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vendredi 20 juin 2025

Le dernier souffle de Costa-Gavras (2025) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

Alors que deux propositions de loi sur la fin de vie et sur les soins palliatifs ont été examinées par l'Assemblée nationale en séance publique du 12 au 27 mai, le 12 février dernier est sorti en salle le long-métrage de Costa-Gavras, Le dernier souffle. Un cinéaste engagé qui à l'âge de quatre-vingt douze ans trouve encore la force d'aborder un sujet délicat, dans un contexte mortifère mais aussi et surtout humaniste. Ne nous trompons pas. La présence à l'image de l'acteur et humoriste Kad Merad ne doit pas nous faire oublier que le film s'éloigne drastiquement du caractère habituel des œuvres que l'ancien complice d'Olivier Baroux incarne. Ici, l'occasion de rire et de sourire se fait rare bien qu'un certain sens de l'humour permette parfois de désamorcer le climat de fatalisme qui touche à peu près tous ceux que les spectateurs auront l'occasion de croiser à l'écran. Kad Merad incarne le rôle du chef d'un service de soins palliatifs. Très proche de ses patients, le docteur Augustin Masset fait la connaissance de l'écrivain et philosophe Fabrice Toussaint qui après avoir subit une IRM croise la route de cet homme qui voue son existence à accompagner des patients en fin de vie. Le dernier souffle tourne donc principalement autour de ces deux personnages. Œuvre dans laquelle le sort des patients entre en résonance avec les inquiétudes de l'écrivain qui lui-même porte en lui les ''germe endormis'' d'une maladie qui pourrait hypothétiquement se ''réveiller'' et, dans le pire, le voir finir ses jours lui-même dans un service de soins palliatifs. Très loin encore de ce supposé postulat, le film est surtout construit autour de différents témoignages de patients livrés à travers la parole du spécialiste. Costa-Gavras prend le périlleux pari d'offrir à Kad Merad la difficile mission d'incarner un personnage formidablement proche de ses patients. Acteur généralement peu en accord avec ce que l'on peut attendre de lui lorsqu'il s'agit de transmettre de l'émotion à l'écran, il trouve cependant ici l'un de ses meilleurs rôles. Posé, sobre et impliqué, Kad Merad a surtout face à lui un Denis Podalydès toujours aussi exemplaire.


Le duo fonctionne à merveille et égaye d'une certaine façon un sujet qui a priori ne prête absolument pas à sourire. Adapté par le réalisateur lui-même, le script repose à l'origine sur l'ouvrage éponyme qu'ont écrit en commun l'écrivain, philosophe et haut fonctionnaire Régis Debray et le docteur Claude Grange, praticien hospitalier spécialisé en douleurs chroniques et soins palliatifs. Plutôt que de suivre en temps réel le quotidien du service du Docteur Augustin Masset, Costa-Gavras les met en scène lui et Fabrice Toussaint dans une succession ''d'anecdotes'', de témoignages relatant certains des cas les plus difficiles et touchants qu'ait eu à traiter le spécialiste. L'occasion de suivre comme si nous y étions, le quotidien de ces hommes et de ces femmes qui vouent leur existence à celles et ceux qui bientôt vont partir. Constitué de séquences qui peuvent être envisagées sous la forme d'histoires indépendantes les unes des autres tout en étant proches par la thématique qui les lie, Le dernier souffle s'avère parfois très pesant en ce sens où la Mort rôde véritablement autour de certains plans. Difficile en effet d'oublier la séquence entre Augustin Masset et Sidonie qu'incarne la formidable Charlotte Rampling. Cette manière subtile qu'a le cinéaste de la faire disparaître de l'image. Ou plus tard, ce point d'orgue lors duquel Costa-Gavras filme en plongée l'un de ses patients quelques heures avant sa mort, entouré des siens, modifiant sensiblement l'intensité lumineuse et rendant ainsi la séquence on ne peut plus bouleversante... Bref, l'on n'indiquera sans doute pas Le dernier souffle aux personnes en période de ''sinistrose'' au vu de son sujet et pourtant, le film vaut bien quelques sacrifices. Comme celui de mettre de côté sa peur de la mort ou de partir dans l'indignité physique ou morale... Notons la présence à l'écran de l'actrice Marilyne Canto qui incarne Florence, l'épouse de l'écrivain et philosophe. Si elle débuta sa carrière au cinéma en 1978 avec L'hôtel de la plage de Michel Lang, les plus anciens téléphages se souviennent sans doute d'elle pour sa présence dans la série Joëlle Mazart (la suite de Pause-café), série où l'héroïne était incarnée par Véronique Jannot et dans laquelle Marilyne Canto incarnait le rôle d'une véritable peste prénommée Béatrice...


