Auteur il y a cinq ans du
film d'horreur Zoo,
le réalisateur suédois Antonio Tublén mériterait davantage que
l'étrange mépris que semblent avoir à son encontre les
distributeurs hexagonaux qui depuis la sortie de son premier
long-métrage intitulé LFO
en 2014 ne paraissent guère passionnés par son travail. En effet,
ni l'un ni l'autre de ces travaux pourtant particulièrement brillant
n'est sorti sur nos écrans. Zoo
proposait une alternative à l'encombrant schéma ultra-classique du
film de zombies en enfermant ses principaux protagonistes dans un
univers clos et en y injectant la torpeur du cinéma autrichien de
Michael Haneke. L'un des croisements entre fantastique, épouvante et
horreur psychologique parmi les plus étonnants. C'est pourtant bien
quatre ans plus tôt qu'Antonio Tublén allait donner un coup de
fouet en proposant une science-fiction inédite et sacrément
intelligente tout en abordant déjà sa thématique sous l'angle du
huis-clos. Car tout comme il le fera à travers Zoo,
le ''héros'' de LFO
va tout d'abord agir de chez lui sur son voisinage avant que son
projet n'atteigne une ambition à l'échelle planétaire et ce, tout
en demeurant confiné entre les quatre murs de sa demeure
pavillonnaire. Là où l'on questionne les implications d'un tel
projet scientifique, se situe au niveau de ses hypothétiques
avantages comme des dangers qu'il pourrait contenir. Souffrant
d'acouphène, Robert Nord (Patrik Karlson) travaille depuis un
certain temps sur l'élaboration de sonorités qui lui permettraient
de pallier à son handicap. Travail qu'il partage à distance avec un
certain Sinus-San (Erik Börén). Jusqu'au jour où il découvre que
l'usage de certaines oscillations de basses fréquences lui
permettent de prendre le contrôle de quiconque y est sujet. C'est
ainsi armé d'un télécommande et d'un casque que Robert peut, à
loisir, contrôler les personnes qui se trouvent dans la zone de
diffusion des dites oscillations. Afin de confirmer qu'il n'a pas
rêvé son concept, il invite chez lui le couple de voisins Linn
(Izabella Jo Tschig) et Simon (Per Löfberg) et expérimente sur eux
sa curieuse invention. Une fois sous hypnose, l'un et l'autre
exécutent les desiderata de Robert qui peu à peu va se laisser
glisser vers certaines dérives dont le point culminant teinté de
mégalomanie le mènera à concevoir un monde en 2.0 dans lequel il
s'érigera lui-même en Dieu...
L'homme
s'élevant au statut de Dieu n'est pas inédit au cinéma. Le plus
célèbre d'entre eux reste bien évidemment le docteur Victor
Frankenstein qui après avoir été créé en 1818 par la romancière
britannique Mary Shelley dans le roman Frankenstein ou le Prométhée
moderne est apparu de nombreuses fois sur grand écran. Dans ce cas
très précis, ses recherches le menaient à recréer la vie à
partir de membres de corps humains prélevés sur divers cadavres.
Dans celui de LFO,
Robert ira jusqu'à repousser les limites du concept. Car si en
théorie, prendre le contrôle de la planète semble moins farfelu,
moins ''fantastique'' que de recréer la vie de manière telle que le
concevait de son côté le fameux docteur, l'ampleur des
conséquences, on l'imagine, peuvent être par contre beaucoup plus
graves. C'est lors d'un long cheminement d'une centaine de minutes
qu'Antonio Tublén va établir ce qui apparaît d'emblée comme un
acte de perversion, voire de viol (Robert profite de son emprise sur
ses voisins pour faire nettoyer ses vitres par Simon tandis qu'il
couchera à plusieurs reprises avec Linn). Antonio Tublén semble
entretenir une drôle de relation avec ses personnages auxquels il
aime apparemment imposer régulièrement des tâches ménagères
(l'un des protagonistes de Zoo
sera chargé de mettre de l'ordre dans l'appartement du
couple-vedette). Œuvre de science-fiction non dénuée d'un certain
humour noir, LFO
distille parfois un malaise manifeste. Patrik Karlson arbore une
physionomie ventripotente et une attitude particulièrement malsaines
malgré son intelligence et ses connaissances en matière de
recherches scientifiques. Son personnage ''robotise'' et manipule
ceux dont le réalisateur finira par accentuer l'aspect d'adeptes
involontairement voués à la cause d'un gourou sans cesse plus
gourmand en terme d'emprise et d'ambition. Notons que le long-métrage
bénéficie d'une certaine ambiguïté vis à vis de l'existence même
de l'épouse de Robert, prénommée Clara et interprétée Ahnna
Rasch. Au point que l'on se demande quelle part de réel se confond
avec le fantasme. Ces errances fantasmagoriques nées d'un esprit
trouble qui sans la prise de médicaments voit ressurgir ses mauvais
démons. Au delà de son apparente simplicité dans la mise en scène
et l'interprétation, LFO
fait réfléchir et s'impose comme l'un des meilleurs films de
science-fiction des années 2010. Du moins, l'un des plus originaux
de sa catégorie. Un indispensable, donc...
Merci beaucoup for your very kind words about our film!
RépondreSupprimerPatrik (Robert Nord in LFO)
Nous sommes en droit de lui préférer le feu-LFO musical... :-)
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