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mardi 21 mai 2024

Megalomaniac de Karim Ouelhaj (2022) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

Les œuvres cinématographiques offrant si peu de concessions à la joie de vivre sont rares. C'est peut-être d'abord pour cela que Megalomaniac de Karim Ouelhaj est si précieux. La Belgique, ce Plat Pays conté dans nombres de chansons et qui parfois fait la une des journaux jusque dans l'hexagone et qui accoucha dans les années quatre-vingt dix d'un tueur en série insaisissable demeurant encore de nos jours inconnu. Surnommé le Dépeceur de Mons par la presse locale, l'individu se rendit responsable de cinq meurtres de femmes dont les corps furent retrouvés découpés, enfermés dans des sacs-poubelle et dispersés dans la nature entre le 21 janvier 1996 et le 18 octobre de l'année suivante. Une cellule du nom de Corpus entièrement dédiée à cette affaire est alors créée mais le manque d'effectifs et de moyens ne permettront pas de mettre un nom sur l'assassin de ces femmes âgées entre vingt-deux et quarante-trois ans. Pour son cinquième long-métrage, le réalisateur et scénariste liégeois ne fait absolument pas dans la dentelle. Le titre de son dernier film repose moins sur le concept de narcissisme que sur celui d'emprise mentale et physique du tueur sur ses victimes. Le pouvoir de vie et de mort qu'exerce l'assassin n'est pas sans rappeler les œuvres précédentes de Karim Ouelhaj pour qui la question des violences faites aux femmes est primordiale, comme une litanie qui persévère dans le cinéma du belge quel que soit le thème abordé. Ici, la quintessence est atteinte à travers le portrait de ce curieux couple formé à l'écran par Eline Schumacher et Benjamin Ramon. Dans le rôle de Martha, une femme de ménage employée dans une usine, et dans celui de son frère Félix, dont le plus gros des journées semble être exclusivement consacré à la traque et au meurtre de ses victimes, les deux interprètes incarnent des individus saisissants. Megalomaniac s'inspire donc très librement de l'affaire du Dépeceur de Mons puisque comme dans la réalité, Félix dépèce et disperse le corps de ses victimes dans la nature. Les similitudes entre le fait-divers et la fiction semblent par contre s'arrêter à ce sordide détail.


Et puisque l'on ne sait rien sur les origines du véritable tueur, Karim Ouelhaj invente au sien un passé traumatique. D'une noirceur et d'une violence inouïes dont rien de positif n'émerge, pas même cette hypothétique passion qui étreint le couple sœur/frère (symbolisée par un fantasme incestueux visuellement remarquable), le long-métrage de Karim Ouelhaj offre un spectacle dont la beauté est en partie façonnée par les horreurs commises par Félix mais aussi grâce à l'admirable travail effectué par le directeur de la photographie François Schmitt. Teintes névrosées à l'image d'une héroïne tourmentée par son apparence, par les actes ignobles perpétrés sur elle par ses infâmes collègues de travail mais aussi sans doute par les crimes commis par son frère (on ne sait pas pendant longtemps dans quelles mesures Martha est au courant des agissements de son frère), Megalomaniac afflige à la quasi totalité de ses protagonistes des tares particulièrement gratinées. Car en dehors de Félix et de sa sœur, la liste des ''monstres'' à visage humain les réduit à l'état de bêtes immondes. À commencer par l'acteur liégeois Pierre Nisse qui dans le rôle de Luc s'inscrit dans la parfaite démonstration du pervers misogyne, violant et humiliant à répétition Martha sur son lieu de travail. Assez narcissique sans doute pour ne pas voir le piège qui se refermera sur lui et ses deux ''complices''. Quentin Lasbazeilles qui dans la peau du collègue de Luc est le toutou du sombre individu, contraint de suivre les pas de son ''maître'', choisissant la sodomie comme terrain d'exploration du corps de la femme. Et puis, il y a Jérôme (l'acteur Wim Willaert que j'eus le plaisir de découvrir pas plus tard qu'hier dans l'excellente comédie noire Music Hole de Gaëtan Liekens et David Mutzenmacher). Témoin muet des sévices endurés par Martha, il ira rejoindre les deux autres sur le terrain de la vengeance organisée par la jeune femme et son frère. Joyau brut et mare putride dans laquelle s'enfoncent irrémédiablement les personnages, grandeur visuelle de la putrescence, incarnations habitées, mise en scène au cordeau, Megalomaniac est un choc cinématographique dont son auteur volerait presque la première place à son compatriote Fabrice du Welz qui dans la noirceur et le désespoir est l'un des maîtres-étalons du septième art. Bref, une claque à découvrir de toute urgence...

 

1 commentaire:

  1. Dire que si j'avais ta productivité et même si mes chroniques relatent chacune deux ou trois films, j'en aurais déjà terminé avec mon blog... :-)
    Tiens, je t'ai croisé sur le Deblocnot' (sur un article mis en ligne par erreur, effacé puis remis en ligne, sans les commentaires), où il m'arrive d'intervenir (incognito), même si je ne suis pas très amateur de leur ligne éditoriale.

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