 

mardi 16 août 2022

Sous le sable de François Ozon (2000) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

Sentir, voir, toucher ou entendre sont des facultés inestimables. Mais ce qui l'est peut-être encore davantage est cette aptitude à ressentir en soi des émotions. Celles-ci irriguent notre cerveau mais aussi notre corps tout entier. IMAX, 4DX, ces nouveaux systèmes qui permettent sur grand écran de vivre le cinéma beaucoup plus intensément que par le passé. Une alternative coûteuse (entre 15 et 20 euros dans le meilleur des cas) et qui, me semble-t-il, n'a pas encore été mis à disposition des foyers (rectifiez si je me trompe). Et pourtant, avec un peu d'ingéniosité et de patience, il est possible de vivre chez soi, de telles expériences. Mais alors, comment s'y prendre ? Faire comme aujourd'hui, par exemple. Et attendre que la pluie se décide enfin à tomber, comme elle s'est déclarée voilà une quinzaine de minutes. C'est dans ces conditions un peu particulières où le Soleil a disparu derrière les nuages et où le bruit de millions de gouttes tombant successivement sur le pavé dénigre tout besoin de silence que j'ai démarré la projection de Sous le sable de François Ozon. Son quatrième long-métrage seulement et pourtant, sans doute, l'un des plus riches émotionnellement et néanmoins des plus sobres. Dix ans avant qu'il ne surenchérisse dans la caricature et le théâtral avec son Potiche qui selon moi fut beaucoup trop surestimé, Sous le sable revient à ce climat particulièrement trouble qui gravitait autour de cette histoire simple que partageaient les deux interprètes féminines du moyen-métrage Regarde la mer. Énigmatique et empli de sous-entendus, le titre lui-même soulève des questions alors même que le générique d'ouverture n'a pas encore débuté. S'il pleut ici à grosses gouttes pour un temps indéterminé, le contraste avec ce qu'il adviendra de Bruno Cremer/Jean Drillon, disparu après s'être jeté dans la mer, renforce ce sentiment de malaise qui persiste autant que la moiteur du climat qui nous est imposé depuis deux mois. Point culminant (parmi tant d'autres) d'une œuvre profondément intrigante, la caméra de François Ozon pose un regard insistant sur celui de l'actrice britannique Charlotte Rampling...


Une Charlotte Rampling dont on ne célèbre d'ailleurs que très rarement la chaleur... Visage froid, presque de marbre, regard triste... François Ozon a pourtant su saisir ici toute sa beauté, la rendant ainsi plus rayonnante que jamais. Filmant l'actrice de manière obsessionnelle, la caméra, toujours elle, la cadre au plus près, sous tous les angles et dans des ébats amoureux puis sexuels terriblement voluptueux. Curieusement, Sous le sable projette l'image d'un long-métrage qui sera réalisé longtemps plus tard, en 2017 et aux États-Unis, par le cinéaste américain David Lowery. Car en effet, rien ne rapproche davantage A Ghost Story que le film de François Ozon avec sa thématique renversée dans laquelle ça n'est plus tant l'héroïne qui cherche à conserver l'image de son défunt mari mais le fantôme de ce dernier qui se détermine à demeurer dans l'entourage de sa bien aimée. Si David Lowery allait dix-sept ans plus tard tourner un drame ouvertement fantastique, François Ozon fait œuvre en 2010 d'une ambiguïté renforcée par la disparition avérée de l'époux dont la mort, elle, reste encore à déterminer. Car Sous le sable est d'abord et avant tout un vibrant et très puissant hommage à l'amour. Épaulé par Marina de Van mais également par Emmanuèle Bernheim et Marcia Romano à l'écriture, le réalisateur français signe un long-métrage profond, discret, sensible, touchant et se distinguant par une force d'évocation remarquable. Discrète, la partition musicale de Philippe Rombi, fidèle collaborateur de François Ozon depuis Les amants criminels réalisé un an auparavant, nuance au même titre que la mise en scène et l'interprétation un sujet éminemment grave porté par la sensibilité de chacun. Le cynisme coutumier du français s'efface derrière les sourires parfois inattendus de son héroïne qui ne semble pas se chercher de raison d'oublier celui que l'on suppose avoir disparu à jamais. Triple hommage à la passion, l'amour et son interprète principale, vingt-deux ans après sa sortie, Sous le sable demeure parmi les plus brillantes réussites de François Ozon...

 

mardi 18 janvier 2022

The Duchess de Saul Dibb (2008) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

D'emblée, faut-il le faire remarquer, The Duchess ne peut se concevoir que dans sa version originale. Ceci étant dû à ses origines britanniques et donc celle de ses principaux interprètes. Car alors, comment aborder autrement ce biopic dramatique consacré à un pan de l'existence de Georgina Cavendish, épouse du cinquième duc de Devonshire de 1764 à 1811 et amante du Premier ministre du Royaume-Uni de novembre 1830 à juillet 1834, Charles Grey avec lequel elle eut une enfant après avoir eu deux filles et un fils avec son époux ? À moins de demeurer indifférent à l'accent typique des habitants du Royaume-Uni ou d'accepter que l'interprétation de l'actrice Charlotte Rampling y soit confondue avec un doublage français ne rendant jamais grâce à son talent d'interprète, The Duchess demeure donc envisageable qu'en l'état. Saul Dibb, réalisateur et scénariste britannique dont il s'agissait ici du second des trois longs-métrages réalisé jusqu'à maintenant se dressent au milieu d'une carrière également consacrée à la télévision, signe une œuvre forte. Bénéficiant donc d'un soin tout particulier apporté à la reconstitution, entre costumes et architecture, The Duchess démarre cependant de manière relativement abrupte, sans finesse, laissant présager d'une relation très particulière entre le duc de Devonshire William Cavendish et celle qui sera sa première épouse. Sans être tout à fait cru, le récit n'a pour l'instant rien à voir avec le jeu de séduction qui, pour prendre pour élément de comparaison le film français de Bernard Borderie Angélique, marquise des anges, su séduire son public à travers son jeu du chat et de la souris...


