Le cas du tueur en série
Ted Bundy a fait l'objet de nombreux documentaires et longs-métrages
de fiction. S'agissant de ces derniers, il continue à être une
manne pour les cinéastes qui régulièrement reviennent sur le
sujet. En 1986, le réalisateur Marvin J. Chomsky fut l'auteur de
l'excellent téléfilm Au-dessus de tout soupçon (The
Deliberate Stranger) avec dans le rôle du tueur, l'acteur
Mark Harmon. Depuis, plusieurs téléfilms et longs-métrages
cinématographiques ont vu le jour, pour le meilleur et pour le pire,
jusqu'au sympathique : Extremely Wicked, Shockingly Evil and
Vile
qui fut directement proposé dès le 3 mai 2019 sur la plateforme de
streaming Netflix.
Quant à No Man of God,
il s'agit de la dernière œuvre en date à avoir consacré son sujet
à ce tueur en série accusé d'avoir tué une vingtaine
d'adolescentes et de jeunes femmes bien qu'il fut soupçonné d'en
avoir assassiné un plus grand nombre. À travers la mise en scène
de No Man of God,
l'actrice et réalisatrice Amber Sealey à choisi une position bien
différentes des autres en mettant en scène son tueur non pas dans
le contexte des meurtres mais face à la relation qu'il entretint
avec l'authentique profiler américain Bill Hagmaier qui passa de
nombreuses heures aux côtés de Ted Bundy afin de tenter de
recueillir les aveux du tueur et de comprendre le sens de ses actes.
Une étrange relation va se nouer entre les deux hommes comme en
témoigne le film d'Amber Sealey. Fraîchement débarqué dans le
département des sciences comportementales connu aux États-Unis sous
le nom de Behavioral
Science Unit (BSU),
son responsable conseille au jeune Bill Hagmaier, le seul à se
porter volontaire pour aller interroger Ted Bundy, de faire très
attention à ce tueur mythomane et manipulateur que personne d'autre
dans le service ne veut plus rencontrer...
Alors
que la première rencontre entre Ted et Bill se déroule dans des
conditions difficiles, s'instaure au fil de leurs entretiens une
certaine confiance entre les deux hommes. Le film s'articule en
majorité autour des acteurs Elijah Wood et Luke Kirby, deux
interprètes absolument remarquables qui campent donc respectivement
Bill Hagmaier et Ted Bundy. Le premier interprète un profiler
apparemment inexpérimenté mais qui s'avère suffisamment
intelligent pour ne pas juger d'emblée l'homme qu'il a en face de
lui. Père de famille très croyant, il a devant lui un individu lui
aussi très intelligent, méfiant et manipulateur qui très
rapidement cherche à entrer dans sa tête. L'approche de la
réalisatrice Amber Sealy diffère des autres longs-métrages
consacrés à Ted Bundy car dans les faits, elle se limite aux
conversations entre les deux hommes. No Man of
God
situe donc en général son action dans une pièce nue à l'intérieur
de laquelle se trouve une table et rien d'autre. Un duel oppose alors
deux hommes dont les caractères divergent mais qui peu à peu vont
se ''rapprocher'' pour, semble-t-il parfois, s'entendre sur les
sujets qu'ils vont traiter. Sans jamais juger ni l'un ni l'autre de
ses deux personnages, la réalisatrice accouche d'une œuvre
remarquable et réaliste. Si l'on ne sait pas toujours en quels
termes le premier manipule celui qui se situe en face de lui afin
d'en tirer des informations, il semble avéré qu'une véritable
amitié se soit instaurée entre les deux hommes même si cette
apparente affection est la conséquence logique des nombreux
entretiens qui ont rapproché et l'un et l'autre des deux
individus...
Surtout,
on assiste avec No Man of God aux
méthodes de profilage de l'un de ses plus brillants représentants
américains tout juste arrivé au BSU,
un service spécialisé dans l'étude comportementale des tueurs
que créèrent en 1969 les profileurs Pat Mullany et Howard Teten.
Amber Sealey signe également une œuvre touchante, voire même
bouleversante puisque malgré les actes horribles perpétrés par Ted
Bundy, la réalisatrice parvient à le rendre touchant au point que
la conclusion de son œuvre s'avère absolument déchirante. Mis en
scène et interprété avec une intelligence rare, No
Man of God
est peut-être finalement la vision la plus intéressante du cas Ted
Bundy et des tueurs en série en général, lesquels fascinent on ne
sait pourquoi, le public. À moins que la réponse ne se trouve
justement ici, lorsque le tueur demande au profiler s'il serait
capable de tuer. En l'espace de cette seule séquence, tout le
travail de Bill Hagmaier et de tout ceux qui ont choisi d'exercer ce
métier ainsi que l'influence du tueur s'y expriment. De loin, la
relation entre le tueur et le profiler rejoint-elle celle entre le
docteur Hannibal Lecter et l'agent Clarice Starling du Silence
des agneaux
de Jonathan Demme. Sauf que dans le cas présent, l'histoire fut,
elle, authentique. Mais No Man of God
repose avant tout sur le concept développé par l'excellente série
télévisée Mindhunter
créée par Joe Penhall en 2017. Ceux qui suivirent avec assiduité
ses deux saisons apprécieront sans doute de découvrir les
formidables Elijah Wood et Luke Kirby dans ce qui demeure une
expérience assez troublante...
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