Intègre jusqu'au bout
des ongles et de ses idées, Quentin Dupieux aurait pu saborder sa
carrière de cinéaste dès son second-long métrage (son premier,
Nonfilm
existant dans deux formats dont l'un est difficilement ''regardable''
de part sa rareté). Incompris, vomi, écrasé par le poids d'une
presse et d'un public qui n'y étaient sans doute pas préparés,
Steak
demeure pourtant cohérent dans une œuvre toute entière dévolue à
une conception de l'humour le plus décalé. Le cinéma, c'est cet
immense champ d'investigation que se partagent Blockbusters,
Chefs-d’œuvre, films Cultes, Nanars et autres Navets. Mais aussi
un nombre de plus en plus croissant de longs-métrages qu'il est
devenu commun de nommer sous l'appellation O.F.N.I's.
Et dont fait justement partie Steak
dont le titre, comme cela n'étonnera plus personne désormais, ne
résonne à aucun moment comme l'écho de son contenu. Combien de
critiques professionnels ou amateurs, planqués sous des pseudonymes
plus ou moins improbables regrettent aujourd'hui leurs propos ?
Sans doute ne le saurons-nous jamais. Toujours est-il que le second
film de Quentin Dupieux, célèbre pour être également l'homme qui
se cache derrière l'artiste musical Mr
Oizo,
n'est pas le genre de comédies pléthoriques soucieuses de brosser
les spectateurs dans le sens du poil. Non, et surtout pas parce que
le célèbre duo d'acteurs/humoristes Éric Judor et Ramzy Bedia fait
partie de l'aventure...
On
ne conseillera certainement pas au public de s'ouvrir à l'univers de
Quentin Dupieux en se penchant au préalable sur cet objet difficile
à catégoriser. Car si certains, parmi les plus ''ouverts'' d'entre
eux, y accédèrent immédiatement, d'autres furent sans doute déçus
de n'y voire poindre à aucun moment, cet humour qu'il est si aisé
d'écrire et de mettre en scène pour certains
scénaristes/réalisateurs, déclenchant avec facilité l'hilarité
du grand public. L'implication d'Éric Judor et Ramzy Bedia dans un
tel projet pourrait paraître comme une hérésie alors que leur
présence découle en réalité d'un choix authentiquement judicieux.
Ce duo de bouffons, capables de déclencher l'hilarité chez Charles
Nemes et sa Tour Montparnasse Infernale
ne
sont-ils pas autant à l'aise dans leur approche de l'humour chez
Quentin Dupieux ? La réponse est évidemment, oui. Comme la
présence de Jonathan Lambert y est des plus logique. Maintenant,
reste à savoir si la seule présence de ces trois là fut capable
d'engendrer suffisamment de rires pour opposer aux critiques
négatives, ce sentiment de faire face à une réelle purge
cinématographique...
Steak aura
eut le temps de mûrir, et le public avec lui. Reconnaissons tout de
même à son auteur, une prédisposition pour l'humour le plus noir.
Car dans le cas qui nous intéresse ici, Quentin Dupieux ne le ménage
pas et inscrit son œuvre dans une critique sociale satirique parfois
dangereusement inconfortable. Réalisateur, scénariste et en partie
auteur du score aux côtés de Sébastien Tellier (qui nous gratifie
de sa présence dans le rôle de Prisme, un homme se déplaçant en
fauteuil roulant) et de SebastiAn, Quentin Dupieux s'aventure sur des
thèmes vieux comme le monde (le harcèlement à l'école) et plus
récents, tels que la reconstruction personnelle, celle-ci passant
par une modification presque totale de l'apparence, ainsi que l'insertion dans le monde (si petit soit ce dernier). À travers Steak,
Quentin Dupieux semble vouer une fascination pour ce cinéma
américain et étudiant des années soixante auquel il imprime un
comportement individuel masqué sous l'apparence communautaire
défiant tout ce qui la différencie des autres. Les cinéphiles y
percevront peut-être également un certain engouement pour le
Clockwork Orange
de Stanley Kubrick même si à aucun moment, le cinéaste français
n'y consacre la moindre prouesse technique. Des sujets graves que le
cinéaste fusille d'un humour dominé par l'absurde, à tel point
qu'il aura donné l'impression que son projet lui a totalement
échappé. Et pourtant, s'il aura gagné ses galons de cinéaste
culte des années plus tard, Quentin Dupieux signait déjà l'une des
pierres angulaires d'une œuvre incroyablement cohérente...
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