Pour cette Spéciale
Blumhouse Productions, cinq longs-métrages parmi les derniers
à avoir été produits par la célèbre société de production
américaine créée par le producteur Jason Blum dans le milieu des
années 2000. Près de cent films mais parmi eux, peu de
véritablement marquants. Le beaucoup trop surestimé Paranormal
Activity
de Oren Peli en 2009 (à vrai dire, une bonne grosse daubasse),
Insidious
de James Wan en 2011, l'excellent Sinister
de Scott Derrickson l'année suivante, et puis The
Visit
de M. Night Shyamalan en 2015, Pas un bruit de
Mike Flanagan en 2016 et surtout Split
de M. Night Shyamalan et Get Out
de Jordan Peel en 2017. On commence non pas avec l'un de ceux-ci mais
avec The Visitor
de Justin P. Lange qui devrait logiquement bientôt apparaître sur
les radars. Une œuvre reposant sur un scénario écrit à quatre
mains par les scénaristes Simon Boyes et Adam Mason. Un récit comme
aime les concevoir Blumhouse,
faisant la part belle à l'horreur, l'épouvante et le fantastique.
Rien que de très banal en somme puisque l'on y fait la connaissance
de Robert Burrows et Maia Eden. Un couple de jeunes adultes qui après
s'être installés à Londres et après avoir perdu leur premier
enfant suite à une fausse couche vient s'installer dans le village
d'enfance de la jeune femme interprétée par Jessica McNamee. Quant
à Robert, c'est l'acteur Finn Jones qui l'interprète. Et le
véritable personnage central du récit, c'est lui. Ou plutôt, lui
et ceux qui semblent de premier abord être ses doubles. Comme en
témoignent les nombreux tableaux qui ornent un peu partout en ville,
les murs des habitations. Des peintures toutes à l'effigie d'un seul
et même individu que des légendes gravées dans les encadrements
surnomment le visiteur. Ce curieux personnage inquiète Robert dont
la ressemblance s'avère relativement troublante. Sans que sa
compagne ne semble vouloir se mêler de ces histoires quelque peu
farfelues, le spectateur se rendra rapidement compte que des choses
très étranges se déroulent en ville. L'attitude de ses habitants
qui voient en l'arrivée de Robert, le symbole d'un signe bienheureux
pour la communauté. C'est pourtant tout le contraire que semble
vouloir installer dans l'esprit des spectateurs le réalisateur. Un
climat de suspicion, de doute et d'angoisse. Si par nature, le sujet
semble être le fruit d'une réflexion visant à renouveler le genre,
The Visitor
n'est rien moins qu'une alternative plutôt fauchée
scénaristiquement parlant du chef-d’œuvre que réalisa Roman
Polanski en 1968, Rosemary's Baby.
Le caractère ambigu de la population faisant rigoureusement penser
aux habitants de l'immeuble dans lequel Rosemary Woodhouse (Mia
Farrow) et son époux Guy (John Cassavetes) s'installèrent à
l'époque. Sauf que dans le cas présent, Justin P. Lange semble
incapable de reproduire le même sentiment d'angoisse grandissante et
de paranoïa qui faisaient de Rosemary's Baby
une œuvre cauchemardesque parfaitement éprouvante. Le héros de
cette histoire a beau se retrouver seul face à un mystère qu'il
semble être le seul à vouloir résoudre (du moins jusqu'à
l'arrivée d'un certain marchand d'art), rien ne paraît être moins
terrifiant que les événements qui se produisent durant le récit.