Très rapidement résumés, les rapports entre le duc et son épouse (remarquables interprètes que sont Ralph Fiennes et Keira Knightley), on le devinera par la suite, ne sont que l'un des nombreux constituants d'une intrigue où se jouent des sentiments aussi riches que l'amour, la peine ou la trahison. The Duchess ne s'embarrasse pas de sous-intrigues insignifiantes ou embarrassantes (celle que l'on aimerait détester qu'interprète l'actrice Hayley Atwell s'avère bien plus élégante et réservée que ne pourrait le supposer durant un temps le spectateur) et s'attarde sur ce qui à n'en point douter se révèle être une véritable tragédie. Si montrer vos émotions ne fait pas partie de votre...''logiciel'', pensez bien à vous isoler lors de la projection car nul doute que le long-métrage de Saul Dib vous bouleversera. Cette magique émulsion qui parfois naît du rapport entre l'image et le son. Ici, l'interprétation des acteurs britanniques cités en amont et auxquels on ajoutera bien évidemment l'acteur Dominic Cooper qui quant à lui interprète le rôle de Charles Grey. Les décors flamboyants qui durant neuf semaines servirent à cette reconstitution historique. Entre la résidence des Devonshire qui depuis, n'existe plus, la ville thermale de Bath et sa très impressionnante bâtisse située dans la campagne vallonnée du sud-ouest de l'Angleterre et le Château de Chatsworth dans le Derbyshire.


Le remarquable travail effectué par le costumier Michael O'Connor. La photographie de Gyula Pados. Et puis, cet élément essentiel qui participe toujours de l'émotion qui se dégage de toute œuvre quelle qu'elle soit : la magnifique partition musicale écrite par la compositrice originaire de Haslemere au Royaume-Uni, Rachel Portman. Tout simplement bouleversante, la bande-son nous fait chavirer au grès d'une intrigue qui ne nous ménage pas un seul instant. Et pourtant, rien de commun avec ces longs-métrages qui choisissent en général de ponctuer certaines séquences d'actes de sexe ou de violence. Ici, ceux-ci demeurent sourds. Du moins, discrets, et révèlent au final ce que l'on ne pouvait soupçonner lors de la première demi-heure. Une certaine finesse dans la mise en scène et dans l'interprétation. Au point que même le plus cruel, et diront peut-être certains, le plus insensible, paraît au fond aussi humain que l'est son épouse. The Duchess a beau se référer à des faits historiques, il n'en demeure pas moins une véritable et très belle histoire d'amour qui va bien au delà, d'ailleurs, de l'impression la plus élémentaire qui tout d'abord s'impose à l'esprit. En témoignera une très belle séquence entre le Duc et son épouse lors de laquelle, toutes proportions gardées bien évidemment, nous retrouverons Ralph Fiennes avec cette même retenue qu'il incarna dans le chef-d’œuvre bouleversant de David Cronenberg, Spider...

 

lundi 27 septembre 2021

Dune de Denis Villeneuve (2021) - ★★★★★★★☆☆☆

 


 

Connu pour être l'un des romans de science-fiction les plus célèbres mais sans doute également parmi les plus ardus à lire et à adapter sur grand écran, Dune est à l'origine un roman de l'écrivain américain Frank Herbert. À vrai dire, l’œuvre ne se contente pas d'être un ouvrage unique mais un véritable cycle en six volumes poursuivit ensuite à partir de 1999 par le propre fils de l'écrivain ainsi que par Kevin J. Anderson. Au début des années soixante-dix, le réalisateur chilien Alejandro Jodorowsky, le réalisateur des films cultes El Top, La montagne sacrée ou Santa Sangre envisage d'adapter le roman de Frank Herbert. Un projet si ambitieux qu'il ne parviendra pas à le mener à terme. En résultat quarante ans plus tard, un passionnant documentaire intitulé Jodorowsky's Dune. En 1984 sort sur les écrans la première véritable adaptation du roman. Réalisé par l'immense David Lynch, le film se prend une volée de châtaignes de la part du public et des critiques. Un film de commande dans lequel on retrouve quelques gimmicks de l'auteur de Eraserhead, de Lost Highway ou de Inland Empire mais qui s'éloigne tout de même en grande partie de son style si personnel. Depuis, une partie du public semble ressentir un certain regain d'intérêt pour ce film dont certaines versions occultent volontairement le nom de son réalisateur au ''profit'' de Alan Smithee, pseudonyme bien connu utilisé par les réalisateurs qui ne désirent plus voir leur nom s'afficher au générique d'un projet qu'ils ont mis eux-même en scène. Depuis qu'est sortie en salle la version de Denis Villeneuve il y a quelques semaines, on n'a jamais autant évoqué la version de David Lynch. Si certains évoquent les prouesses de la version 2021, d'autres en revanche assurent que celle de 1984 lui est bien supérieure...


