Co-écrit en compagnie du
réalisateur et scénariste Nicolas Boukhrief, "Délicieux"
d'Éric Besnard est une œuvre consacrée à l'art de la table et à
la création du tout premier restaurant à l'aube de la révolution
française. Cependant, l'auteur de la purge "600 kilos d'or pur"
en 2010 ou du sympathique "L'Esprit de famille" il y a deux
ans prend des libertés avec le fait historique en inventant de
toutes pièces ses personnages. Le chef cuisinier Pierre Manceron qui
travaille dans les cuisines du Duc de Chamfort (l'acteur Benjamin
Lavernhe) est un pur produit de l'imagination de ses auteurs.
Admirablement interprété par Gregory Gadebois, il est accompagné à
l'écran par l'actrice Isabelle Carré dans le rôle de l'apprentie
Louise et par Lorenzo Lefebvre qui incarne quant à lui le personnage
de Benjamin, le fils de Pierre. Écœuré par le comportement
méprisant des invités du Duc de Chamfort lors d'un repas et ayant
refusé de s'excuser auprès d'eux pour leur avoir servi un met à
base de pommes de terre, Pierre et son fils son renvoyés des
cuisines du château et repartent vivre dans la demeure qui fut celle
du père du chef cuisinier désormais disparu. Là-bas, le père et
le fils y retrouvent une vieille connaissance en la personne de Jacob
(Christian Bouillette que l'on retrouve avec beaucoup de plaisir) et
vont bientôt recevoir la visite de Louise qui rêve d'apprendre le
métier aux côtés de Pierre dont la réputation n'est plus à
faire...
Si les papilles des
spectateurs ne peuvent malheureusement pas être sollicitées
autrement qu'à travers l'idée des saveurs que peuvent transmettre
les divers plats servis durant le récit, il est en revanche
d'autres sens que le goût que "Délicieux" parvient à
titiller. L'ouïe tout d'abord, grâce à la très belle partition
musicale que l'on doit au compositeur Christophe Julien, fidèle du
réalisateur depuis de nombreuses années, également proche
collaborateur d'Albert Dupontel... En cuisinier hors pair, Gregory
Gadebois illustre ces artistes de la grande cuisine rigoriste mais
au fond, sensibles dans l'âme. Lorenzo Lefebvre est une véritable
découverte. Bien qu'étant en léger retrait vis à vis des deux
principaux interprètes, le jeune acteur fait preuve d'un talent
dans l'exécution de son texte qui force l'admiration. Isabelle
Carré reste fidèle à l'image que les spectateurs ont d'elle
depuis ses débuts de carrière d'actrice: talentueuse... Bien que
se déroulant dans des décors somptueux, parfois fastes ou plus
modestes, "Délicieux" délivre un message relativement
cynique de l'aristocratie vis à vis des petites gens auxquels elle
laisse bien volontiers ces mets préparés à base de produits
poussant sous terre. L'introduction est à l'image de cette distance
que prent la haute bourgeoisie qui après avoir complimenté le chef
pour sa cuisine "se doivent" de lui rappeler qu'il n'est
malgré tout qu'un représentant du peuple à leur service. Si le
propos reste difficile à avaler (un comble pour une œuvre sur le
thème de la cuisine), son exécution n'en est pas moins fort
réjouissante, le tableau nous présentant une aristocratie
exubérante, voire même décadente...
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