Last Exit to
Brooklyn, c'est avant tout une œuvre culte écrite en 1964
par l'écrivain américain Hubert Selby Jr. auquel on doit également
Requiem for a Dream qui sera adapté au cinéma en 2000
par le cinéaste Darren Aronofsky. C'est le cinéaste allemand Uli
Edel auquel échoit l'immense responsabilité d'adapter Last
Exit to Brooklyn.
Une œuvre littéraire majeure mise en musique par Mark Knopfler qui
n'est autre que le leader du célèbre groupe de rock Dire
Straits.
Last Exit to Brooklyn étant
un recueil de six nouvelles, Uli Edel a dû faire en sorte que les
destins croisés de ses personnages apparaissent avec une certaine
homogénéité. Son œuvre ne ressemble donc pas à une succession de
sketches mais bien à un récit se déroulant dans les années
soixante, sur fond de crise, au beau milieu d'un quartier où tentent
de survivre des centaines de travailleurs en grève depuis six mois.
Au beau milieu d'une révolte qui ne fait que grandir face à un
patronat qui reste sourd à toute revendication, Uli Edel nous
promène dans un quartier chaud de Brooklyn. Là où alcool,
prostitution et violence font des ravages.
Le
premier des personnages que nous présente le cinéaste est Harry
Black (l'acteur Stephen Lang que l'on a pu voir récemment dans
l'excellent Don't Breathe
de Fede Alvarez). Représentant d'un syndicat dirigé par un certain
Boyce (Jerry Orbach), il est marié et père d'un enfant. Mais sa
relation avec son épouse, nous le découvrirons bien assez vite,
n'est qu'une façade. La réalité est tout autre. Harry répugne à
l'avouer autour de lui, mais il est homosexuel. Et dans le contexte
de l'époque, mieux vaut s'en cacher. D'autant plus que durant une
grande partie de Last Exit to Brooklyn,
Uli Edel exhibe les penchants homophobes de ses personnages.
Homophobes mais également négrophobes. On remarquera d'ailleurs
l'absence totale d'hommes de couleur dans son long-métrage. Comme de
tout signe d'appartenance religieuse autre que le christianisme (la
scène du baptême). Ceux qui s'amusent des ces « pédés »
forment un groupe soudé de petites frappes satellisant autour d'un
jeune homme charismatique mais au caractère imprévisible ayant la
main mise sur Tralala (Jennifer Jason Leigh), jeune prostituée
peroxydée, qui attire ses clients dans un terrain vague avant que
ceux-ci ne soient assommés et volés par ses complices cachés dans
la pénombre.
Autres
personnages importants, l'ouvrier Big Joe (le génial Burt Young)
père d'une gamine qui s'est faite mettre en « cloque »
par un jeune gréviste, l'homosexuel Georgette (l'épatant Alexis
Arquette), ou encore Donna, la jeune femme enceinte en question
(l'ancienne égérie de John Waters, Ricki Lake)... Last
Exit to Brooklyn est
une œuvre noire, très noire. Désespérée, dans une ville sans
espoir, minée par le chômage et la délinquance. Comme cela sera le
cas une décennie plus tard avec Requiem for a
Dream,
le récit s'enfonce peu à peu dans une horreur sociale
tourbillonnante. Si les uns parviendront à obtenir gain de cause,
d'autres ne se relèveront jamais. A l'image de Georgette, renversé
par une voiture, Harry Black, crucifié après avoir été dénoncé
par un enfant auquel il tentait de faire une fellation, et pire
encore, le sort accordé à Tralala, victime d'un viol collectif
« consenti » qui la laissera sur le carreau tel un pantin
désarticulé et blessé dans son âme et dans sa chair.
Le
film de Uli Edel demeure sans concession. Comme l’œuvre dont il
s'inspire, il décrit un monde sombre et une fin inéluctable pour
ses personnages. Derrière l'image heureuse d'une famille célébrant
l'union d'un homme et d'une femme se déroulent des événements
tragiques, marquant à tout jamais les personnages qui y sont
confrontés. La partition musicale de Mark Knopfler participe au
sentiment de désespoir qui ne cesse d'enrober une œuvre dont il ne
ressort jamais rien de véritablement positif pour ses personnages.
Pas un chef-d’œuvre (surtout comparé à l'autre œuvre adapté de
Hubert Selby Jr.), mais un film à découvrir tout de même. Une
vision plus sombre des États-Unis d'Amérique, loin du rêve
américain...
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