Dix ans après
l'excellent Bad Boy Bubby,
le réalisateur néerlandais Rolf de Heer revenait en 2003 avec
Alexandra's Project.
Entre-temps, il pris le temps de réaliser cinq longs-métrages parmi
lesquels le film de science-fiction Alien
Visitor.
Preuve s'il en est que Rolf de Heer a choisi de ne pas se contenter
d’œuvrer dans un genre unique mais d'approcher différents styles
et courants dont le thriller et le suspens qui eux sont les
ingrédients essentiels de son dixième long-métrage. De loin, et
même de très loin, Alexandra's Project
reprend le concept de ces longs-métrages horrifiques dans lesquels
interviennent des tueurs sadiques dont le sport favori est de
séquestrer dans des caves insalubres de pauvres jeunes femmes
innocentes auxquelles ils font subir les pires outrages. Dans un
autre ordre d'idée, le film évoque également ceux mettant en scène
des représentantes de la gente féminine bien décidées à prendre
leur destin en main en se vengeant de leur tortionnaire. Si dans le
fond, on retrouve un peu de tout ce qui enrobe le concept du Rape
and Revenge
ou celui du Torture-Porn,
le néerlandais a l'intelligence de ne pas reproduire ce dont ont
abusé avant lui de nombreux réalisateurs en manque d'inspiration.
Sans une seule goutte de sang, sans brutalités physiques, sans la
moindre crise d'hystérie, Rolf de Heer préfère à l'hémoglobine,
travailler sur l'aspect psychologique de ses personnages et
développer un sadisme qui ne fait appel à aucun autre artifice que
l'emploi de la parole. Tout le film tournant autour des personnages
de Steve qu'interprète l'acteur Gary Sweet et de son épouse
Alexandra (l'actrice Helen Buday), l'action se déroule en un
espace-temps réduit à son strict minimum. Passées les quelques
séquences située dans les bureaux de la société dans laquelle
l'époux et père de deux enfants attentionné vient d'obtenir une
promotion, le reste du film s'étale sur une partie de la soirée et
dans le salon de la demeure de cette petite famille apparemment
irréprochable...
L'une
des grandes forces de Alexandra's Project
et de son réalisateur est d'être parvenus à caractériser l'un et
l'autre des personnages, permettant ainsi à chacun de s'identifier
soit à Steve, soit à Alexandra. Le concept est simple : Alors
qu'il s'attend à être accueilli par ses enfants, son épouse et
leurs amis invités afin de fêter son anniversaire, Steve découvre
que les serrures de leur jolie maison ont été remplacées. À
l'intérieur règne un certain désordre et aucun éclairage ne
fonctionne. Quant à Alexandra et leurs enfants, ils semblent avoir
disparu. L'attend pourtant dans une pièce où on été disposés le
téléviseur du salon et un fauteuil, un petit paquet-cadeau. À
l'intérieur, une cassette-vidéo qu'il s'empresse de glisser dans le
magnétoscope pour y découvrir que sa femme et leurs deux enfants se
sont enregistrés afin de lui souhaiter son anniversaire. Si tout se
déroule de manière relativement classique, une fois qu'Emma et son
frère ont quitté la pièce, Alexandra décide de faire quelques
mises au point concernant le couple qu'elle forme depuis des années
avec Steve. Et c'est là que les choses se corsent. Ayant maintenu
jusque là un suspens particulièrement angoissant, on pourrait
craindre dès lors que Rolf de Heer ne tombe dans une certaine
routine. Sauf que son scénario demeure si bien ficelé que ce qui
pourrait ne ressembler qu'à un règlement de compte par
cassette-vidéo interposée s'avère être d'une perversité à
toutes épreuves. Assis dans son fauteuil, passant de la bière au
whisky, fumant cigarette sur cigarette, Steve découvre la véritable
personnalité d'Alexandra. Mais ce que laisse en supposer
arrière-plan le film est cette incertitude qui fait douter le
spectateur et le laisse dans l’expectative durant une grande
majorité du récit...
Il
n'est nul besoin en effet d'être misogyne ou macho pour évoquer
l'éventualité selon laquelle le problème pourrait directement
provenir de l'épouse et non du mari. En distillant au compte-goutte
les éléments mettant Steve en porte à faux vis à vis du
comportement qu'il a souvent adopté envers Alexandra, tout en
caractérisant celle-ci sous la forme d'une épouse et mère de
famille dépressive, la lumière mettra un certain temps avant de
nous éclairer réellement sur le statut de ''despote'' de l'un ou de
l'autre. Comme Steve semble incapable de mettre un terme aux images
d'une Alexandra délivrée de ses pesantes entraves, le spectateur
aura lui aussi bien du mal à mettre Alexandra's
Project
sur pause, curieux de découvrir les tenants et les aboutissants d'un
film beaucoup plus pervers qu'il n'y paraît. Le genre de sujet
inconfortable qui vous empêche de tenir sans bouger dans votre
fauteuil. Que les paroles et les actes de l'un justifient ou non ceux
de l'autre, on sort de l'expérience sans être tout à fait certain
du camp que l'on aura choisi entre Steve et Alexandra. Tandis que
chacun des deux principaux interprètes joue son rôle à sa manière
(lui est prostré dans une attitude abasourdie, elle se met
littéralement à nue devant la caméra), le film prend le spectateur
en otage. On sort de la projection intellectuellement essoré et les
doigts exsangues à force d'être demeurés durant tout le récit,
les poing serrés...
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