Le Nom de la rose
ou, L'apocalypse selon Saint-Jean...Jacques Annaud. Adaptation du
roman de l'écrivain et érudit italien Umberto Eco, le long-métrage
reçu en 1987 le César
du meilleur film étranger, trois rubans d'argent décernés par le
Syndicat national
des journalistes cinématographiques italiens
ou encore les prix du meilleur acteur pour Sean Conney et de la
meilleure direction artistique aux Deutscher
Filmpreis
remis par l'académie du film allemand. Touche à tout, capable de
réaliser une comédie un peu amère sur le monde du football avec un
Patrick Dewaere absolument magistral (Coup de
tête,
en 1979), de mettre en scène des tribus de néandertaliens à
l'époque de l'âge de pierre convoitant le feu (La
guerre du feu,
en 1981), de mettre en scène deux ours dans les principaux rôles
(L'ours,
en 1988) ou beaucoup plus récemment de revenir sur la tragédie qui
toucha l'un des monuments historiques et religieux les plus
remarquables de notre pays avec Notre-Dame brûle
en 2022. Une carrière de cinéaste riche d'une quinzaine d’œuvres
dont Le nom de la rose pourrait
être envisagé comme la somme de tout ce qui constitue le cinéma du
réalisateur français. Adaptation d'un roman (comme pour L'amant
en 1992), œuvre historico-religieuse, thriller, policier, touche
d'érotisme, énigmes, meurtres, théologie, le film repose à
l'origine sur de solides connaissances. Celles d'Umberto Eco qui en
1954 fut diplômé à l'université de Turin grâce à une thèse
consacrée au religieux Saint Thomas d'Aquin de l'ordre dominicain ou
pour avoir étudié la Scolastique,
philosophie qui explorait l'idée d'un rattachement entre la
théologie chrétienne et la philosophie grecque. De ses nombreuses
connaissances dépassant le simple cadre des exemples cités
ci-dessus, l'écrivain italien tire plusieurs romans dont le plus
célèbre d'entre eux reste sûrement Le
nom de la rose.
Un ouvrage qui se vendra par millions et sera traduit dans
quarante-trois langues. Alors qu'il sera adapté sous diverses formes
aussi incongrues qu'un jeu-vidéo ou une pièce radiophonique, le
premier à s'emparer du récit est donc le réalisateur français
Jean-Jacques Annaud dont la renommée est mondiale depuis plus de dix
ans avec la sortie de La guerre du feu,
lequel remportera notamment quatre César
en 1982 ou l'Oscar
des meilleurs maquillages l'année suivante. Pour une adaptation
aussi considérable que celle du Nom
de la rose,
le film sera financé à hauteur de vingt millions de dollars.
Ce
qui de nos jours peut paraître ridicule mais qui, il y a presque
quarante ans maintenant, était tout de même une somme très
importante. Autre ''détail'' qui a son importance : le casting.
Afin d'incarner le personnage de William de Baskerville (renommé
Guillaume dans la version française), il fallait un acteur de poids.
Et cela sera en la personne de Sean Connery, star mondiale d'origine
britannique qui pour beaucoup demeure encore aujourd'hui comme la
plus fameuse représentation physique du personnage de James Bond
créé en 1953 par le journaliste et romancier spécialisé dans
l'espionnage, Ian Fleming. Enchaînant les succès (ceux de
Highlander
de Russell Mulcahy ou Les Incorruptibles
de Brian De Palma suivront celui du Nom de la
rose),
l'acteur imprime à son personnage une patte véritablement
authentique. À ses côtés, Jean-Jacques Annaud et le personnel
chargé de la distribution des rôles (parmi lesquels notre Dominique
Besnehard national) offrent à un jeune interprète alors
pratiquement inconnu son premier véritable rôle important. En
effet, alors âgé de dix-sept ans Christian Slater se voit offrir
l'opportunité de suivre les pas du franciscain Guillaume de
Baskerville en interprétant quant à lui celui du novice Adso de
Melk. Alors qu'un événement d'importance doit se produire dans les
prochains jours, une série de meurtres affolent les moines d'une
abbaye bénédictine au sein de laquelle Guillaume de Baskerville va
donc être chargé par l'abbé (excellent Michael Lonsdale)
d'enquêter. Le décor saisissant du Nom de la
rose,
n'en déplaise à ceux qui voudraient encore aujourd'hui explorer les
espaces extérieurs du site, proviennent en partie de l'ancienne
abbaye cistercienne Abbaye
d'Eberbach
située près Eltville dans le land de Hesse en Allemagne. C'est dans
ce très spectaculaire édifice que furent donc tournés les
intérieurs. Concernant les nombreuses séquences tournées en
extérieur, le château Castel del Monte situé dans la commune
d'Andria en Italie servit de source d'inspiration à l'élaboration
des remarquables décors tournés au sein même de la fictive abbaye
bénédictine. Auréolé à plusieurs reprises de prix le distinguant
de la concurrence pour la qualité de sa photographie et de ses
décors, le directeur de la photographie Tonino Delli Colli et le
chef décorateur Dante Ferretti, tous deux d'origine italienne
portèrent sur leurs épaules la responsabilité d'une œuvre
visuellement aussi flamboyante que mystique et horrifiante !
Lorsque
William de Baskerville interroge le jeune Adso de Melk en lui posant
la question ''Connais-tu
un seul endroit où Dieu se soit jamais senti chez lui ?'',
le personnage définit ainsi l'impression permanente d'un site
abandonné par le Créateur au profit d'un Mal dont la présence est
signée par l'indigence, la pauvreté, la crasse et les nombreuses
morts inexpliquées... Cinq millions de spectateurs se rendront en
salle lors de la sortie du Nom de la rose
et assisteront à un spectacle aussi grandiose qu'austère, où
l’Église et l'Inquisition ''prendront cher'', mais lors duquel
leur température aura également l'occasion de monter de quelques
degrés lors d'un accouplement ''contre-nature'' entre ce gamin en
permanence apeuré, aux abois et parfois intrigué qu'est Adso de
Melk, alors en période d'épreuves avant de pouvoir prononcer ses
vœux définitifs et une jeune sauvageonne (l'actrice chilienne
Valentina Vargas) avec laquelle il aura une courte relation sexuelle.
Concernant les personnages plus ou moins secondaires, outre la
remarquable présence du franco-britannique Michael Lonsdale dans le
rôle de l'abbé comme cité plus haut, le long-métrage dresse une
stupéfiante galerie de portraits. Une distribution des rôles
démente permettant de faire incarner les rôles les plus importants
comme les simples figurants à des interprètes dotés de ''gueules''
souvent incroyables. Jean-Jacques Annaud retrouve notamment l'acteur
américain Ron Perlman cinq ans après lui avoir mis le pied à
l'étrier du cinéma avec La guerre du feu
dans lequel il interprétait Amoukar. Cette fois-ci, pourvu de
remarquables prothèses faciales et dorsales, il incarne le bossu
Salvatore. Créature patibulaire assez terrifiante la première fois
qu'on l'aperçoit, avec son parler soliloquant et son grotesque
faciès de gargouille. Impressionnant ! Le
nom de la rose
exhibe de toute manière et de façon générale une galerie de
portraits incroyables, passant de l'allemand Volker Pretchel et son
visage émacié jusqu'à Bérenger d'Arundel et son visage rond
couleur de craie incarné par le munichois Michael Habeck et jusqu'à
l'américano-syrien F. Murray Abraham qui interprète quant à lui
Bernard Gui, authentique personnage historique né en 1291 et mort en
1331, connu pour avoir été inquisiteur dans le Languedoc...Le
nom de la rose est
un chef-d’œuvre où rien n'est laissé de côté, où la
reconstitution et l'Histoire n'étouffent jamais la passionnante
enquête menée par William de Baskerville et où rien n'est laissé
au hasard...
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