Les mains attachées
autour de la taille, une corde au cou, le jeune Ario Kebara (l'acteur
Ken Yoshizawa) assiste impuissant au viol collectif de sa sœur Chie
par les hommes d'un petit village de la campagne japonaise. Hurlant
le prénom de sa sœur, il est frappé et s'évanouit. À son réveil,
il est toujours attaché mais découvre qu'il est seul. Les habitants
sont retournés à leurs occupations quotidiennes tandis que sa sœur
a disparue. Parvenant à se délivrer de ses lien, Ario n'a alors
plus qu'une idée en tête. Ou deux : retrouver sa sœur (qui
depuis son viol a visiblement perdu la tête) et la laver de
l'affront dont se sont rendus coupables les hommes du village. Kôji
Wakamatsu perpétue une fois encore la méthode qui est la sienne au
fil d'une filmographie qui ces dernières années entretient de
drôles de rapports avec ses concitoyens. Deux ans après les deux
premiers opus de la série de longs-métrages intitulés chez nous
Histoire de la violence de l'underground japonais
et dans son pays d'origine sous celui de Nihon
Bôkô Ankokushi,
le réalisateur japonais démarrait cette année 1969 avec Le
démon de la vengeance
(Shin Nihon bôkô ankokushi: Fukushûki).
Une œuvre particulièrement cruelle et graphique où la vengeance
sert de base à un scénario dont les ramifications sont on ne peut
plus succinctes. Après une premières séquence particulièrement
dérangeante lors de laquelle une jeune femme est longuement violée
par les hommes de son village ainsi que par leurs propres fils (tout
cela sous le regard de témoins qui n'agiront pas pour que cesse
l'horreur), son frère Ario va entreprendre de manière méthodique
de tuer tous ceux qui ont participé au viol de près ou de loin.
Cela commence par l'épouse et la mère d'un homme et de leur fils
qu'il va attacher avant de la faire parler et de la tuer. Puis Ario
se lance alors dans un périple meurtrier armé d'un sabre qu'il
vient de voler chez sa première victime. Ceux qui souffrent déjà
de la cruauté délivrée par la séquence d'ouverture ne sont sans
doute pas prêts à subir ce qui adviendra par la suite. Surtout
lorsque Kôji Wakamatsu reproduit pour la seconde fois le viol de
Chie qui cette fois-ci est précédé de la torture dont fait l'objet
son frère.
''Chie et Ario doivent mourir... pour le bien du village...''
Une
séquence insoutenable lors de laquelle on en apprend par contre
davantage sur les véritables intentions des villageois. Véritable
baisodrome à ciel ouvert, le village en question sert de terrain de
jeu aux ébats sexuels de ses habitants dont l'essentiel des
préoccupations semble être de faire l'amour plutôt que de cultiver
leurs terres. Non contents d'être au centre d'une ''malédiction''
qui toucha les autres membres de leur famille atteinte de tuberculose
et chassés de leurs terres, le frère et la sœur apprennent qu'ils
mourront afin de permettre à certains hommes du village de se marier
avec des femmes venues de la ville. Des femmes qui refusent de venir
s'y installer jusqu'à ce que soit définitivement éliminée toute
suspicion de cas de tuberculose. Le démon de la
vengeance
n'est pas tendre avec ses villageois, exhibés comme des individus de
peu de morale, violeurs et assassins, obsédés par la question du
sexe, crasseux, bref, dont la mort touche moins que si elle avait été
perpétrée sur des hommes et des femmes possédant des valeurs
morales plus justes. Une manière pour Kôji Wakamatsu de justifier
les actes de son principal protagoniste et d'éviter d'approfondir la
personnalité de ses futures victimes. L'amour et la mort sont ici
des leitmotivs qui ne cessent de se renvoyer la balle puisque le
principe est toujours le même. Un couple s'ébat dans les champs
avant que ne surgissent Ario afin de les tuer ! Si l'acte est à
proprement parler assez répétitif, le réalisateur japonais
gratifie cependant ses spectateurs de nombreux plans de nudité et de
quelques effusions de sang. Je les ai comptés : six paires de seins
et dix-sept cadavres. Une très bonne moyenne si l'on considère que
le film n'excède pas les soixante-douze minutes. Notons la partition
musicale du compositeur Shôsuke Sekita dont la très courte carrière
pour le cinéma s'étend sur deux longs-métrages, l'autre étant Sei
Chitai : Sex Zone
de Masao Adachi l'année précédente, et dont les quelques notes de
piano sonnent ici comme une véritable sentence... Cruel et barbare,
Le démon de la vengeance
reste encore de nos jours visuellement saisissant...
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