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jeudi 25 juillet 2019

Piercing de Nicolas Pesce (2018) - ★★★★★★★☆☆☆



Lorsqu'un long-métrage s'intitule Piercing, que son auteur est connu pour avoir réalisé l'étrange The Eyes of my Mother en 2016 et que son dernier-né est l'adaptation d'un roman de l'écrivain, scénariste et réalisateur japonais Ryūnosuke Murakami, auteur entre autre du percutant (et assez dégueu) scénario de Audition de Takashi Miike, on peut s'attendre à ce que Piercing soit tout sauf une promenade de santé. Dans le fond comme dans la forme, le second film du réalisateur Nicolas Pesce interroge tout en se refusant dans la majeure partie des cas, de répondre aux questions que pourraient éventuellement se poser les rares téléspectateurs errant dans les parages et tombant dessus tout à fait par hasard (ce qui fut en partie mon cas). Dire que Piercing est unique en son genre serait sans doute exagéré. Surtout pour l'amateur de cinéma extrême, trash, gore et dérangeant. L'autre public, celui qui se nourrit de pop-corn par poignées en se lobotomisant volontairement jour après jour et de manière scrupuleuse devant ces dizaines de blockbusters riches en CGI qui sortent sur les écrans risquerait quant à lui de rendre son repas du jour. On ne conseillera donc pas tout de suite au spectateur lambda de se plonger dans l'univers torturé de Nicolas Pesce. Du moins, pas avant qu'il ne se soit sevré devant des œuvres faussement crapoteuses mais ayant tout de même l'avantage de l'accoutumer avant le sabbat sadomasochiste auquel le cinéaste nous convie.

Sans doute vais-je un peu trop loin déjà dans le descriptif car certains pourraient être déçus de ne pas voir des litres de sang à l'écran. L'horreur, chez Nicolas Pesce, prend des chemins de travers psychologiques. C'est sans doute alors pourquoi l'impact y est sensiblement plus profond. Si dans sa chair, le spectateur ne peut s'empêcher parfois de ressentir un certain dégoût (ce qui semble tout à fait naturel et même, plutôt rassurant), c'est dans son âme qu'il éprouvera sans doute la plus grande difficulté à conserver tout son intégrité psychologique. Avec une infinie délicatesse, Piercing nous conte la curieuse histoire d'un homme, marié et père d'un tout jeune enfant, qui, allez savoir pourquoi, éprouve le besoin d'aller tuer une prostituée adepte de sadomasochisme. Même si de vagues visions laissent entrevoir un traumatisme lointain, rien n'est plus nébuleux que ce récit qu'un David Lynch dépressif aurait pu nous conter au temps de son cultissime et premier chef-d’œuvre Eraserhead. C'est ainsi que le bonhomme, Reed, incarné par l'acteur TRES habité Christopher Abbott, fait la connaissance de Jackie, superbe et envoûtante Mia Wasikowska, une jeune prostituée adepte de sadomasochisme. Reed a tout prévu. Il a réservé une chambre et a mimé plusieurs fois l'acte criminel qu'il s'apprête à commettre sur Jackie. Sauf que rien ne va se dérouler comme prévu et que le bourreau deviendra victime, et vice-versa...

J'avoue... concernant le scénario, on est proche du néant. Mais l'intérêt de ce huis-clos très étrange se situe ailleurs. Dans la relation qui naît entre ces deux individus ''borderline''. Entre attirance et rejet, on ne sait jamais où se situe réellement la frontière entre le jeu dans lequel Jackie se lance et les véritables intentions de celui qui a l'origine avait prévu de la tuer. Le climat est trouble, filmé dans des décors étriqués, sombres et dominés par des rouges malsains. L'actrice australienne d'origine polonaise s'amuse à séduire son hôte ET les spectateurs. Difficile de rester de marbre devant cette femme-enfant au sourire aussi attrayant qu'inquiétant. L'acteur américain Christopher Abbott n'incarne peut-être pas à lui seul LE schizophrène au cinéma, mais il s'avère tout de même convaincant. Son attitude à l'écran est d'ailleurs si étrange qu'elle participe au sentiment de malaise qui étreint forcément le spectateur peu coutumier de ce genre d'incarnation. Les Cinéphiles auront quant à eux l'agréable et inattendue surprise d'entendre quelques airs empruntés à quelques classiques du cinéma italien des années soixante-dix puisque l'on peut notamment entendre le thème principal du chef-d’œuvre de Dario Argento Profondo Rosso composé par le groupe italien Goblin ainsi que celui de Tenebrae, lui-même réalisé par le cinéaste italien et composé à cette occasion par Keith Emerson. Piercing est définitivement un drôle d'objet. Intriguant, parfois paresseux, mais à découvrir sans conteste...

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