Si le scénario maintient une certaine incompréhension que le
spectateur redoutera de comprendre à force d'y déceler un sujet
plus qu'improbable, le dernier quart-d'heure viendra à juste titre
mettre un point d'honneur à faire tout l'éclairage sur l'heure et
la dizaine de minutes qui viennent de s'écouler. Au final, The
Visitor
s'avère assez fade et maintient donc une constante qui a tendance à
se généraliser désormais au sein des productions
Blumhouse...★★★★★☆☆☆☆☆
Venons-en maintenant au cas Shana Feste et à son nouveau
long-métrage Run Sweetheart Run. Mis à disposition
des abonnés Amazon Prime Video dès le 28 octobre dernier,
cette production Blumhouse est sans doute ce que la société
a pu produire de plus grotesque depuis sa création. Non content de
faire l'apologie du féminisme en démontrant que la quasi totalité
de la gente masculine n'est constituée que de vils dominateurs,
violents, obsédés par le sexe et même parfois sanguinaires, la
réalisatrice met en scène une héroïne afro-américaine aux prises
avec un homme de race blanche tout à fait prêt à jouer le
prédateur jusqu'au lever du Soleil. Une argumentation qui aurait
tendance à donner la nausée si seulement Shana Feste ne s'était
pas engouffrée dans une brèche involontairement drôle. Oubliez
l'effroi invoqué par sa thématique : Run Sweetheart Run
n'est rien de plus, rien de moins que l'une des nombreuses erreurs de
trajectoire dont son auteur(e... pour les pro-écriture inclusive)
s'est rendue coutumière. Elle dont la vedette de son dernier
long-métrage Ella Balinska est la proie d'un tueur sadique, cynique
et apparemment indestructible semble surtout attirée par l'idée de
faire la chasse à l'homme en général et au blanc en particulier
(ceux d'ébènes ne souffrant ici effectivement pas des mêmes
troubles liés à l’afflux de testostérones). Le film n'est qu'un
amalgame de poncifs féministes à tendance wokiste lors desquels la
réalisatrice se permet même un temps de bousculer les termes qui
caractérisent certains traits liés au vampirisme avant d'en laisser
d'autres demeurer l'une des solutions pour son héroïne de survivre
à son terrible périple nocturne.
La plupart des situations relevant
du grand n'importe quoi, le spectateur finira tout de même par avoir
des doutes. Concernant l'aspect ''nonsensesque'' de la mise en
scène, de l'écriture, de la direction d'acteurs et par là-même de
l'interprétation, peut-être qu'au fond d'elle, la réalisatrice a
finalement obtenu ce qu'elle voulait : produire une œuvre
improbable faisant l'apologie quasi permanente de la menstruation de
son héroïne dont le sang fort odorant (je vous souhaite bon appétit
si vous êtes en train de déjeuner ou de dîner) sert d’appât à
son prédateur. Lequel est interprété par l'acteur danois Pilou
Asbæk qui aurait sans doute mieux fait de se faire porter pâle le
jour où lui fut remis le script de Run Sweetheart Run.
À mesure que le film déroule le fil de son intrigue, le sex-appeal
de Ella Balinska se vide au rythme de ses pertes menstruelles. Si le
film est à lui seul LA solution pour vider les salons de toute
présence masculine lors de sa projection, c'est sans doute parce que
la réalisatrice a sans doute manqué de ce second degré qui aurait
pu transformer l'expérience en une sorte d'alternative jouissivement
féministe à l'excellent After Hours de Martin
Scorsese. Malheureusement pour Shana Feste et pour Run
Sweetheart Run, ça n'est malheureusement pas le cas... !
★★★☆☆☆☆☆☆☆
On continue avec Madres du réalisateur américain Ryan
Zaragoza qui avec ce film signait en 2021 son premier long-métrage.
Et là, attention car dans cette partie, je vais spoiler l'intrigue.
Madres, est un film qui paradoxalement et au vu des
critiques généralement peu élogieuses qui l'entourent s'avère
cependant le plus intéressant à étudier des trois longs-métrages
qui forment jusqu'à maintenant cet article consacré aux productions
Blumhouse. En effet, inspiré d'un fait-divers absolument
terrifiant sur la ''stérilisation contrainte'' issue d'un mouvement
national américain sur l'eugénisme ayant eu cours au siècle
dernier, Madres transpose son récit au beau milieu des
années soixante-dix, époque lors de laquelle Diana (Ariana Guerra)
et Beto (Tenoch Huerta) s'installent dans une petite communauté
agricole des États-Unis essentiellement constituée d'immigrés
d'origine mexicaine. C'est donc dans ce contexte que Ryan Zaragoza,
sur la base d'un scénario conçu par Marcella Ochoa et Mario
Miscione, explore cette thématique sous divers aspects. Étant un
pur produit Blumhouse, le film fait bien entendu appel à
l'élément fantastique. Une approche qui pour une fois aurait mieux
fait d'être écartée tant l'ampleur de la tâche relative à ce
difficile sujet n'avait absolument pas besoin que lui sois adjointe
le moindre fragment de surnaturel. S'il faudra patienter jusqu'aux
derniers instants pour que nous soit révélée la terrible vérité,
jusque là, le film se contentera de traîner en longueur son sujet
tout en aiguillant le spectateur sur une fausse piste.
