L'idée du ''film
d'horreur de l'année'' est un
concept qui peut reposer sur tellement de critères que de la seule
façon de l'évoquer soit-même est d'étudier la question sur la
base de ses propres modèles. Alors... Smile
est-il le film d'horreur de l'année 2022 ? Est-il assez
terrifiant pour annihiler toute concurrence ? Fait-il preuve
d'assez d'originalité pour se débarrasser de toute possibilité de
rivalité ? La réponse est... non. Définitivement, non !
Et pourtant, il faut reconnaître au premier long-métrage du
réalisateur Parker Finn (auteur des courts-métrages horrifiques The
Hidebehind
et Laura Hasn't Slept)
d'authentiques qualités narratives. Bien que lui soient reprochés
les Jump Scares
qui émaillent son tout premier véritable projet cinématographique,
il est étonnant de constater combien en réalité il fait preuve de
discrétion en la matière comparé à la concurrence. D'ailleurs,
cet artifice qui, qu'on le veuille ou non, fait partie intégrante du
genre, s'imbrique fort logiquement chaque fois qu'il est ici mis en
place. Moins grand-guignolesque que ne le laissait présager la
séquence d'ouverture lors de laquelle le personnage principal du
récit (Sosie Bacon dans le rôle de la psychiatre Rose Cotter) est
le témoin du suicide de l'une de ses patientes, Smile
est fort heureusement davantage porté sur la lente dégradation
psychique et physique de son héroïne que sur l'accumulation de
scènes gore. Flippant ? Cela dépend où se place le curseur de
sensibilité du spectateur. Les apparitions, bien que souvent mises
en valeurs de façon astucieuses, n'effraieront que celles et ceux
qui se lancent dans ce type d'aventures macabres pour la première
fois. Les autres, eux, auront en tête des souvenirs diablement plus
excitants puisqu'à l'époque novateurs ! C'est ainsi qu'aucun
d'eux ne sera surpris de constater combien Parker Finn doit tout ou
presque au réalisateur David Robert Mitchell et à son excellent It
Follows.
Vous savez, ce film dans lequel l'héroïne incarnée à l'époque
par l'actrice Maika Monroe était contrainte de fuir une
malédiction... dont elle pouvait éventuellement se débarrasser en
la refilant à un autre...
Mais... !
Que ! Quoi ? Parker Finn n'aurait tout de même pas osé
reprendre le schéma à son compte ? Ben si, évidemment. Et
celles et ceux qui ne connaissent ni n'ont jamais vu It
Follows
tomberont dans le piège ! Smile
n'est donc pas non plus très original comme nous pouvons ainsi le
constater. Oui mais voilà : ce petit malin de Parker Finn, en
intégrant cette malédiction qui colle à la peau de ses victimes
jusqu'à ce que la mort les emporte à ce récit qui ferait presque
perdre la tête aux spectateurs autant qu'à celle de l'héroïne, le
réalisateur prend le pari et réussi à imposer une vision sans
doute encore plus macabre que dans l'original. Notons qu'il faudra
malgré tout faire abstraction au sujet de quelques erreurs
d'appréciation. Comme l'emploi d'une créature démesurément grande
apparaissant au fond d'un couloir. Une séquence n'ayant pas
l'effroyable teneur de celle que l'on pouvait justement déjà
contempler dans l’œuvre de David Robert Mitchell. À trop vouloir
mimer l'original, Parker Finn se prend les pieds dans le tapis et
propose une séquence mimant maladroitement celle qui dans It
Follows
avait su nous foutre le trouillomètre à zéro !
Reste
qu'en dehors de ces considérations pas si puériles qu'elles
paraissent être, Smile
est de ces petites productions horrifiques qui font très largement
leur boulot et qui risque de devenir, du moins pour l'année 2022,
l'une des références en matière de cinéma d'épouvante. Le
réalisateur parvient en effet à créer un véritable climat
anxiogène pénétré par un authentique sentiment de folie
grandissante. Convoquant et entremêlant avec délectation (la sienne
ainsi que la notre) le paranormal ainsi qu'une certaine idée de la
schizophrénie (on compatirait presque pour celles et ceux qui sont
victimes de cette terrible maladie), Smile
pénètre l'esprit à travers une caméra se jouant totalement des
lois de la gravité, une esthétique générale et une colorimétrie
en particulier parfois transcendantes et une admirable partition
musicale signée de Cristobal Tapia de Veer (les séries Utopia
et Black Mirror).
L'on ne sursaute donc pas devant l'effroyable chemin de croix que
subit la jeune Rose qu'incarne avec crédibilité Sosie Bacon.
Pourtant, le film délivre parfois un authentique sentiment de
malaise dû à ces nappes étranges et angoissantes prodiguées par
le compositeur canado-chilien. Un film qui se dégustera bien
évidemment dans sa langue originale, ne serait-ce que pour profiter
des hurlements et des crises de panique en ''VO''
de la part de l'actrice qui livre dans son dernier long-métrage, une
partition relativement saisissante. Peut-être Smile
est-il effectivement le meilleur film d'horreur de l'année. Ou
peut-être que non. Quelle importance puisque son auteur parvient à
l'essentiel : ne laisser personne indifférent face à ce
sinistre sourire qui risque de hanter certains spectateurs pour les
nuits à venir...
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