'' Lui, c'est Francis.
Il a quarante-huit ans. Et s'il est en train de chier dans un sachet,
hein, c'est pour se venger ''. C'est en ces termes que démarre
l'intrigue de Music Hole,
premier long-métrage réalisé conjointement par Gaetan Liekens et
David Mutzenmacher. Un accent à couper au couteau (celui du
narrateur Guy Staumont) accompagnera durant tout le récit les
aventures de ce comptable travaillant pour le compte de René
(l'acteur Frédéric Imberty), propriétaire d'un cabaret où se
donne en spectacle le beau Rudy le Rude (Anthony Lewis) et où
travaille Nadia (Hande Kodja), une jolie blonde follement éprise de
Francis. Music Hole
oscille en permanence entre comédie noire et humour carrément
trash. Imaginez donc : éperdument amoureux de sa femme Martine
(l'actrice française Vanessa Guide), Francis (le belge flamant Wim
Willaert) tente de reconquérir son cœur. La pauvre finira pourtant
la tête enfermée dans le congélateur du couple avant de se
retrouver dans le coffre d'une voiture appartenant à un tueur à
gages extrêmement pointilleux ! Le mari se retrouve forcément
soupçonné de la disparition de son épouse et part se réfugier
chez son ami Gilbert (Sacha Bourdo), un manouche qui vit dans une
caravane. Et avec lequel il a d'ailleurs organisé le vol de la
recette du jour enfermée dans le coffre du cabaret où il travaille
afin de rembourser l'argent qu'il doit à Rudy. Un beau bordel que ce
synopsis issu du script écrit par David Mutzenmacher lui-même mais
dont l'étrange organisation à l'image et le montage apparemment
désordonné sont tempérés par les commentaires du narrateur. Le
sentiment que les feuillets du script ont été réunis dans le
désordre après s'être envolés sur un coup de vent n'est pas
qu'une impression. Passé récent et présent se confondent,
s'amalgament et produisent ce même élan de grand délire foutraque
que semblent volontairement mettre en œuvres de leur côté auteurs
et interprètes. N'allez donc surtout pas vous vider la vessie ou
prendre une autre bière dans le frigo durant la projection, vous
risqueriez de vous perdre dans les méandres du scénario. Ensuite,
Music Hole
est tout simplement jouissif.
Le
spectateur ivre de ce genre de production ne peut qu'adhérer aux
personnages, tous hauts en couleurs, partant du simple agent de
sécurité incapable d'assurer sa fonction, jusqu'au propriétaire de
cabaret féru de perroquets, en passant bien évidemment par Francis,
le mari nouvellement veuf, le duo de tueurs à gages (la dinguerie de
Tom Audenaert dans le rôle de Fabianski est totalement
communicative), la maîtresse un brin nymphomane ou encore le
comédien raté mais néanmoins narcissique... Un clochard dégueule
sur le capot d'une voiture avant de voir sa cervelle s'étaler sur le
pare-brise. Une tête est retrouvée tranchée parmi les détritus
d'une usine de traitement des déchets. Un type meurt d'une overdose
lors d'une représentation théâtrale. Un tueur en série caresse la
poitrine d'un corps découpé en morceau et enfermé dans le coffre
d'une voiture. Y'a pas de doute. Nous sommes bien au Plat Pays que
chantait Jacques Brel section ''Comédie
noire''.
L’œuvre est unificatrice est fait en permanence fi de toute
bienséance. Le film est si bien tordu que l'on pourrait imaginer,
pourquoi pas, qu'il s'amuse à faire la nique aux néo-féministes
lorsque la jolie blonde Nadia se fait sauter sur un coin de table.
Emmerde les antispécistes avec son directeur de cabaret consommateur
invétéré de perroquets. Envoie chier les pères la morale
anti-racistes avec son asiatique incapable d'imiter l'accent chinois.
Ne s'insurge jamais face à certaines incohérences ou illogismes du
récit. Et le spectateur reprend alors du plat de résistance en
l'agrémentant à toutes les sauces, fromages et desserts se
consommant au début, au milieu ou
ET à la fin du repas ! À une époque où certains s'endorment
sur leurs lauriers et où d'autres sont davantage préoccupés par
leur sélection au festival des Connes ou aux Esquarres plutôt
qu'aux qualités concrètes de leur travail, Music
Hole
est un cinéma libre de toutes contraintes comme seule ou presque la
Belgique est capable et ose en produire. N'en déplaise à certains
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qui pourtant devraient être les premiers à se ruer sur ce véritable
Objet Filmique Non Identifié, le film de Gaetan Liekens et David
Mutzenmacher a eu le succès critique qu'il méritait... C'est
décidé : la semaine prochaine j'entreprends les démarches
pour demander ma naturalisation en Belgique !
"... au festival des Connes ou aux Esquarres"
RépondreSupprimerExcellent ! Mais tu voulais sans doute dire "escarres" (même si "esquarre" existe aussi, c'est un insecte) ? Bon, la jaquette ne fait pas trop envie mais il semble qu'il faille passer outre. Moi de Belgique, j'avais beaucoup aimé "Dikkenek", que je possède, d'ailleurs, bien qu'il passe souvent à la télé.