Que peut-il y avoir de
plus effrayant qu'un authentique film d'épouvante vous glaçant les
sangs ? Une œuvre qui justement n'est pas à ranger dans la
case 'films horrifiques' et qui par l'inattendue angoisse qu'elle
génère démultiplie l'effet recherché. Un peu comme une scène
d'amour torride au beau milieu d'un drame, d'un policier, ou d'une
comédie et qui a beaucoup plus de chance d'attiser les braises que
dans un vulgaire film érotique dont on connaît par avance le
contenu. Si Angel Heart est dès le départ attendu
comme un thriller moite et teinté de fantastique, nous ne sommes pas
obligatoirement prêts à recevoir les innombrables scènes
cauchemardesques qui y pullulent. On savait Alan Parker un esthète
et l'on pouvait supposer que la présence de l'immense Mickey Rourke
apporterait autrement plus de cachet à l’œuvre que n'importe quel
autre acteur de l'époque. Mais ce qui saute tout d'abord aux yeux,
c'est l'impressionnant travail visuel que l'on doit communément aux
décors de Brian Morris et à la superbe photographie de Michael
Seresin.
Les couleurs semblent
s'être faites la malle pour une contrée plus optimiste que le
New-York et la Louisiane qui nous sont dépeints ici de manière
extraordinairement austère. Et même le folklore des rues en cette
année 1955 ne parviennent pas à atténuer cette impression de fin
du monde. Fanfares et danseurs de claquettes traversent des champs de
ruines où reposent des cadavres frigorifiés sur lesquels les chiens
abandonnés posent le regard un instant avant de prendre la fuite.
C'est dans ce contexte moribond que le détective privé Harry Angel
répond à l'appel mystérieux d'un avocat, Herman Winesap, qui pour
le compte d'un certain Louis Cyphre lui propose de rencontrer son
client. Un homme bien mystérieux qui va proposer à Harry de
retrouver Johnny Favorite avec lequel il est en affaire et qui
n'aurait pas donné de nouvelles de lui depuis les douze dernières
années.
Harry Angel, c'est donc
Mickey Rourke. Long pardessus en coton, cravate dépareillée, cheveu
gominé et coiffure partiellement entretenue, barbe de trois jours,
cigarette coincée entre les lèvres. Typiquement le genre de
détective que l'on imagine justement rencontrer à cette époque.
Les enquêtes que mène habituellement Harry sont à son image :
minables ! Elles n'ont pas fait de lui un homme riche mais elles
lui permettent de vivre, ce qui semble déjà pas mal pour un homme
qui a connu la guerre et en est revenu avec pas mal de séquelles.
Retrouver Johnny Favorite devrait être du gâteau pour Harry.
Malheureusement pour lui, ce gâteau va avoir un goût amer.
Plongeant dans un abîme sans fond, il va connaître sa pire
expérience d'homme et de détective.
De New-York à la Louisiane, c'est partout pareil. Où qu'aille notre héros, c'est le
même constat. Tout y sombre dans un inévitable chaos. Les morts
pourchassent le détective comme des ombres. Lui collent à la peau
au point que la police finit par le soupçonner d'en être le
responsable. Chaque rencontre se solde par un échec. Alan Parker a
le prodigieux sens du spectacle. Dès les premiers instants, on est
saisi par la noirceur du propos. Tout commence par ce cadavre gelé
qui semble regarder au dessus de lui. On n'avait pas vu d'aussi
saisissants instantanés de mort depuis les cadavres eux aussi gelés
de l'équipe norvégienne rencontrée dans le chef-d’œuvre de John
Carpenter, The Thing. Face à Mickey Rourke, Robert de
Niro. Imposant, barbu, les ongles longs, jouant avec une canne
qu'Alan Parker aime nous montrer manipulée en gros plan. Louis
Cyphre... Louis Cypher... Lucifer. Et comme il le dira lui-même plus
tard plus pratique à faire passer que Méphistophélès. Anxiogène,
Angel Heart l'est assurément. A tel point que même ce
refuge qu'est censée représenter l'église est inquiétant. Elle et
ces nonnes assises sur un banc, l'uniforme balayé par le vent. Ou
par le souffle du Diable, peut-être ? Un démon qui s'invite
dans des chapelles sans y craindre jamais le courroux de son
principal rival : Dieu lui-même.
Alan Parker crée une
belle homogénéité entre ses protagonistes, les décors et
l'intrigue. Sur fond de culture vaudou, Angel Heart possède de plus
une très belle partition musicale que l'on doit au compositeur
sud-africain Trevor Jones...
J'ai découvert ce film à la même époque que Lynch (Twin Peaks : Fire Walk With Me)... à l'époque, je découvrais pas mal de films géniaux vraiment par hasard, comme si la télé de l'époque était plus aventureuse qu'aujourd'hui. Un tout grand film !
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