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vendredi 12 mai 2023

Sans Filtre (Triangle of Sadness) de Ruben Östlund (2022) - ★★★★★★★★★☆

 


 

Adeptes de télé-réalité genre Koh Lanta, de la vieille émission Opération séduction aux Caraïbes ou de toutes celles mettant en scène de jolies naïades et de beaux adonis au quotient intellectuel de Kakapo (un oiseau originaire de Nouvelle-Zélande au pourcentage de neurones si faible qu'il est considéré comme l'animal le plus idiot de la planète), ce film est fait pour vous. Toutes proportions gardées bien entendu puisque seuls celles et ceux qui regardent ces programmes pour l'unique raison d'y voir des abrutis se chamailler et se taper dessus jouiront d'un spectacle relativement jouissif. Ce qui risque en revanche d'agacer les autres, celles et ceux qui se reconnaissent dans le portrait de dégénérés où la matière grise se situe au niveau de leur nombril, de leurs muscles ou de leur décolleté, est la vision qu'a choisi d'imprimer à ses personnages le réalisateur suédois. Car Sans filtre (ou Triangle of Sadness dont la signification renvoie vaguement à la zone située entre les sourcils et appelée ''ride du lion'') n'est pas tendre avec eux et se positionne d'emblée comme la critique d'individus parmi les moins chanceux... intellectuellement parlant. D'une part seulement, d'ailleurs, puisque l'on y croisera tout de même de richissimes hommes d'affaire et leur famille à bord d'un yacht de plusieurs dizaines de millions de dollars. Influenceurs, vendeur de ''merde'' originaire de Russie ayant eu l'opportunité de se lancer sur le marché de l'engrais au bon moment ou fabriquant d'armes, le dernier long-métrage du réalisateur suédois Ruben Östlund a le 'bon goût'' de nous projeter au centre d'un monde ou les petites gens de notre espèce ne peuvent survivre, au mieux, que sur les réseaux sociaux, en s'inventant une existence qu'ils ne connaissent (mal)heureusement pas dans la vie réelle... contraints de patienter dans la cale d'un bateau afin d'exécuter les désidérata des nantis. Les premiers, eux, sont des personnages d'une superficialité qui donne le tournis...   

 

Où le pognon est toujours l'arme ultime employée lorsqu'il s'agit de faire parler de soi ou d'écraser les autres. Le cynisme qui se dégage de Sans filtre se situe à la même échelle que les personnages incarnés par Charibi Dean et Harris Dickinson (les mannequins/influenceurs), le vendeur d'engrais Dimitry et son excentrique épouse Vera (respectivement, Zlatko Burić et Sunnyi Melles), ou cette vieille dame un brin sénile (l'actrice Mia Benson) qui se plaint que les voiles sont sales alors que yacht fonctionne à l'aide d'un moteur ! Influenceur ? Kezako ? Réponse : lorsqu'un terme n'appartient même pas à la banque de données interne d'un correcteur d'orthographe, on peut facilement imaginer à quel niveau d'intérêt pour ses concepteurs celui-ci se concentre. Tout en bas de l'échelle à vrai dire. Notons au passage que Zlatko Burić, qui dans le cas présent incarne un riche homme d'affaire bedonnant que la fortune permet de s'exhiber fut le génial Milo de la cultissime trilogie Pusher du réalisateur danois Nicolas Winding Refn. L'image léchée et idyllique (si tant est que l'on puisse concevoir les choses ainsi) de Sans filtre est contrecarrée par l'envie de  Ruben Östlund de tout déconstruire. Le bateau tangue et voilà que désormais, les valeurs s'inversent...   

 

Nous n'y voyons plus alors les bijoux qui dégringolent des cous adipeux des vieilles rombières mais le fiel que ces dames dégueulent à coups de vins et de plats à peine ingurgités dans des cascades de gerbe lors d'une séquence proprement hallucinante, prémisse de la tournure que vont bientôt prendre les événements. Notons également la présence de l'américain Woody Harrelson en commandant alcoolique. Un propension à l'ivresse qui ne s'explique pas ouvertement mais qui pourrait bien avoir un rapport avec cette relation forcée avec des individus assez méprisants pour lui ''voler'' la paternité du yacht à grands coups de billets verts. Puis le film bifurque vers une aventure exotique presque aussi sale que celle que vivent à chaque saison les participants de l'émission Koh Lanta. Où la revanche des ''petits'' à l'encontre des plus riches est consommée dès le premier poisson péché. Pour l'homme et la femme qui ont encore conscience qu'un fossé sépare le Bien et le Mal, qui demeurent capables de séparer le bon grain de l'ivraie et de juger la valeur de l'existence non pas en fonction de leur compte en banque ou du nombre de Followers qui les suivent sur les réseaux sociaux mais du bien qu'ils peuvent apporter à la communauté, le dernier long-métrage de Ruben Östlund est un petit bijou. Un défouloir permanent, quasi post-apocalyptique, un retour aux fondamentaux, imaginant même une résurgence de la période pré-historique. Le réalisateur remet ici les compteurs à zéro et signe une œuvre démente, maîtrisée, bref, une Palme d'Or à Cannes méritée...

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