N'ayant pas lu le roman ni ses prolongements et n'ayant conservé qu'un très vague souvenir du long-métrage de David Lynch, c'est l'esprit vierge de toute référence (ou presque) et donc avec toute l'objectivité qui je l'espère me caractérise que j'ai décidé d'évoquer le Dune de Denis Villeneuve. Soit dit en passant, du réalisateur canadien, j'ai pu me forger une solide idée sur son travail puisque je n'ai jamais été déçu par aucun de ses longs-métrages que j'ai vu jusque là. Il y a a quatre ans, je doutais de son Blade Runner 2049 pour au final sortir de la salle totalement conquis. Au point même d'avoir eu envie de redécouvrir l'original de Ridley Scott, film pour lequel je n'avais jusque là conservé que très peu d'intérêt. Alors que la question se pose de savoir si la séquelle de Dune que devrait réaliser lui-même Denis Villeneuve verra bien le jour dans les années à venir, évoquons cette première partie. Nous sommes en l'an 10191. Le Duc Leto Atréides de la maison du même nom reçoit la visite d'un représentant de l’empereur Padishah Shaddam IV qui lui enjoint de prendre en charge l'extraction de l’Épice sur Arrakis en lieu et place du précédent intendant, le Baron Vladimir Harkonnen de la maison Harkonnen. Arrakis est une planète-désert sans eau mais à l'atmosphère respirable. L’Épice y est la seule ressource disponible sur place. D'une valeur inestimable, elle est sécrétée par des vers gigantesques et permet aux humains qui la consomment de prolonger leur existence. Cette précieuse richesse qui a fait la fortune des Harkonnen possède en outre d'autres formidables facultés. Après avoir promis au chef de la tribu Fremen Stilgar de ne pas empiéter sur son territoire du Sietch Tabr, Leto Atréides est victime d'une trahison. Sa concubine Dame Jessica ainsi que leur fils Paul, héritier de la Maison Atréides, partent cependant rejoindre le peuple des Fremens malgré les promesses du Duc...


Avec Dune, c'est forcément tout ou rien. Surtout pour les fans sans doute avides de trouver là une adaptation digne de leur épopée de science-fiction préférée. L'action se situe donc sur une planète balayée par des vents extrêmement violents sous les dunes de laquelle vivent d'immenses vers. Si Kenneth McMillan incarnait en 1984 un Baron Harkonnen adipeux, pustuleux, sadique et aussi effrayant que repoussant, l'acteur suédois Stellan Skarsgård n'a rien à lui envier. Méconnaissable sous son maquillage, par la magie des effets-spéciaux le voilà obèse, dénué de toute pilosité et nanti d'un goitre qui fait le tour entier de son cou et de sa nuque. Un vrai boogeyman de film d'horreur à la tête d'une bande de ''cénobites'' cruels et meurtriers. Le héros Paul Atréides est quant à lui interprété par le jeune acteur franco-américain Timothée Chalamet dont la carrière ne se résume pas qu'à une peau de chagrin puisque sa carrière semble s'être accélérée depuis le milieu des années 2010. Parfois théâtral mais plus généralement sobre, il convainc plutôt bien dans la peau de l'héritier de la Maison Atreides. Dans le rôle de sa mère, nous retrouvons l'actrice Rebecca Ferguson qui deux ans en arrière interpréta le rôle de la méchante Rose O'Hara dans le Doctor Sleep de Mike Flanagan. Production américano-américaine, Dune n'en devient pas moins le berceau d'un casting international puisqu'outre la présence du suédois Stellan Skarsgård, on retrouve l'acteur espagnol Javier Bardem dans le rôle de Stilgar ou l'actrice britannique Charlotte Rampling dans celui de la Révérende mère Gaius Helen Mohiam...


Celles et ceux qui espéraient retrouver la flamboyance visuelle de Blade Runner 2049 pourront être plus ou moins déçus puisqu'ici, tout ou presque est couleur de sable. Des teintes sobrement perturbées par quelques nuances de gris, de vert ou de bleu désaturés. Si cette première partie passe tout d'abord forcément par l'apprentissage de son jeune héros, le film n'en est pas moins doté de séquences épiques sublimées par la dantesque partition musicale de Hans Zimmer. Bien que l'aventure soit de prime abord plutôt complexe, les néophytes auront le plaisir de constater que le récit est parfaitement lisible et que Denis Villeneuve ne perd jamais ses spectateurs dans les limbes d'un récit par trop encombré de personnages primaires et secondaires. Dune est fluide, beau, violent, parfois homérique et pourvu de formidables effets-spéciaux dont une attaque assez remarquable des Harkonnen contre le camp des Atreides où sont stockées les réserves d’Épice. Malgré tout, le long-métrage de Denis Villeneuve semble dénué d'émotion. Un sentiment qui parcours le film de son ouverture jusqu'à son terme. Mais au delà de ce détail qui pourra avoir plus ou moins d'importance, le spectacle est là...

lundi 19 juillet 2021

Benedetta de Paul Verhoeven (2021) - ★★★★★★★★★☆

 



La dernière fois que je suis entré dans une salle de cinéma pour y découvrir une œuvre signée du réalisateur néerlandais Paul Verhoeven, c’était il y a presque vingt ans. Et contrairement à beaucoup de critiques et de téléspectateurs, j’avais aimé sans pour autant avoir été totalement séduit par son Basic Instinct. Après que Benedetta m’ait été vendu comme un film parcouru de nombreuses séquences filmées à l’horizontale entre Virginie Efira et Daphné Patakia, j’avoue être entré dans la salle avec hésitation. Mais comme un Verhoeven sur grand écran ne se refuse pas, et comme seule la comédie Présidents le concurrençait en ce dimanche 18 juillet à 13h30 au cinéma CGR de Narbonne, c’est ainsi donc que ma compagne et moi avons opté pour l’adaptation de Sœur Benedetta, entre sainte et lesbienne de Judith C. Brown. Sans connaître ni l’ouvrage ni même la vie personnelle de cette religieuse catholique italienne du dix-septième)) siècle, le film intrigue. D’abord parce que l’on sait le réalisateur capable de belles et grandes reconstitutions. Ensuite parce que l’on ne peut douter un seul instant que Paul Verhoeven y intégrera tout ou partie des éléments qui constituent son œuvre...


Deux heures et quart après le début du récit, une chose est certaine. Showgirls est loin, très loin de ce Benedetta qui, comparé à certaines des œuvres les plus crues de son auteur s’avère parfois tout en retenue. Très peu de scènes de sexe, aussi osées pourront-elles paraître dans l’esprit de certains, un peu de violence, chose essentielle dans l’esprit du néerlandais, mais surtout, un film qui interroge beaucoup sur l’authenticité du personnage incarné par une Virginie Efira éblouissante. Entre mysticisme, hystérie et manipulation, Paul Verhoeven ne cesse de faire douter le spectateur. Soeur Benedetta est-elle une mystique que ses nombreuses visions semblent confirmer? Son cas relève-t-il de la psychiatrie? Ou plus simplement s’agirait-il de manipulation? Le film évoque même l’hypothèse d’une possession diabolique...


Dans un cadre qui rappelle de loin le cas des Sorcières de Loudin retranscrit il y a plusieurs décennies par le réalisateur Ken Russell à travers l’incroyable Les Diables, il règne au sein de Benedetta un réel climat d’hystérie. Reconstitution réussie d’une Italie rurale du dix-septième siècle en plein désarroi en raison d’une épidémie de peste. Verhoeven signe le portrait saisissant d’une église en proie à des démons de tous ordres. Entre cris de plaisirs, hurlements de douleur, tortures, foi et trahisons, Verhoeven égratigne l’église en imposant quelques visions qui n’appartiennent qu’à lui. Brillant jusque dans la moindre incarnation (les deux héroïnes sont superbes, Charlotte Rampling et Lambert Wilson formidables), les costumes et les décors sont dignes de ceux du Nom de la rose de Jean-Jacques Arnaud. Atout essentiel, la bande son d’Anne Dudley (Art of noise) est d’une très grande puissance. Pas un seul prix au festival de Cannes mais un grand moment de cinéma...

lundi 16 octobre 2017

Portier de Nuit de Liliana Cavani (1974) - ★★★★★★★★☆☆



Je me rappelle ce lointain souvenir dans lequel, un soir, était venu se glisser sous la porte de ma chambre, le délicat parfum de l'interdit. Comme la plupart des enfants de mon âge, j'avais été invité à fermer les yeux, à m'endormir, et faire des rêves innocents tandis que les adultes veillaient jusqu'à une heure très tardive afin d'assister à ce qui allait devenir au fil des jours, des mois et des années, un fantasme de cinéphile inassouvi. Aujourd'hui, bien des années après, j'en suis à me demander ce qui a pu, à l'époque, pousser certains à classer X aux États-Unis, à censurer en Italie, ou simplement interdire aux moins de seize ans en France, Portier de Nuit de la réalisatrice italienne Liliana Cavani. Était-ce son imagerie nazie ? Ce très curieux hôtel qui arborait parfois les atours d'un bordel de luxe ? La nudité de son héroïne à peine parvenue à l'âge adulte ? Ou bien encore la relation que cette jeune femme juive allait entretenir plus tard avec celui qui fut son bourreau lorsqu'elle fut déportée du temps de l'occupation nazie ?
Même si les années ont effacé une bonne partie du potentiel dérangeant de la thématique évoquée dans Portier de Nuit, on devine les réactions du public face à un spectacle que d'aucun devait juger de déviant. Une relation sans doute incommodante et s'éloignant très largement des sentiers battus. Pourtant, Liliana Cavani ne s'évertuait pas à inscrire au panthéon des pires horreurs, son œuvre, aussi sulfureuse fut-elle.

Le portier de nuit de ce récit, c'est l'acteur britannique Dirk Bogarde, personnage qui, chronologiquement, avant de porter l'uniforme adéquat, endossa celui de nazi. Face à ce monstrueux conquérant génocidaire, une jeune femme, frêle... une enfant. Incarnée par la sublime Charlotte Rampling qui à l'époque, c'est à peine croyable, avait déjà tout de même vingt-huit ans alors qu'on lui en aurait prêté sans doute pas plus de quinze ou seize. De sa maturité amortie d'une bonne dizaine d'années, cela n'a sans doute pas empêché le public de voir en la relation qu'entretient son personnage d'abord contre son grès, ce que l'on ne nommait pas encore pédophilie. Adulte, Charlotte Rampling ? Indéniablement. Quant à Lucia Atherton, son incarnation, elle est d'abord aux yeux des censeurs, une enfant noyée au cœur d'un régime fasciste. Sa pureté ? Envolée, et avec elle ses illusions futures puisque d'épouse fidèle et intégrée dans la société (l'homme qu'elle épousera plus tard est chef-d'orchestre), elle deviendra la maîtresse esclave de Maximilian Theo Aldorfer, ancien nazi !
Lequel lui vola sa virginité. Lui fit goûter à des plaisirs charnels impropres à l'éducation d'une jeune fille de son âge. Lorsque l'un et l'autre se retrouvent à nouveau face à face en 1957, dans le hall d'accueil de l'hôtel où travaille le portier de nuit, c'est le choc. Différent de celui que connaîtront sept ans plus tard les anciens amants du chef-d’œuvre de François Truffaut, La Femme d'à Côté, mais tout aussi fort. Haine et amour. Attirance et répulsion. Difficile encore d'entrevoir la passion à venir dans ce décor chic sublimé par la photographie d'Alfio Contini. Si Liliana Cavani s'intéresse à d'anciens nazis cherchant par tous les moyens à faire oublier leur passé en éliminant tous les témoins, la réalisatrice italienne s'accroche avant tout à ces deux personnages. Une passion dévorante qui, à peu de chose près, et dans un cadre bien différent, ne s'éloigne pas tant que cela de la folie s'en prenant aux héros de La Petite Sirène de Roger Andrieux, avec Philippe Léotard et Laura Alexis. Une œuvre qui, peut-être davantage encore que Portier de Nuit, marque une frontière insolvable entre le monde de l'enfance et celui des adultes.

Avec les années, Portier de Nuit a perdu un peu de son caractère dérangeant. Mais en revanche, il a conservé et a même accentué une certaine forme de patine artistique. Charlotte Rampling paraît fragile et expose une beauté froide et enivrante. Dirk Bogarde assume un charme qu'il sublime davantage encore sous l'uniforme nazi que sous celui de portier de nuit. Moins outrée que l'amour et la mort ne pouvant se délier du cinéma d'un Andrzej Zulawski, la relation qu'entretiennent les deux héros pourra paraître aussi repoussante que sensuelle. Liliana Cavani s'autorise, de plus, quelques fulgurances aidées en cela par la magistrale partition musicale de Danièle Paris. Le danseur et chorégraphe italien Amedeo Amodio exécutant une danse devant un parterre d'officiers nazis et Charlotte Rampling chantant à moitié nue, toujours devant ces mêmes nazis dans un cabaret demeurent comme deux des moments forts de Portier de Nuit. Aujourd'hui, ce fantasme vieux de plus de trente ans est enfin assouvi. Débarrassé des craintes qui me semblaient fondées, je peux désormais me rendormir comme l'enfant que j'étais...

samedi 28 janvier 2017

Viva la vie de Claude Lelouch (1983) - ★★★★★★★☆☆☆



Le réalisateur, producteur, scénariste et cadreur Claude Lelouch réalise et propose en 1983 sa propre vision de l'abduction (enlèvement d'un individu par des extraterrestres, lequel est suivi généralement par une perte de mémoire et des séquelles consécutives à des expériences médicales effectuées sur la victime) ainsi que d'une rencontre du troisième type (contact direct avec des extraterrestres et en présence (ou pas) de leur vaisseau). Pour préserver tout l'intérêt de Viva la Vie et respecter le désir du cinéaste qui au début du film demande aux spectateurs de ne rien livrer de la fin de son œuvre à ceux qui ne l'auraient pas encore vu, je ferai donc en sorte de ne rien révéler qui pourrait gâcher la surprise. Dans le cas contraire, vous serez averti d'un message de spoil !
Sachez juste que Viva la Vie est à peu de chose près ce que l'on pouvait attendre d'un cinéaste pourtant peu (pour ne pas dire pas du tout) habitué à tourner des longs-métrages de science-fiction. Davantage une œuvre d'anticipation d'ailleurs puisque Viva la Vie implique des domaines beaucoup plus vastes que le simple passage d'individus extra-terrestres sur le sol de notre planète. Déjà à l'époque, Claude Lelouch touche un point qui aujourd'hui préoccupe enfin véritablement ceux qui veulent réellement préserver la planète ainsi que notre humanité (sans parler évidemment de la faune et la flore qui y règnent).

