Tout n'est toujours que
question de subjectivité et de sensibilité lorsqu'il s'agit
d'exprimer ses émotions devant un chant, un air de musique, un poème
ou un long-métrage. Pourquoi la bande musicale signée de Pino
Donaggio pour le chef-d’œuvre de Brian De Palma Body Double
me hante-t-elle depuis ces quarante dernières
années ? Pourquoi Miracle Mile
de Steve De Jarnatt a-t-il créé chez moi un phénomène de
persistance rétinienne qui ne s'est depuis jamais relâché ?
Et pourquoi désormais devrais-je vivre avec la sensation d'avoir
découvert bien trop tard le second long-métrage de la réalisatrice
américaine Patricia Rozema... ? Parce que White
Room
demeurera sans doute comme l'une des plus étonnantes, fascinantes et
séduisantes expériences de cinéma, de cela, je suis persuadé. Le
genre de long-métrage qui nous tombe entre les mains sans que nous
n'ayons jamais tenté un seul instant de l'attraper au vol lorsque
l'occasion se manifesta. C'est pourtant dans ce cas de figure là que
s'est présentée l'occasion de découvrir ce joyau de romantisme, ce
conte de fée où amour, névrose, ambition et musique se conjuguent
pour nous offrir un authentique et pur moment d'humanité. Aussi
déchirant que la perte de l'être le plus aimé au monde, aussi beau
et intense qu'une ''première fois'' avec celui ou celle que l'on
désire ardemment, derrière son énigmatique titre, White
Room
cache une œuvre troublante, parfois même déconcertante. Surtout
lorsque la réalisatrice, également aux commandes de l'écriture
monte son film en y intégrant des images iconiques et
représentatives de l'esprit du personnage de Norme interprété par
Maurice Godin. Un jeune homme qui après avoir quitté le cocon
familial part s'installer seul, lequel a pour étrange habitude
d'épier les gens chez eux lorsque tombe la nuit. C'est ainsi qu'un
soir il assiste à la mort d'une chanteuse populaire connue sous le
nom de Madelaine X (l'actrice (Margot ''Soeurs de
sang''
Kidder),
assassiné par un inconnu tandis que Norm demeure tétanisé devant
l'acte. Empli de remords, il assiste aux obsèques de la chanteuse et
y croise de manière brève une certaine Jane (interprétée par la
magnifique Kate Nelligan) qu'il rencontrera de nouveau avant de lui
proposer ses services de jardinier.
Jusque
là, le jeune homme a trouvé un boulot de vendeur de journaux auprès
de Zelda (Sheila McCarthy), une artiste plutôt ''originale'' qui lui
propose de tenir son kiosque de manière intermittente. Fasciné par
Jane à laquelle il avait tendu un mouchoir lors des obsèques de
Madelaine X, la belle inconnue débarque un jour devant le kiosque
afin de le lui rendre. Dès lors va naître une relation étrange
entre cette très belle femme vivant à l'écart du monde et ce jeune
garçon se rêvant d'écrire mais qui souffre d'être incapable de
noircir la moindre page blanche... White Room
démontre non seulement les qualités d'écriture et de mise en scène
de Patricia Rozema mais également sa grande sensibilité. Œuvre
qui sous cette forme n'aurait sans doute pas été en mesure d'être
conçue par un homme, c'est bien donc toute de féminité que
s'habillent le scénario et la mise en scène, dégageant une
certaine poésie, une magie parfois déconcertante il est vrai, mais
qui ne dénature jamais le propos et au contraire, l'enrichi. La
relation entre les deux principaux protagonistes dénote une sincère
complicité entre Kate Nelligan et Maurice Godin. Séduisant le
spectateur à travers cette timide relation intime qui se dessine
autour de leurs deux personnages et des soucis comportementaux que
l'un et l'autre ont cultivé à leurs dépends tout au long de leur
existence. D'un côté, un Norm pour qui parler ou même faire
l'amour est une chose relativement délicate. De l'autre, le handicap
de Jane face à son impossibilité de vivre au sein de ses
concitoyens. Naît de ce mélange entre drame et romantisme une
alchimie qui dispense chez le spectateur un réel sentiment de
chaleur et de passion pour ces deux personnages hors du commun. Où
le réel se confond avec l'imaginaire débridé de Norm. Et où la
conclusion ne peut souffrir d'une telle noirceur que le jeune homme
lui-même préférera la nier en recourant aux subterfuges qui lui
ont toujours permis d'avancer dans la vie. Bref, White
Room
est un régal. Original, émouvant, poignant, Patricia Rozema signe
là un très beau film...
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