Diffusé le 29 avril
dernier à 21h dans l'unique salle de cinéma de Mirepoix en Ariège
(et dont on peut saluer l'excellente initiative de projeter de
nombreux long-métrages dans leur langue originale), Sergio and
Sergei
du cinéaste cubain Ernesto Daranas n'aura sans doute pas fait de
remous dans la presse spécialisée. Pourtant, ce quatrième
long-métrage du cinéaste originaire de La Havane mérite plus que
le simple mépris de ceux qui confessent avoir eu du mal avec
l'onirisme sous-jacent d'un récit pourtant inspiré d'une histoire
tout à fait authentique : celle du dernier cosmonaute de l'ère
Soviétique qui au lendemain de la fin de la Guerre Froide et de
l'effondrement de l'Union Soviétique se retrouve ''oublié''
par son peuple alors qu'il se trouve dans l'espace à bord de la
station MIR.
Alors
que la situation de son pays a changé, que Mikhaïl Gorbarchev a
démissionné et que Boris Eltsine s'apprête à devenir le premier
Président de la Fédération de Russie, dans l'espace, Sergeï
s'inquiète. Car il ne pourra sans doute pas revenir sur Terre à
temps pour fêter l'anniversaire de son épouse. Les fonds pour le faire redescendre sur Terre manquants,
il va être contraint d'accepter de prolonger son séjour dans
l'espace. Une situation périlleuse et compliquée qui va lui
permettre d'y prolonger sa présence, battant ainsi le record du
monde du temps passé consécutivement dans l'espace (un record qui
sera définitivement battu, du moins jusqu'à ce jour, par le
cosmonaute russe Guennadi Padalka le 12 septembre 2015).
Mais
plus encore que cet exploit, Ernesto Daranas décrit l'incroyable
relation entretenue à des milliers de kilomètres de distance par
Sergeï le cosmonaute, et Sergio, le professeur de philosophie
marxiste installé à Cuba. C'est tout à fait par hasard que le
cubain entre en contact avec le cosmonaute russe. Et c'est en tombant
sur la même fréquence radio que les deux hommes vont nouer une
amitié hors des frontières terrestres et spatiales. La chute de
l'Union Soviétique n'ayant pas uniquement eu de répercussions qu'en
URSS, Cuba ne devra plus compter sur le soutien économique de
celle-ci. Boycotté, Cuba vit replié sur lui-même. Sergio tente de
survivre dans un état ravagé, magnifié par un cinéaste amoureux
de son pays. Drôle, touchant et poétique, à la lisière du réel
et de l'imaginaire, Sergio and Sergei est
une petite folie dépaysante et historique qui ne laissera
certainement pas indifférents ceux qui aiment le cinéma ancré dans
la réalité et auquel ses auteurs aiment ajouter une note de poésie
naïve et tendre.
La
relation entre Sergeï et Sergio, magnifiquement incarnés par les
acteurs cubains Héctor Noas et Tomas Cao est éminemment touchante.
Bien que vivant dans des univers à mille lieues l'un de l'autre,
certaines de leur préoccupations demeurent cependant similaires.
Ernesto Daranas dresse le constat d'un Cuba sous écoute, Sergio
étant espionné et soupçonné par un certain Ramiro (excellent
Mario Guerra, sous les ordres de Lia, l'actrice Yuliet Cruz) persuadé
que ce professeur de philosophie collabore avec les États-Unis
(l'occasion de retrouver l'acteur américain Ron Perlman dans le rôle
de Peter). Tragi-comique, Sergio and Sergei
accède
peu à peu à ce grain de folie et de poésie qui émaille le cinéma
d'un Emir Kustirica ou d'un Sylvain Estibal (Le
Cochon de Gaza).
Il est également l'occasion pour Ernesto Daranas de mettre en avant
un Cuba ravagé mais divinement mis en image par le département
artistique tenu par Laila Colet et Maykel Martinez. Une très belle
surprise...
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