Tout commence comme une œuvre ante-apocalyptique, la radio diffusant un message d'alerte continu dénonçant l'éventuelle catastrophe à venir. Baisse des températures (cinq degré de moins par jour !), bouleversement du climat et conséquences terribles sur l'environnement. Obligeant chacun à se prémunir de la catastrophe à venir en construisant son propre abri souterrain. Comme l'important industriel Michel Perrin (Michel Piccoli) et son épouse Catherine (Charlotte Rampling) auxquels propose un entrepreneur de transformer leur piscine en abri. Pourtant, le projet sera très vite contrecarré par la disparition de Michel, un soir, sa voiture abandonnée sur le bord de la route. Michel, mais également Sarah Gaucher (Évelyne Bouix), la compagne de François (directeur de théâtre ? Metteur en scène ?), interprété par l'acteur Jean-Louis Trintignant, et qui elle aussi disparaît le même jour. Une disparition aussi mystérieuse que leur réapparition trois jours plus tard. Ils n'en conserveront tout les deux pas le moindre souvenir. Seul témoignage de cet événement « extraordinaire » relégué par toute la presse : une large cicatrice à l'arrière du crâne...
Avec des moyens simples, Claude lelouch entretient un véritable mystère autour de ce cas d'abduction. Tout comme il usera de moyens « précaires » pour mettre en images SA rencontre du troisième type. Un sujet servant, outre celui sur l'environnement, des préoccupations beaucoup plus terre à terre encore : le nucléaire en général, et l'armement nucléaire en particulier...

ATTENTION : SPOILER !!!


En réalité, Viva la Vie n'est pas du tout l’œuvre de science-fiction à laquelle elle pouvait prétendre au départ. Si le film conserve son aura de film d'anticipation, c'est dans ce complot fomenté par Michel et son ami restaurateur (mais pas seulement) Édouard Takvorian (Charles Aznavour). Les deux hommes vont effectivement s'engager (et avec eux, d'autres personnes) dans un processus permettant le désarmement des deux plus grandes puissances mondiales en terme d'armement à l'époque : les États-Unis et l'URSS.

FIN DU SPOILER !!!

Claude lelouch propose, après cette révélation incroyable remettant tout en question, un twist final encore plus inattendu mais que je préserverai cette fois-ci de tout résumé. Viva la Vie n'est peut-être pas un immense chef-d’œuvre, mais il demeure dans le paysage fantastique et d'anticipation du cinéma français des années quatre-vingt comme l'un des plus solides représentants. On retrouve comme à son habitude dans l’œuvre du cinéaste, quelques visages bien connus, tel Charles Gérard en chauffeur. Dans le genre, Viva la Vie demeure atypique, étrange, et je le répète, inattendu. En tout cas, un film à découvrir, d'autant plus qu'il ne fait pas partie des œuvres les plus connues de leur auteur...

mercredi 12 octobre 2016

Angel Heart de Alan Parker (1987)



Que peut-il y avoir de plus effrayant qu'un authentique film d'épouvante vous glaçant les sangs ? Une œuvre qui justement n'est pas à ranger dans la case 'films horrifiques' et qui par l'inattendue angoisse qu'elle génère démultiplie l'effet recherché. Un peu comme une scène d'amour torride au beau milieu d'un drame, d'un policier, ou d'une comédie et qui a beaucoup plus de chance d'attiser les braises que dans un vulgaire film érotique dont on connaît par avance le contenu. Si Angel Heart est dès le départ attendu comme un thriller moite et teinté de fantastique, nous ne sommes pas obligatoirement prêts à recevoir les innombrables scènes cauchemardesques qui y pullulent. On savait Alan Parker un esthète et l'on pouvait supposer que la présence de l'immense Mickey Rourke apporterait autrement plus de cachet à l’œuvre que n'importe quel autre acteur de l'époque. Mais ce qui saute tout d'abord aux yeux, c'est l'impressionnant travail visuel que l'on doit communément aux décors de Brian Morris et à la superbe photographie de Michael Seresin.

Les couleurs semblent s'être faites la malle pour une contrée plus optimiste que le New-York et la Louisiane qui nous sont dépeints ici de manière extraordinairement austère. Et même le folklore des rues en cette année 1955 ne parviennent pas à atténuer cette impression de fin du monde. Fanfares et danseurs de claquettes traversent des champs de ruines où reposent des cadavres frigorifiés sur lesquels les chiens abandonnés posent le regard un instant avant de prendre la fuite. C'est dans ce contexte moribond que le détective privé Harry Angel répond à l'appel mystérieux d'un avocat, Herman Winesap, qui pour le compte d'un certain Louis Cyphre lui propose de rencontrer son client. Un homme bien mystérieux qui va proposer à Harry de retrouver Johnny Favorite avec lequel il est en affaire et qui n'aurait pas donné de nouvelles de lui depuis les douze dernières années.

Harry Angel, c'est donc Mickey Rourke. Long pardessus en coton, cravate dépareillée, cheveu gominé et coiffure partiellement entretenue, barbe de trois jours, cigarette coincée entre les lèvres. Typiquement le genre de détective que l'on imagine justement rencontrer à cette époque. Les enquêtes que mène habituellement Harry sont à son image : minables ! Elles n'ont pas fait de lui un homme riche mais elles lui permettent de vivre, ce qui semble déjà pas mal pour un homme qui a connu la guerre et en est revenu avec pas mal de séquelles. Retrouver Johnny Favorite devrait être du gâteau pour Harry. Malheureusement pour lui, ce gâteau va avoir un goût amer. Plongeant dans un abîme sans fond, il va connaître sa pire expérience d'homme et de détective.