L'un des
principaux attraits du long-métrage se situe moins dans l'évocation
d'une malédiction que dans la recherche de vérité de son héroïne.
Laquelle est persuadée que l'entreprise qui emploie son époux Beto
utilise des pesticides qui sont à l'origine de problèmes liés
principalement à la natalité. En effet, si aux champs, les hommes
ne semblent être atteints d'aucuns maux spécifiquement reliés à
l'emploi des dits pesticides, l'absence quasi systématique d'enfants
au cœur de la population semble témoigner de nombreuses
fausses-couches. C'est ainsi que l'héroïne se lancera dans une
enquête plutôt intéressante et bien menée. Ce qui paraît avoir
crispé les esprits de ceux qui ont découvert le film à l'époque
de sa sortie, c'est la méthode avec laquelle Ryan Zaragoza a choisi
d'étudier le thème. Et s'il est vrai qu'un sujet aussi difficile à
aborder méritait sans doute que le film ne s'embarrasse pas d'une
approche surnaturelle, il suffirait presque de faire abstraction du
fait que Madres repose sur un drame réel pour qu'on
lui reconnaisse d'authentiques qualités. Si le rythme est
effectivement lent, on ne s'ennuie pas pour autant. Dans sa volonté
de préservation, voire de survie pour elle, son époux et l'enfant à
venir, Diana est parfois touchante, ''immigrée'' elle-même dans un
coin perdu de son propre pays essentiellement habité par des
mexicains... ★★★★★★☆☆☆☆
Nous poursuivons ensuite avec Torn Hearts de Brea
Grant. Il s'agit du second long-métrage de cette réalisatrice
américaine originaire du Texas après le drame Best Friends
Forever en 2013. Depuis, elle s'est notamment attaquée à la
réalisation d'épisodes de séries télévisées avant de revenir
cette année avec un film estampillé Blumhouse Productions.
Contrairement à ce que laisse supposer la filiation entre l’œuvre
et la célèbre maison de production, Torn Hearts n'est
pas vraiment un film d'horreur. Plutôt un thriller psychologique et
musical. Original, donc, car en outre, si de musique il s'agit bien,
on parle ici de country. En effet, le film met en scène les deux
membres de la formation Torn Hearts formée par Jordan Wilder
et de Leigh Blackhouse. Deux jeunes femmes ambitieuses et dont l'une
est une fan absolue de Harper Dutch, ancienne gloire de la country
vivant désormais recluse dans son immense propriété. C'est après
avoir passé la soirée en compagnie du chanteur Caleb Crawforf
(l'acteur Shiloh Fernandez) qui lui a confié l'adresse personnelle
de la star de la country que Jordan (Abby Quinn) propose à Leigh
(Alexxis Lemire) de ''s'inviter'' chez l'idole de cette dernière
afin de lui demander de l'aide ainsi que des conseils pour leur
carrière. C'est ainsi que les deux jeunes musiciennes et chanteuses
vont passer quelques jours chez cette Harper Dutch on ne peut plus
étrange et excentrique... Les plus anciens reconnaîtront dans le
rôle de cette dernière l'actrice Katey Sagal qui entre 1987 et 1997
interpréta le rôle de Peggy Bundy dans la série télévisée
américaine culte Mariés, deux enfants ! Et c'est
sans doute l'un des seuls intérêts de ce long-métrage qui n'a rien
de véritablement excitant à proposer sinon des tunnels de dialogues
inintéressants au possible.
Sur un sujet pourtant séduisant, le
film se traîne, stagne sur un principe de joutes verbales très mal
écrites et sur une absence totale d'enjeux en matière d'angoisse.
