Le phénomène des
infectés semble être tombé dans une sorte de boucle scénaristique
qui ne lui permet d'évoluer que très parcimonieusement. Il faut
alors tout le génie d'une mise en scène pour faire oublier que le
spectacle que l'on découvre à l'écran n'est qu'une éternelle
resucée d'un script maintes fois réinterprété. Pourtant, il en
est qui parviennent à reprendre le concept et à le remanier de
telle sorte que l'espoir de voir s'y greffer de nouvelles idées
persiste. C'est l'un des sentiments profonds que laisse derrière
elle la projection de The Last Girl – La fille qui a tous les
dons.
Un long-métrage dont a priori l'originalité ne dépasse pas le
cadre du titre et dont la conception va cependant s'avérer payante.
Très intelligemment pensé, le scénario de l'écrivain britannique
M. R. Carey repose sur son propre roman The
Girl with All the Gifts
paru
en 2014. Son adaptation sur grand écran paraît bénéficier d'un
certain engouement de la part du public avide de science-fiction
post-apocalyptique couplée à cette descendance du phénomène de
zombies ou de morts-vivants que l'on nomme infectés et qui fait
recette depuis de nombreuses années. De l'obscure objet filmique,
fauché, zédifiant, que seul le fan absolu du genre dénichera
autour d'une édition au format physique, en VOD
ou plus malhonnêtement en le téléchargeant, jusqu'à la grosse
production gavée en billets verts (World War Z
de Marc Forster en 2013) mais pas forcément mieux lotie en matière
d'écriture et de mise en scène. La concurrence est pourtant parfois
très rude et il faut parfois voyager très loin jusqu'en Asie pour
trouver d'authentiques perles du genre (Dernier
train pour Busan
de Sang-ho Yeon en 2016), certain s'emparant même chez nous du
phénomène pour en proposer une alternative moins sérieuse et donc
moins anxiogène (Problemos
d'Eric Judor en 2017). Mais de ces centaines de productions plus ou
moins aisées et plus ou moins réussies, quelles sont celles dont la
légende aura retenu le nom ? Peut-être The
Crazies
de George Romero pour sa portée historique (sorti en 1973, il est
l'un des films, (peut-être involontaires), à l'origine du concept)
? 28 semaine plus tard
de Juan Carlos Fresnadillo pour ses indéniables qualités
esthétiques ? Oui, sans doute. Mais de manière tout à fait
inattendue, l'une des plus grosses claques des dix dernières années
dans ce domaine risque de demeurer The Last Girl
– La fille qui a tous les dons de
Colm McCarthy. Un réalisateur britannique dont avant cela nous ne
savions pas grand chose. Une profusion d'épisodes de séries
télévisées, un premier long-métrage d'horreur projeté sur grand
écran en 2010 (Outcast),
et puis retour au petit écran jusqu'à ce qu'en 2016 les amateurs
d'horreur et de fantastiques et même, pourquoi pas, le reste du
public, puissent bénéficier de l'adaptation du roman de M. R.
Carey. Et là, franchement les amis, c'est la claque...
D'où viennent-il et où allons-nous ?
The Last Girl –
La fille qui a tous les dons, c'est
un peu le concept du jeu vidéo façon The
Last of Us
(2013) remis au goût du jour en salles obscures. Des environnements
qui se diversifient, épargnant ainsi à la rétine de trop
s'habituer aux mêmes décors. L'intrigue débute effectivement dans
un complexe scientifico-militaire souterrain à la manière de Day
of the Dead
de George Romero avec lequel le long-métrage de Colm McCarthy
partage un autre point commun : en 1986, George Romero tentait
d'humaniser les morts-vivants à travers le personnage de Bub sur
lequel pratiquait des expériences le docteur Matthew
''Frankenstein'' Logan. Dans le cas de The Last
Girl – La fille qui a tous les dons,
le principe est revu sur le mode de ''l'expérience en batterie''
puisque de jeunes enfants infectés de seconde génération sont
regroupés et sont la cible de tests menés par le docteur Caroline
Caldwell (l'excellente actrice américaine Glenn Glose). Attachés
des pieds à la tête sur des chaises roulantes, dénués de tous
symptômes visibles révélant la présence dans leur sang une
variante du virus fongique Ophiocordyceps
unilateralis,
ils et elles sont drastiquement surveillés par des soldats
lourdement armés. L'institutrice Helen Justineau (Gemma Arterton)
leur enseigne les matières scolaires et semble très proche de la
jeune Melanie (Sennia Nanua). Mais un jour, la base est envahie par
une horde d'infectés contraignant l'adolescente, l'institutrice, le
docteur Caldwell le Sergent Eddie Parks (Paddy Considine) et
quelques-uns de ses hommes de prendre la fuite. Leur objectifs :
rejoindre la ville de Londres. D'une richesse inouïe, The
Last Girl – La fille qui a tous les dons
accorde autant d'attention au récit qu'à ses personnages.
Parfaitement campés et surtout merveilleusement bien caractérisés,
même le plus ambigu des protagonistes s'avère au fond attachant.
Colm McCarthy et toute son équipe nous font voir du pays. Entre la
base militaire et son laboratoire de recherche, la campagne alentour
et des cités que la nature s'est réappropriée, le long-métrage
mélange également les genres. Horreur, science-fiction
post-apocalyptique, action et combats s'entremêlent avec une
étonnante cohérence. Surtout, Colm McCarthy et son scénariste
évitent de traiter certains personnages avec le mépris qui leur
incombe en général dans ce genre de sujet. Non, le docteur Caroline
Caldwell n'est pas un monstre de froideur dénué de toute morale et
ça, l'actrice Glenn Close l'a bien compris et adopte une attitude
parfois déconcertante. Et non le sergent Eddie Parks et ses hommes
ne sont pas qu'une somme de muscles et de testostérones sans
cervelle. Possédant une identité qui lui est propre, The
Last Girl – La fille qui a tous les dons
a de plus la fameuse idée d'évoquer une évolution de la maladie
que l'on rêve déjà de voir exploitée dans une hypothétique
séquelle. Émouvant, gore, angoissant et ponctué de quelques pics
d'humour, il s'agit là rien moins que de l'un des meilleurs films
d'infectés ayant vu le jour depuis la naissance du genre...
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