De New-York à la Louisiane, c'est partout pareil. Où qu'aille notre héros, c'est le même constat. Tout y sombre dans un inévitable chaos. Les morts pourchassent le détective comme des ombres. Lui collent à la peau au point que la police finit par le soupçonner d'en être le responsable. Chaque rencontre se solde par un échec. Alan Parker a le prodigieux sens du spectacle. Dès les premiers instants, on est saisi par la noirceur du propos. Tout commence par ce cadavre gelé qui semble regarder au dessus de lui. On n'avait pas vu d'aussi saisissants instantanés de mort depuis les cadavres eux aussi gelés de l'équipe norvégienne rencontrée dans le chef-d’œuvre de John Carpenter, The Thing. Face à Mickey Rourke, Robert de Niro. Imposant, barbu, les ongles longs, jouant avec une canne qu'Alan Parker aime nous montrer manipulée en gros plan. Louis Cyphre... Louis Cypher... Lucifer. Et comme il le dira lui-même plus tard plus pratique à faire passer que Méphistophélès. Anxiogène, Angel Heart l'est assurément. A tel point que même ce refuge qu'est censée représenter l'église est inquiétant. Elle et ces nonnes assises sur un banc, l'uniforme balayé par le vent. Ou par le souffle du Diable, peut-être ? Un démon qui s'invite dans des chapelles sans y craindre jamais le courroux de son principal rival : Dieu lui-même.
Alan Parker crée une belle homogénéité entre ses protagonistes, les décors et l'intrigue. Sur fond de culture vaudou, Angel Heart possède de plus une très belle partition musicale que l'on doit au compositeur sud-africain Trevor Jones...

vendredi 6 mai 2016

Melancholia de Lars Von Trier (2011)



Après Antichrist, Lars Von Trier aborde une fois encore la destruction de la cellule familiale. Déjà, dès l'ouverture en forme de prologue, le cinéaste danois utilise les même ficelles esthétiques que deux ans en arrière. Quant à ces quelques secondes très curieuses montrant Charlotte Gainsbourg portant dans ses bras un enfant approximativement du même âge que celui qu'elle perd durant le prologue de Antichrist, cette scène n'est-elle pas le lien qui unit celui-ci à Melancholia qui d'une manière encore plus démonstrative et définitive choisit de mettre en pièces, non plus un homme et une femme, mais l'humanité toute entière ?

Sur un rythme analogue à son œuvre précédente, Lars Von Trier explore encore davantage l'âme humaine, comme si Thomas Vinterberg et son épatant Festen croisaient la route d'une œuvre consacrant la fin de notre monde comme seule issue possible.

Sa galerie de portraits demeure toujours aussi saisissante. Entre une Charlotte Rampling glaciale, peu disposée à faire la joie de sa fille fraîchement mariée. Une jeune épouse angoissée, la superbe Kirsten Dunst (prix d'interprétation au festival de Cannes en2011 pour le rôle de Justine), doutant à chaque instant. Claire, la sœur, l'organisatrice des festivités, la chef d'orchestre d'un bal qui à ses yeux ne doit souffrir d'aucune aspérité. John, l'époux de celle-ci (Kiefer Sutherland), un être compréhensif, riche à millions, qui cache la vérité sur le monstre qui lentement mais sûrement s'apprête à avaler notre planète toute entière. Le jeune marié (Alexander Skarsgard), gentil mais aussi parfois puéril, tellement amoureux qu'il accepte un peu trop facilement les caprices de sa promise.

Et puis il y a le père de Justine (John Hurt). D'une admirable bonté, d'une gentillesse profonde, mais aussi d'une folie douce qui sied bien à ces festivités qui doucement glissent vers le drame. A côtés de lui, Udo Kier et Stellan Skarsgard apparaissent presque normaux. Même si le premier se voile littéralement la face chaque fois qu'il croise le chemin de Justine (ce qui nous quelques micro-scènes franchement tordantes), et que le second se permet d'être d'une immoralité qui confine à la cruauté.
Peu ou pas de musique à part le prélude de Tristan et Iseult de Richard Wagner qui parcourt l'intégralité d'une œuvre qui confond scènes réalistes tournées caméra à l'épaule, et visions dantesque d'une catastrophe en devenir. Visuellement, Melancholia, n'a, comme très souvent avec Lars Von Trier, rien à se reprocher. C'est un sans faute esthétique.

On pourrait croire que j'ai aimé Melancholia. Que je l'ai adoré au delà des mots. Et pourtant, il s'est révélé être une immense déception. Bêtement, je croyais y retrouver la même émotion que celle subie lors du visionnage de son fantastique Breaking The Waves. En réalité, le film m'a laissé aussi froid et perplexe que devant son Dancer in the Dark vanté comme de l'émotion à l'état pur mais qui ne m'a bouleversé que par son profond ennui.

Il y a parfois des choix qui ne s'expliquent pas. Comment peut-on effectivement juger que Melancholia est parfois assommant lorsque l'on estime que dans la carrière de son auteur, des œuvres telles que Element of Crime et Epidemic demeurent parmi ses plus flamboyantes réussites ? Je ne sais pas. Peut-être le film aurait-il mérité d'être nettoyé de quelques dizaines de minutes ? Toujours est-il que Lars Von Trier conserve le don de nous conter des histoires d'une manière fort peu coutumière. Et c'est ce qui fait la force de son œuvre toute entière...
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