise en scène
bâclés, il n'y a vraiment rien à sauver dans ce naufrage
artistique. Pas même les personnages eux-mêmes et dont la
caractérisation est simplement inexistante...
The Uncanny de Denis Héroux
Pour conclure, évoquons The Uncanny de Denis Héroux.
Sous ce patronyme francophone se cache un réalisateur, scénariste
et producteur montréalais,, auteur d'une quinzaine de longs-métrages
en autant d'années dont une majorité de drames. Il terminera sa
carrière de réalisateur avec cette production Amicus parfois
traduite sous le titre Les chats du diable ou plus
simplement sous celui de Brrr... Comme le titre
(français) le précise, ce film à sketchs met en scène nos petites
boules à poils. Oui, celles qui font des ravages auprès des
amateurs de chats sur la toile. Sauf qu'ici, le concept est moins de
s'attendrir en les regardant jouer ou en les écoutant ronronner que
d'assister à quelques massacres au grès de péripéties mettant en
avant de vils êtres humains. En préambule, le film s'ouvre sur la
rencontre entre l'éditeur Frank Richards (Ray Milland) et l'auteur
d'un ouvrage relatant des récits fantastiques au centre desquels
s'inscrivent nombre de chats (Peter Cushing dans le rôle de Wilbur).
Afin de convaincre l'éditeur de publier son roman, le vieil homme
(qui craint lui-même les chats) conte à son ôte les récits que
l'ouvrage renferme. Au nombre de trois, ceux-ci font donc l'objet
d'autant de courts métrages. Dans le premier intitulé London
1912, une vieille dame un brin acariâtre (Joan Greenwood)
demande à son notaire de remplacer son testament par un second.
Alors qu'elle avait jusque là prévu de tout léguer à son neveu
Michael (Simon William), voilà que désormais celle-ci compte bien
laisser le tout à ses amours de chats. Sauf que la chose n'est pas
tombée dans l'oreille d'une sourde et que la soubrette (Susan
Penhaligon dans le rôle de Janet) s'empresse de tout révéler à
l'opportuniste neveu. Le second, intitulé Quebec Province
1975, met en scène une gamine prénommée Lucy (Katrina
Holden Bronson), martyrisée par sa cousine Angela (Chloe Franks)
depuis qu'elle s'est installée chez sa tante et son oncle. Ne
supportant pas la présence du chat de sa nièce, Mrs. Blake
(Alexandra Steward) mettra tout en œuvre pour s'en débarrasser
tandis que sa propre fille fera des misères à sa cousine.
Le
troisième segment met quant à lui en scène un certain Valentine
De'Ath (Donald Pleasence). Acteur dont l'épouse vient de décéder
des suites d'un accident lors du tournage d'un film d'horreur. Un
accident ? Pas vraiment. Plutôt un homicide commis pat l'époux
infidèle qui s'empresse ensuite de rejoindre sa maîtresse Edina
Hamilton (Samantha Eggar). Mais c'était sans compter sur le chat de
la morte qui fera payer à son mari et sa maîtresse leurs odieuses
manigances... Sachons rester objectifs et reconnaissons que malgré
la présence d'une poignée d'interprètes prestigieux, The
Uncanny est nettement moins passionnant pour son approche
horrifique que pour ses portraits d'une humanité veule, intéressée
et criminelle. L'on retiendra du premier sketch la longue attaque de
dizaines de chats s'acharnant sur la personne de Janet. Du second, le
caractère psychopathique de la cousine et une séquence assez mal
fagotée renvoyant à L'homme qui rétrécit de Jack
Arnold. Et du troisième... ben en fait, pas grand chose. La
réalisation et la direction d'acteurs de Denis Héroux sont
franchement piteuses. Les interprètes manquent de naturel et quelle
que soit l'époque invoquée, on a toujours l'impression que
l'intrigue se déroule à la même période. De plus, il demeure
difficile de s'effrayer devant les assauts des chats. Surtout lorsque
l'on en est un fervent admirateur et que l'on a appris à maîtriser
ou du moins comprendre leur attitude. C'en est même parfois amusant,
à nous imaginer des techniciens jeter à bouts de bras ces pauvres
félins sur les acteurs qu'ils sont censés agresser...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire