Elle,
c'est Isabelle Huppert. Qui porte si bien les troisième et quatrième
syllabes de son prénom. Beauté froide.Presque aussi glaciale que
l'eau d'une piscine en hiver mais parfois aussi brûlante que les
braise d'un barbecue en plein été. Plus grande actrice de
l'hexagone, elle vaut des dizaines de Sharon Stone et son
interprétation de Michèle Leblanc, des centaines de Catherine
Tramell, l'héroïne de Basic Instinct,
ce fumeux long-métrage qui aux côtés de Elle
me semble plus que jamais anecdotique. Lui, c'est Paul Verhoeven. Un
cinéaste que l'on ne présente plus. Auteur d'innombrables
chefs-d’œuvre, il a réalisé dernièrement l'une de ses plus
grandes œuvres en compagnie de Virginie Efira, Charlotte Rampling,
Lambert Wilson, Olivier Rabourdin ou Guilaine Londez pour les plus
connus. Benedetta.
Un énième coup de massue que certains considèrent déjà comme son
meilleur film. Tout est histoire de goût ou de plaisir instantané.
C'est bien là le dilemme avec le réalisateur néerlandais. À
chaque fin de projection on croit avoir assisté au plus grand cru de
son auteur. Sentiment que l'on partagera donc avec Elle,
son avant-dernier long-métrage en date. On ne va pas revenir sur les
habituelles outrances du réalisateur qui à vrai dire et au moins
pour cette fois-ci n'est pas allé aussi loin que lors de certains
tournages. Ici, l'immense Isabelle Huppert s'y désape moins que
d'anciennes interprètes de Paul Verhoeven (dont l'une regretta
amèrement d'avoir accepté de tourner pour lui dans Turkish
Delice
en 1973)...
Et
pourtant, l'actrice y révèle un personnage en tout point ambigu. De
ceux que l'on rencontre par exemple chez un autre très grand
cinéaste cette fois-ci d'origine autrichienne, Michael Haneke. Et
notamment pour son sublime La pianiste
dans lequel, justement, Isabelle Huppert incarnait déjà l’héroïne
du récit. Par la simplicité de ses quatre lettres, Elle
résume
le scénario à l'origine concocté par David Birke à partir du
roman roman Oh…
de Philippe Djian. Un mille-feuilles de malheurs et de souffrances
infligés à une femme ''coupable'' d'être victime. ''Coupable''
d'être la fille d'un serial killer dont beaucoup ont oublié le
visage mais pas les méfaits. Violée, on s'attend à ce que Michèle
Leblanc découvre dans l'acte un plaisir sexuel déviant. On est
quand même en terrain connu avec Paul Verhoeven. Sauf que, à trop
vouloir précéder le récit, on se trompe totalement sur la teneur
de celui-ci. Ou si peu. Accompagnée par des interprètes
irréprochables parmi lesquels il serait impardonnable de ne pas
citer au moins Laurent Lafitte, Anne Consigny, Charles Berling,
Christian Berkel, Virginie Efira ou Jonas Bloquet, Isabelle y brille
littéralement avec ce sens de la nuance qui n'appartient qu'à elle.
Dirigée de main de maître par un réalisateur au sommet de son art,
l'actrice française interprète une femme dont l'existence s'est
construite à partir d'un fait divers sordide dont les répercussions
sont multiples. Il peut parfois y avoir un plaisir coupable à suivre
les aventures d'un personnage qui se détruit à petit feu de
l'intérieur...
Ici,
la douleur est intense ET inexorable. Comme si de mauvaises fées
s'étaient penchées sur son berceau lorsqu'elle était encore qu'une
tout jeune enfant pour lui glisser à l'oreille : ''Gamine,
tu paieras pour les péchés à venir de ton père''..
Parfois terriblement malaisant tout en jouant constamment la carte de
l'humour à froid et de l'horreur dans ce qu'elle peut avoir de
réaliste, voire clinique, Elle
explose les frontières entre fiction et réalité. Jonché de
séquences inconfortables, Paul Verhoeven transforme sa sublime
interprète en bête à foire sur laquelle le passé ressurgi même
lorsqu'il n'est pas directement évoqué. Victime parfois cruelle, en
perpétuelle conflit avec les membres du sexe opposé (Jonas Bloquet
en fils ingérable à la limite de la psychopathie), Michèle est de
ces individus que l'on n'arrive cependant jamais à détester. Plutôt
victime que complice ou à l'origine d'actes délictueux. Sans jamais
vraiment verser dans le cinéma d'horreur ou d'épouvante, dans
l'érotisme le plus cru ou la romance la plus décomplexée, Elle
est
tout de même un peu tout ça et tellement plus. Un grand, très
grand film...
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