Curieux que ce second
long-métrage d'Alain Jessua qui ne déroge finalement pas ici à
l'habituel spectacle hors du commun auquel il nous habituera le long
de sa carrière constituée de neuf longs-métrages seulement. La
rencontre entre un mythomane immature et un couple formé d'un
écrivain et de son épouse dessinatrice. Deux époux qui ont bien du
mal à boucler les fins de mois et qui acceptent contre mauvaise
fortune bon cœur de venir s'installer dans la luxueuse demeure
suisse de ce menteur patenté qui s'est inventé une histoire
personnelle intégralement liée aux ouvrages publiés par l'auteur
de bandes-dessinées dont il est un adorateur.
D'où cette exploration
psychédélique et un brin foutraque. Cette déviance psychologique
qui réunit des êtres qui chacun à leur manière explorent la
fiction pour s'en faire une réalité propre. Car si la mythomanie
est pour le personnage de Bob Neuman, incarné par l'acteur français
Michel Duchaussoy, une profession de foi, idéalisant ainsi sa propre
(et morne) existence de pseudo-châtelain, le personnage que crée
Pierre Meyrand (Jean-Pierre Cassel) est-lui même issu d'un
imaginaire. Bref, d'un mensonge colporté par l'esprit d'un artiste
qui pour vivre s'invente des personnages, des récits fictifs.
Le mensonge, chez les
Meyrand, est une nécessité. Celle de pouvoir manger, payer son
loyer, ses impôts, bref, vivre dignement. Chez Bob, la raison en est
tout autre. Gosse de riche, le canular que représente son existence
est la représentation intellectuelle d'un naufrage affectif. Pas
d'amis et pour seules amantes les prostituées d'un bordel, le
mythomane va se référer à l'artiste pour se construire une vie à
venir qui lui échappera ainsi qu'à ses nouveaux amis, Bob et
Jacqueline. La réalité prend peu à peu ses jambes à son cou,
laissant place nette à un univers virtuel que le fragile Bob va
tenter de faire prendre forme dans le monde réel. En réalisant son
œuvre de manière psychédélique (tant dans la bande originale que
dans sa manière de filmer) le cinéaste Alain Jessua l'enrobe, s'il
était utile d'en arriver là, d'une chape de plomb surréaliste qui
appuie davantage encore l'aspect improbable du récit. Pour ce faire,
il va jusqu'à créer ce personnage de papier et de crayons de
couleur, Le tueur de Neuchâtel. Substantielle moelle et
représentation concrète des dérives allégoriques dont sont
responsables chacun des personnages et qui, tous ensemble,
l'alimentent au point de lui faire prendre forme dans la vie réelle
sous la forme d'un Bob ne sachant plus vraiment distinguer le vrai du
faux.
Comédie noire sur fond
de solitude et de manipulation (la mère de Bob étant elle-même
prête à financer très chèrement les ambitions de son fils chéri),
Jeu de Massacre est une œuvre réjouissante qui
derrière son message, souffle un vent pop décalé. Les planches
psychédéliques sont l'oeuvre du dessinateur bruxellois Guy
Peellaert. Le jury du festival de Cannes en 1967
ayant reconnu les qualités du film d'Alin Jessua, Jeu
de Massacre y reçu le prix du
meilleur scénario original cette année là...
Merci beaucoup pour cette pepite ! Cheers
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