Avec Why don't you
play in Hell
(Jigoku de naze warui)
comme dans bon nombre de longs-métrages réalisés par le cinéaste
japonais Sion Sono, les personnages sont plongés dans une sorte de
vortex mêlant à peu près tous les genres dont l'auteur de Guilty
of Romance,
Extet,
The Land of Hope
ou Strange Circus
est coutumier. Ni véritablement film de série B, comédie, drame,
romance, action, horreur ou thriller tout en en employant la plupart
des éléments qui les composent, le long-métrage est comme
d'habitude un véritable moment de bravoure cinématographique comme
peu de cinéastes de part le monde osent et savent les mettre en
scène. Absurde semble être le maître mot de cet hommage au
septième art dans lequel l'on croise, au hasard, une troupe de
cinéastes amateurs attirés par la gloire et l'envie de tourner leur
premier véritable film, deux bandes rivales de yakuzas, une ancienne
''égérie'' de la pub pour dentifrice ou encore deux amoureux
transits. Sans argent, on l'aura compris, les premiers ne peuvent
faire aboutir leur projet. Quant aux clans yakuzas, ils mènent une
guerre interrompue par une trêve mais sont lancés dans un même
projet consistant à mettre la main sur Mitsuko (l'actrice Fumi
Nikaidô). Jeune femme qui après avoir tourné une publicité pour
une marque de dentifrice a bien grandi et s'est ensauvagée. Son père
rêve d’exaucer le rêve de son épouse qui depuis dix ans est
enfermée en prison après l'avoir sauvé d'une mort certaine
commanditée par son pire ennemi Ikegami (l'acteur Shin'ichi
Tsutsumi) et qui prévoit qu'à sa sortie de prison, Shizue
(Tomochika) pourra découvrir sa fille sur grand écran. Sion Sono
empiète sur le territoire de son compatriote Takashi Miike,
véritable électron libre à la filmographie longue comme le bras
d'un singe-araignée et pour qui les yakuzas sont un engrais qui a
permis à plusieurs longs-métrages de voir le jour. C'est donc avec
la même rage, la même puissance que Sion Sono exécute une
véritable prouesse technique en matière de mise en scène tandis
que le fidèle monteur Jun'ichi Itō (les deux hommes se sont tout
d'abord rencontrés sur le tournage de Comme dans
un rêve (Yume
no naka e
en 2005) fait preuve d'une énergie salvatrice dans son domaine en
accentuant un rythme déjà bien enlevé. Quentin Tarantino devrait
logiquement se retrouver dans cette œuvre où la Beatrix Kiddo de
Kill Bill
trouve son pendant masculin en la personne d'un acteur spécialiste
des arts martiaux reprenant les codes vestimentaires qui furent ceux
de l'acteur Bruce Lee dans Le jeu de la mort...
La
différence principale, ici, et c'est peut-être là que le bât
blesse très légèrement, se situe au niveau émotionnel qui encadre
les personnages du père et de sa fille. Les sentiments que partagent
les héros de ce récit hautement foutraque touchent moins qu'en
d'autres occasions et en d'autres lieux. Il est d'autant plus
regrettable de voir cet aspect du cinéma de Sion Sono être nivelé
par le bas qu'à certains endroits l'on se retrouve confronté à ce
sentiment de malaise et de grande pudeur qui étreint des personnages
abîmés par la vie. Comme cette courte séquence lors de laquelle
Muto (l'immense acteur Jun Kunimura que l'on retrouve notamment dans
le cinéma de John Woo, de Takashii Miike, de Shin'ya Tsukamoto, de
Hideo Nakata, dans le démentiel The Strangers
(Gok-seong)
de Na Hong-jin ou, oui, dans le Kill Bill :
Volume 1
de Quentin Tarantino) retrouve son épouse au parloir. Une belle
émotion se dégage de ce passage pourtant bien trop bref. Le thème
des yakuzas faisant partie intégrante de l'histoire japonaise, il
était logique que Sion Sono s'attaque au genre, même sous le prisme
de la comédie joyeusement festive où le gore réservera de grandes
effusions de sang lors du dernier acte. Véritable plongée dans le
cinéma où la fiction et la ''réalité'' finiront par se confondre
lors d'un final absolument dantesque et jubilatoire, les multiples
sous-intrigues de Why don't you play in Hell
créent une multitude de ruptures de ton comme cela est très souvent
le cas chez ce chien fou du cinéma japonais. L’œuvre propose
cependant une ligne générale sur un ton humoristique qui désamorce
les séquences censées être parmi les plus éprouvantes. Que l'on y
passe de vie à trépas après avoir exprimé ses sentiments, qu'un
yakuza y relate sa passion légèrement ambiguë pour une gamine
devenue femme, qu'un homme mette tout en œuvre pour que son épouse
emprisonnée puisse vivre son rêve le jour de sa libération ou
qu'une bande de passionnés de cinéma parvienne à tourner l’œuvre
qui les fera entrer dans l'histoire, reconnaissons tout de même que
Why don't you play in Hell
est très léger et donc beaucoup moins grave que certains des
grands films que Sion Sono tourna jusque là...
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