Mais le pire reste sans doute l’invraisemblance d'une quantité
effarante de séquences. Si tout laisse rapidement supposer que
l'ancienne star de la country n'a plus vraiment toute sa tête et si
Jordan finira par percevoir l'inquiétante personnalité de la
chanteuse (contrairement à son amie Leigh, laquelle sera totalement
dévouée à la parole de son idole), certaines phases du récit ne
passent absolument pas. À commencer par ces longues séquences
d'exposition durant lesquelles le duo a largement le temps d'étudier
la psychologie de leur hôte... sans que cela n'interfère sur leur
volonté de travailler à ses côtés. Bon, ça, encore, ça peut
s'envisager en terme d'ambition. Mais lorsque Harper les convie à
des jeux parfois barbares et cruels comme de se battre entre elles
devant ses yeux, là, on n'y croit plus. Comme l'on ne croit pas à
ces revirements ininterrompus (je reste, je pars, je reste, je pars,
etc...), cette attitude de dévotion outrageusement exagérée de la
part de Leigh et bien d'autres friandises faisandées. Tout ceci mis
bout à bout font que l'édifice s'écroule assez rapidement.
D'autant plus que le scénario de Rachel Koller Croft n'est
franchement pas folichon. Bref, Torn Hearts est à
jeter aux oublier au même titre que Run Sweatheart Run de
Shana Feste... ★★★☆☆☆☆☆☆☆
Pour terminer, il n'est pas vain d'espérer que le niveau soit
rehaussé avec Vengeance de B. J. Novak, le premier
long-métrage de ce réalisateur d'origine américaine qui jusque là
était connu comme acteur et auteur de plusieurs épisodes de séries
télévisées (The Office). En effet, il s'agit bien là
de LA bonne surprise de cet article consacré aux productions
Blumhouse. Aussi étonnant que cela puisse paraître puisque
le film sort des sentiers battus de l'horreur, du fantastique et de
l'épouvante, Vengeance
procure effectivement d'excellentes sensations. Le long-métrage de
B. J. Novak met en scène le journaliste new-yorkais Ben Manalowitz
(interprété par le réalisateur lui-même), lequel reçoit un jour
un étrange appel téléphonique de la part d'un certain Ty Shaw qui
n'est autre que le frère d'Abby, une fille que fréquenta Ben et qui
vient de décéder d'une overdose. Convié (enfin, plutôt forcé à
vrai dire) à se rendre au Texas afin d'assister à ses obsèques,
son frère propose au journaliste de l'aider à résoudre ce qu'il
considère être un homicide. Chaleureusement accueilli par la
famille d'Abby, installé dans la chambre de la défunte, Ben n'a
d'autre possibilité que d'aider Ty à en savoir plus sur la mort de
la jeune femme. Le journaliste mettra cette situation à contribution
en enregistrant celles et ceux avec lesquels il s'entretiendra...
Alors que l'on pouvait craindre un film bête et méchant ou une
critique un peu trop acerbe voire par trop caricaturale des habitants
du Texas, Vengeance
se montre d'une étonnante chaleur envers ses autochtones. Si
l'attitude de Ben peut au départ déconcerter (profiter de la mort
d'une femme qu'il a à peine connu pour rédiger des podcasts), c'est
bien au contact de ces femmes et de ces hommes ''d'un autre monde''
parfois comparables à des rednecks
qu'il va apprendre que les uns et les autres ne sont pas les fieffés
abrutis que renvoie leur image. Drôle même s'il peut être parfois
incommodant (surtout lors des tout premiers contacts avec la famille
d'Abby), Vengeance
bénéficie d'une
très belle écriture. Entre road movie, enquête, émotion et
comédie, le long-métrage de B. J. Novak s'octroie d'authentiques
moments de magie. Des états de grâce notamment visibles lors de la
première rencontre entre le journaliste et le producteur de musique
Quinten Sellers (excellent Ashton Kutcher) ou toutes ces séquences
qu'il partage avec les différents membres de la famille Shaw. Le
film n'en est pas moins très critique vis à vis de certains
personnages. Comme ces représentants de la loi souvent grotesques,
excentriques ou exubérants. Surtout, Vengeance
prouve qu'il n'est nul besoin de faire montre de prédispositions
particulières dans les domaines du surnaturel ou de l'épouvante
pour qu'une œuvre bénéficie de qualités exemplaires. Le film de
B. J. Novak dont on ne sait à quel moment il sera visible par le
public hexagonal mérite que l'on en fasse l'éloge. Pas un
chef-d’œuvre, certes, mais un film qui, je le répète, sort des
sentiers battus en ''ratissant large''. Résultat : son auteur
offre ainsi à son œuvre une personnalité qui lui est propre et à
Blumhouse,
l'une de ses meilleurs productions... ★★★★★★★★☆☆
Merci pour cette savoureuse présentation ; du bon et du moins bon, donc.
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